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Le monde de la gastronomie passé à la casserole des réseaux sociaux

fokus :  cuisine 100% réseaux
fokus : cuisine 100% réseaux / basik / 11 min. / le 16 octobre 2023
Covid, franc fort, inflation et pénurie de personnel: le secteur de la restauration s'est heurté ces dernières années à de nombreuses difficultés. Mais parallèlement, l'intérêt pour la gastronomie n'a jamais été aussi vif, notamment sur les réseaux sociaux. A tel point que les grands chefs ont dû s'y mettre.

Que ce soit sur Instagram, TikTok ou Youtube, les comptes dédiés à la nourriture pullulent. Les influenceurs spécialisés dans la bonne chère sont de plus en plus nombreux, donnant leur avis, partageant des recettes et faisant émerger de nouvelles adresses à ne pas manquer pour se régaler.

Une nouvelle tendance à laquelle les grands chefs ne peuvent pas se soustraire s'ils souhaitent rester dans la course. Mais combien de temps, d'énergie et d'argent cela leur prend-il? Et surtout pour quels bénéfices? L'émission de la RTS basik révèle que sur les réseaux sociaux, les chefs étoilés ont parfois moins d'influence que les influenceurs eux-mêmes, grâce à la magie des algorithmes.

Véritable tremplin

À seulement 26 ans, Danny Khezzar, finaliste de l'émission de M6 Top Chef cette année, est devenu une star culinaire avec plus de 280'000 abonnés sur Instagram et 100'000 sur TikTok. Il jongle entre son rôle de chef au restaurant Bayview à Genève, la gestion d'un restaurant éphémère à Paris, des événements gastronomiques et la préparation d'un prochain livre de recettes.

Danny Khezzar, nouveau chef du restaurant gastronomique Bayview de l’Hôtel Président Wilson à Genève. [restaurantbayview.com/ - DR]
Danny Khezzar, nouveau chef du restaurant gastronomique Bayview de l’Hôtel Président Wilson à Genève. [restaurantbayview.com/ - DR]

Le jeune chef mène une vie effrénée, avouant notamment ne dormir que quatre heures par nuit. Mais à côté, il trouve tout de même le temps d'alimenter lui-même son compte Instagram. Après le service du midi, il réalise avec l'aide d'un commis à la caméra des vidéos de cuisine gastronomique, montées sur son téléphone. Tournées en une vingtaine de minutes, ses courtes vidéos rencontrent un succès massif: "Ça marche très bien, on fait des millions de vues sur Instagram et c'est assez fou! Il y en a qui ont 20 millions de vues, c'est incroyable", se réjouit-il au micro de basik.

>> Lire aussi : Danny de Top Chef: "Il n'y a pas eu la cerise sur le gâteau, mais c'était magique"

Ces vidéos ne sont pas étrangères au succès que connaît actuellement Danny Khezzar. C'est en effet grâce à ses 100'000 abonnés qu'il est repéré par les sélectionneurs de M6 et invité au casting de l'émission Top Chef. Ses victoires dans l'émission lui apportent des milliers de nouveaux abonnés et de nouvelles responsabilités. Il maintient une forte interaction avec ses fans, ce qui attire une clientèle nouvelle dans son restaurant. "On a une clientèle qui […] économise des fois pendant 2, 3 ou 4 mois, […] d'habitude ils ne vont pas dans les restaurants gastronomiques. C'est magique de voir cette clientèle, souvent hyper jeune d'ailleurs, c'est hyper cool."

Un recrutement de personnel plus facile

En plus d'attirer une nouvelle clientèle, la notoriété de Danny Khezzar facilite le recrutement de personnel malgré la pénurie qui sévit dans la restauration. Il dit ainsi recevoir des dizaines de CV via Instagram quotidiennement. De plus, il réalise des collaborations lucratives avec des marques, pouvant gagner jusqu'à 5000 francs par vidéo d'une minute publiée sur Instagram.

Toutes et tous ne sont toutefois pas à l'aise avec les smartphones et les réseaux sociaux. A l'Hôtel de Ville de Crissier, le chef étoilé Franck Giovannini préfère par exemple laisser des professionnels gérer le compte Instagram du restaurant.

