Pour se défaire totalement des énergies fossiles, l'Europe devrait dépenser quelque 2000 milliards d'euros d'ici 2040, estime l'Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique dans un rapport publié à la fin de la semaine dernière. Pas certain, donc, que l'Europe puisse tenir ses engagements.
Récemment, la Banque centrale européenne (BCE), l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et la Banque européenne d'investissement (BEI) se sont d'ailleurs elles aussi inquiétées du manque d'investissements. Pour les trois institutions qui ont récemment lancé un appel, il faut investir davantage et plus vite pour ne pas rater le coche.
L'Union européenne, de son côté, articule le montant de 470 milliards d'euros annuels d'ici 2030 pour réaliser sa transition énergétique dans les transports, la construction, l'énergie et l'industrie. A ce stade, selon ses propres évaluations, il manque plus de la moitié des fonds.
Les investisseurs manquent à l'appel
Entre, d'un côté, le pacte vert qui ambitionne une forte réduction des gaz à effet de serre et, de l'autre, le plan "REPowerEU" qui vise l'économie d'énergie, une production et une diversification des sources d'approvisionnement, il faudrait plus généralement 700 milliards d'euros annuels. Une partie est prise en charge par l'Union européenne, mais Bruxelles compte largement sur les gouvernements nationaux et sur le secteur privé pour réussir sa transition.
Et là aussi les investisseurs manquent à l'appel, notamment pour des raisons de procédures. A l'heure où la Chine, l'Inde ou le Japon lancent de vastes programmes pour déployer leurs capacités industrielles, l'Europe, elle, multiplie les régulations. Des régulations compliquées qui font dire que l'Europe avance à coups de bâtons. Et ce, alors que les Etats-Unis, par exemple, appliquent, eux, la méthode de la carotte, avec une stratégie d'incitations financières, de prêts et de crédits d'impôts.
L'Europe, quant à elle, mise sur des normes de performances, des objectifs contraignants, la réglementation sectorielle et la tarification carbone. Pas de quoi inciter même l'investisseur le plus convaincu par l'objectif climatique.
Résistances politiques
Et le manque d'investissements n'est pas seule en cause. Quand le coût de la transition se répercute concrètement sur les économies nationales, les politiques font de la résistance, comme le souligne Nathalie Tocci, directrice de l'institut des affaires internationales à Rome.
"Quand les questions climatiques n'amenaient pas à des politiques concrètes, c'était assez facile d'être pour le climat. Maintenant, les politiques climatiques sont beaucoup plus concrètes. Et c'est peut-être normal que les gens qui ont peur de perdre montrent une résistance. C'est la politique", détaille-t-elle, donnant comme exemple la résistance des nouveaux partis des agriculteurs aux Pays-Bas. "On a vu déjà l'énorme croissance de ce mouvement dans les élections locales."
Katja Schaer/fgn
Quid de la Suisse
En Suisse, le Parlement s'est accordé fin septembre sur une nouvelle loi pour encourager les énergies renouvelables. Malgré cela, Berne aussi peine à passer de la parole aux actes, comme le déplore au micro de La Matinale Mathias Schlegel, porte-parole de Greenpeace en Suisse romande. Selon lui, on ne va pas assez vite.
"C'est un très long chemin pris par la Suisse. On voit aujourd'hui les avancées assez significatives avec la loi sur l'approvisionnement en électricité qui s'appuie sur les énergies renouvelables." Les objectifs en ce sens sont, pour lui, très ambitieux et permettrait de décarboner la production d'énergie. "Toutefois, c'est une loi qui s'accompagne d'atteintes à la protection de la biodiversité. Aujourd'hui, il faudrait s'assurer que le cap soit fixé sur le développement du solaire photovoltaïque et surtout sur l'efficacité énergétique et la maîtrise de notre consommation d'énergie."