De nombreux pièges relevés dans les listes de médecins de famille des assurances maladie
Dans le cadre des offres dites de "médecin de famille", les assureurs proposent des listes de partenaires dans lesquelles les personnes assurées doivent impérativement choisir leur médecin de référence.
Mais certaines listes ne sont plus à jour et présentent des lacunes frappantes, a constaté une enquête de la RTS. Par exemple, certains médecins, pourtant estampillés "libre", ne prennent plus de nouveaux patients.
C'est le cas de la doctoresse Muriel Blanc Muller, dont le nom est proposé par certaines caisses maladie. Or, cette dernière n'accepte plus de nouveaux cas depuis plus de dix ans. "Les assurances ne se renseignent pas pour savoir si on prend de nouveaux cas", témoigne-t-elle dans le 19h30. "Ce n'est pas un système très juste, parce que le patient est un peu dupé. Il est sûr qu'il va trouver un médecin traitant par ce biais-là et ce n’est pas le cas."
Médecins saturés, voire retraités
Par conséquent, son cabinet est parfois contacté par des patients qui disent avoir choisi la doctoresse, sur la seule base d'une telle liste, "parfois depuis plusieurs années", explique une assistante médicale. "On se retrouve un peu coincé et on est obligé de leur annoncer que leur contrat d'assurance ne fonctionne pas", raconte-t-elle.
L'enquête de la RTS a révélé de multiples cas similaires. Un autre cabinet se dit par exemple "saturé depuis environ six mois". "On ne comprend pas pourquoi le nom du médecin figure sur ces listes", répond son secrétariat.
Ainsi, dans le Jura, une assurance annonce par exemple 14 médecins. Dans les faits, la moitié seulement acceptent de nouveaux patients.
Et il y a encore plus fort: sur les listes proposées par certaines assurances figurent le nom de médecins retraités depuis de nombreuses années.
Des adresses comptées à double
Autre exemple: une assurance qui ne travaille qu'avec des cabinets partenaires de l'entreprise Medgate. "Il n'y en a tout simplement pas en Suisse romande! Donc si un patient contracte une telle assurance, il ne pourra pas aller chez un médecin romand", souligne Simon Zurich, vice-président de la Fédération suisse des patients (FSP).
Par ailleurs, dans certaines régions, le nombre de médecins se réduit comme peau de chagrin. Le tout sur fond de pénurie de généralistes. Or, des assurances laissent croire qu'elles proposent un nombre confortable d'adresses dans certaines régions. Mais à y regarder de plus près, certaines sont parfois comptées à double.
>> Lire à ce sujet : Le manque de médecins va créer "d'énormes problèmes" d'ici deux à trois ans
En Valais, par exemple, les cinq médecins indiqués à Martigny par une caisse ne sont en réalité que trois, l'assurance comptant un médecin et sa Sàrl comme deux options distinctes. Idem à Sion, où deux médecins sont annoncés alors qu'il s'agit d'un seul et même praticien. Une autre assurance propose "un réseau de soin avec de nombreux médecins", mais aucun dans le Haut-Valais et les vallées latérales du Valais romand.
Une situation alarmante
Tous ces éléments créent une situation inquiétante, alerte la FSP. "La pression économique sur les assurés les conduit à choisir des modèles qui ne répondent plus à leurs besoins médicaux", dénonce Simon Zurich.
La situation est d'autant plus préoccupante que, selon la faîtière Curafutura qui regroupe les caisses CSS, Helsana, Sanitas et KPT, "la proportion des assurés ayant un modèle d'assurance alternatif augmente depuis plusieurs années pour atteindre aujourd'hui 70%".
Contactées, les assurances et leurs faîtières renvoient, dans une réponse écrite, à la responsabilité individuelle des assurées et assurés, sommés de prendre garde à ce que le modèle choisi "corresponde à leurs besoins".
"Le modèle médecin de famille (...) convient surtout aux personnes qui disposent déjà d'un médecin de famille", précise Santésuisse. Dans le cas contraire, il faut vérifier que le médecin choisi accepte bien de nouveaux patients "comme l'indiquent clairement les assureurs-maladie", poursuit la faîtière.
Les réclamations pourraient changer la donne
De son côté, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) admet que ces modèles "avantageux" peuvent poser question mais ne compte pas agir contre ces pratiques, du moins pour l'instant, car les conditions d'assurance respectent les conditions légales.
Mais la donne pourrait changer si les plaintes se multiplient. "Il est important que les conditions d’assurance mettent en évidence de manière transparente les restrictions propres à un modèle (...). Par ailleurs, nous prenons très au sérieux les éventuelles plaintes des assurés (...) Jusqu'à présent, nous n'avons reçu que peu de réclamations à ce sujet, mais des réclamations de ce type pourraient amener à ce que les informations figurant sur les sites internet des assureurs concernés soient aménagées de manière plus transparente et plus intuitive", écrit l'OFSP dans une réponse envoyée à la RTS.
>> Voir aussi les fiches de la FRC sur les modèles alternatifs proposés en Suisse romande, avec leurs conditions et restrictions.
Reportage TV: Claudine Gaillard Torrent
Texte web: Pierrik Jordan