J’espère que je pourrai faire mon temps ici sans devoir mettre ma vie sur les réseaux sociaux pour remplir mon restaurant

Franck Giovannini, Chef de l’Hôtel de Ville de Crissier

Un photographe expérimenté prend les clichés et le directeur des opérations Vincent Chobaz alimente le compte. Le chef garde toutefois la main en choisissant les photos à mettre en avant selon la saison ou la spécialité du moment. Et il envisage d'explorer davantage les possibilités offertes par les réseaux sociaux. "J'aimerais par exemple mettre en avant les collaborateurs et faire des petits trucs sur chaque partie de la maison, sur les différents métiers qu'on a ici."

Franck Giovannini comprend l'importance des réseaux sociaux mais ne veut pas que cela devienne une obligation: "J'espère que je pourrai faire mon temps ici sans devoir mettre ma vie sur les réseaux sociaux pour remplir mon restaurant." Il préfère soigner sa clientèle en passant du temps après chaque service à saluer les convives, une activité qui lui prend deux à trois heures par jour mais qu'il considère comme sa meilleure forme de communication.

Les réseaux sociaux semblent donc être devenus essentiels pour les chefs de restaurants gastronomiques. Sans compter que l'engouement pour la gastronomie a pris une nouvelle dimension avec les émissions télévisées et l'arrivée de comptes dédiés sur les réseaux sociaux. Sur Instagram, plus de 500 millions de publications utilisent le hashtag "food".

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Une tendance reconnue au niveau académique

Même la très classique EHL Hospitality Business School de Lausanne a compris que la maîtrise des codes de ces nouveaux vecteurs de communication est essentiel. La professeure assistante de Marketing digital, la Dre Valentina Clergue, souligne que ce n'est pas la qualité des plats présentés sur les réseaux qui prime dans la course à l'influence, mais la quantité de publications et la notoriété de celles et ceux qui partagent les publications.

"Les algorithmes derrière les réseaux sociaux choisissent quel contenu partager sur la base du succès probable qu'il aura. Cela signifie qu'un influenceur avec de nombreux abonnés aura probablement plus de succès, selon l'algorithme, et que ses publications seront montrées à plus de personnes. Cela signifie aussi que quelqu'un de moins suivi, de moins actif sur les réseaux sociaux, sera beaucoup moins visible."

Vidéos esthétiques

CaptainJules, vidéaste de formation devenu influenceur culinaire, a bien compris l'importance de poster régulièrement sur les réseaux sociaux, s'évertuant à tourner, monter et publier deux vidéos de son cru par semaine. Des réalisations reprenant tous les codes des réseaux sociaux.

Avec 180'000 abonnés sur Instagram, 40'000 sur YouTube et 70'000 sur TikTok, celui qui est présent sur les réseaux depuis six ans a conquis un public grâce à des vidéos esthétiques, dont une sur des lasagnes verticales qui a fait exploser le nombre d'abonnements. "Je crois qu'elle a fait 7 ou 8 millions de vues, un peu partout dans le monde. […] C'est vrai qu'en les représentant de manière verticale, les gens se sont dit 'tiens, c'est nouveau'. Après il y a aussi la part de hasard qui existe sur les réseaux sociaux, qui fait que parfois on est dépassé sans savoir pourquoi."

Bien qu'il ne soit pas cuisinier, son succès sur les réseaux repose sans doute sur le visuel et la créativité de ses plats, indispensables pour que les personnes accrochent dès les premières secondes à la vidéo et la regardent jusqu'au bout.

Jules a sauté le pas il y a quelques mois et a quitté son emploi dans la publicité pour tenter de générer des revenus suffisants avec ses vidéos. Grâce à ses nombreux abonnés, il est approché par des marques pour des partenariats rémunérés, pour des vidéos de cuisine mettant en avant des produits. Il admet toucher entre 2000 et 5000 francs pour un "reel" sur Instagram et en a déjà réalisé trois depuis le mois de mai dernier.

Sujet TV: Micaela Mumenthaler

Adaptation web: Fabien Grenon

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