Le personnel a été informé mercredi de la restructuration. "28 postes, c'est le scénario du pire, ce n'est pas un chiffre définitif", a déclaré Christine Gabella, directrice Suisse romande chez Tamedia mercredi devant la presse à Lausanne.
"Cette nouvelle extrêmement importante à l'échelle de la Suisse romande a suscité de nombreuses réactions parmi les équipes", a-t-elle ajouté. Une procédure de consultation a été lancée avec la coordination des rédactions de Suisse romande, les sociétés de collaborateurs et le syndicat impressum. A son terme, les suppressions de postes seront annoncées.
"La procédure de consultation que nous mènerons avec notre partenaire social et Impressum devrait permettre de discuter de toutes les mesures alternatives et faire baisser le chiffre communiqué", a-t-elle précisé ce mercredi soir au micro de Forum.
Modèle sous pression
Ces mesures sont rendues nécessaires par l'évolution du chiffre d'affaires en Suisse romande et par un modèle économique énormément sous pression en raison de la transformation digitale, a justifié Christine Gabella. "On doit fonctionner avec moins de personnes".
Et pour garder une qualité semblable voire supérieure, des choix devront être faits.
"Dire que l’offre sera identique l’année prochaine, ce n'est pas possible. Il y a donc des choix qui doivent être faits. Sur les supports digitaux, on peut d'ailleurs mesurer avec précision ce que les gens attendent. En fonction de cette connaissance, on doit faire des choix. La nouvelle organisation devra permettre aux rédactions de les faire en fonction de la connaissance qu'elles ont de leur lectorat", a ajouté la directrice Suisse romande chez Tamedia dans Forum. Il faudra selon elle que les titres se concentrent sur ce qui leur amène une réelle plus-value.
Encore 10 ans pour l'imprimé
Si le futur des médias est numérique, "nous partons du principe que l'imprimé restera une part forte pendant de nombreuses années, on parle d'au moins dix ans", a déclaré pour sa part Andreas Schaffner, codirecteur de Tamedia, en conférence de presse mercredi matin.
Mais il est quasiment impossible de vendre un abonnement print à quelqu'un de moins de 30 ans. Cette érosion va se poursuivre. Or les marges de contribution du numérique sont plus faibles que celles du papier, selon Andreas Schaffner.
"Il faut deux abonnements digitaux pour un print, une tâche d'hercule. On ne va pas arriver à compenser cette perte du chiffre d'affaires. Si on ne réagit pas, nos résultats vont davantage se dégrader", a-t-il relevé.
A la question de savoir à quoi ressembleront les titres de Tamedia dans 15 ans, Christine Gabella dit ne pas pouvoir se projeter. "D’ici là, beaucoup de choses peuvent changer, notamment au niveau politique."
Ras-le-bol des rédactions
L'annonce a provoqué un tollé dans les rédactions. "La Tribune de Genève, 24 heures, le Matin Dimanche, Tamedia (rubriques suisses, monde, économie), les entités TES (photographie, édition et mise en page), la Cellule digitale ainsi que l’association professionnelle impressum dénoncent avec force la décision de TX Group, propriétaire de Tamedia, de supprimer plus de 10% des effectifs des rédactions en Suisse romande", indiquent-ils dans un communiqué.
"En chiffres, ce sont 3,5 millions économisés uniquement sur le dos du personnel. C’est donc un ras-le-bol que le personnel des rédactions exprime face à une direction qui n’investit plus dans ses médias, et les laisse mourir à petit feu au détriment des abonnés et de la société dans son ensemble", protestent les collaborateurs.
"Il y a une forme de lassitude, car ce genre de mesures se répète d’année en année", a déploré pour sa part dans Forum Etienne Coquoz, secrétaire syndical à Impressum. Il y a aussi une énorme inquiétude face au monde des médias en Suisse romande, et une colère." Avant d'ajouter: "On nous parle d’investir dans le numérique, mais on ne voit pas ces investissements."
Réduire la complexité interne
La nouvelle organisation qui prévoit notamment la suppression de la réaction commune T (pour Tamedia) vise à renforcer les marques pour davantage de proximité avec le lecteur, ainsi qu'à réduire la complexité interne. Autres objectifs: simplifier au maximum la préparation des journaux print et former des équipes aux nouveaux formats numériques.
"Pour l'heure, nous sommes au début du processus de transformation. Il s'agit d'une 'vision' qui se construira avec les équipes rédactionnelles. Ce sont elles qui feront des choix".
"Nous voulons nous concentrer sur les plus-values. Cette restructuration devrait rester invisible pour le lecteur et devrait rendre notre offre plus attractive", a noté Christine Gabella. Et de préciser que les rédactions en chef demeurent inchangées et qu'aucune fusion de titre n'est prévue.
La Suisse alémanique sera également touchée, mais dans une proportion moindre, la situation sur le marché de la publicité s'étant dégradée plus rapidement en Suisse romande, a expliqué Andreas Schaffner. Une annonce sera faite au personnel jeudi.
Juteux dividendes
"La direction le dit aujourd’hui frontalement: Edipresse était trop gros pour la Suisse romande au moment où Tamedia l’a racheté. Voilà pourquoi la seule stratégie industrielle de TX Group se résume, depuis, à des coupes allant vers une fin inexorable des journaux imprimés et de leurs rédactions", déplorent les collaborateurs.
Depuis le rachat d'Edipresse par Tamedia en 2011, les annonces de licenciement se sont succédé. "Celui du jour est d'une ampleur inédite depuis la disparition du Matin", dénonce également syndicom. Et de constater que les actionnaires de TX Group ne renoncent pas eux aux juteux dividendes perçus chaque année: 47,7 millions rien qu'en 2022.
ats/jfe