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"Avec un taux de chômage de 2%, on peut parler de plein emploi en Suisse"

L'invité de La Matinale (vidéo) - Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du SECO
L'invité de La Matinale (vidéo) - Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du SECO / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 11 min. / le 8 novembre 2023
Le marché du travail se porte bien en Suisse. En octobre, le taux de chômage est resté inchangé sur un mois, à 2%, a indiqué mardi le Secrétariat à l'économie (Seco). Pour Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du Seco, cette situation de plein emploi est réjouissante.

"La situation sur le marché du travail après la crise Covid s'est nettement détendue et on peut parler de plein emploi en Suisse", explique Boris Zürcher dans La Matinale de la RTS. "La conjoncture sur le marché intérieur est très bonne", poursuit-il. "On profite encore de taux d'intérêt très bas, donc ça stimule l'emploi et c'est ça qui, pour finir, crée cette situation très favorable pour la Suisse".

La situation sur le marché du travail après la crise Covid s'est nettement détendue et on peut parler de plein emploi en Suisse

Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du Seco

Variations régionales

Fin octobre, 93'563 personnes étaient inscrites au chômage auprès des offices régionaux de placement (ORP), ce qui représente un taux de chômage de 2%. Des variations de ce taux peuvent être observées selon les régions. "En Suisse centrale par exemple, on a des taux qui sont nettement inférieurs à 1%", indique le chef de la Direction du travail du Seco.

Les Suisses alémaniques pesent pour 58,8% du total des chômeurs inscrits, tandis que la Suisse romande et le Tessin comptent pour 41,2%. Rapporté à la population de ces zones géographiques, le taux de chômage était de respectivement 1,7% dans la première et de 3% dans la seconde, selon les données du Seco.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ces différences selon Boris Zürcher, notamment le tissu économique de la région. Il rappelle aussi que si le marché intérieur suisse se porte bien, il n'en va pas forcément de même pour le marché international.

La Suisse a vécu depuis la Deuxième Guerre mondiale pratiquement tout le temps une pénurie de main-d'oeuvre

Boris Zürcher, chef de la Direction du travail du Seco

Le secteur de l'industrie, très présent dans les cantons de Neuchâtel et du Jura, subit par exemple "davantage de chocs à travers la conjoncture internationale", notamment avec des exportations à la peine. "Et puis Genève, c'est un peu un cas spécial avec la frontière vers la France", explique Boris Zürcher. "Donc il y a beaucoup de dynamiques dans ce marché du travail qui peuvent expliquer ce taux un peu plus élevé".

Pénurie de main-d'oeuvre

Parallèlement à ce faible taux de chômage, la Suisse fait face à une pénurie de main-d'oeuvre dans certains domaines. Cela n'inquiète pas Boris Zürcher, qui rappelle que la situation n'est pas exceptionnelle et qu'il faut distinguer les pénuries structurelles et conjoncturelles.

"La Suisse a vécu depuis la Deuxième Guerre mondiale pratiquement tout le temps une pénurie de main-d'oeuvre", explique-t-il. Aujourd'hui, ce sont des secteurs comme ceux de la santé ou de l'industrie qui connaissent une pénurie structurelle de main-d'oeuvre qualifiée. Les autres pénuries de main d'oeuvre ressenties sont en revanche "plutôt dues à des facteurs conjoncturels", estime Boris Zürcher, "donc ça va se normaliser".

Dans les secteurs de la restauration et de l'hébergement par exemple, un effet de rattrapage peut être observé suite à leurs difficultés liées à la pandémie de Covid-19. "Ils ont pratiquement perdu 50'000 postes de travail pendant la crise de la pandémie", explique le chef de la Direction du travail du Seco. 50'000 postes supplémentaires ont par la suite été créés ces deux dernières années, affirme-t-il. La situation est donc revenue au niveau d'avant la pandémie. "C'est un effet conjoncturel, c'est un effet de rattrapage après la crise du virus", explique-t-il.

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Chômage de longue durée en baisse

Paradoxalement, la demande d'emploi est plutôt élevée dans le domaine de la restauration et de l'hébergement. Cela peut s'expliquer par certaines spécificités de ces secteurs d'activité. "Il y a beaucoup de mouvements dans ce secteur", explique Boris Zürcher, précisant que beaucoup d'emplois sont à durée déterminée et qu'il existe aussi un effet saisonnier, notamment dans l'hébergement.

La durée du chômage est donc très courte, précise Boris Zürcher. "Ça augmente le taux, mais ça ne nous préoccupe pas fortement, parce que ce n'est pas un chômage structurel, c'est plutôt transitoire", affirme-t-il. Le nombre de chômeurs de longue durée a totalisé 10'757 personnes, en repli d'environ un tiers sur un an. "Ça fait à peu près 11 ou 12% de l'ensemble des chômeurs, ce qui est aussi un taux record extrêmement bas", se réjouit-il.

Pour Boris Zürcher, ce "chômage frictionnel" est normal en situation de plein emploi. "Vous quittez votre poste de travail et après, peut-être que vous ne trouvez pas immédiatement un nouvel emploi, ça prend deux ou trois mois et ensuite vous êtes de nouveau dans le marché du travail", résume-t-il.

Selon les chiffres du Seco, parmi les chômeurs recevant des prestations de l'assurance chômage, 66,7% étaient inscrits depuis moins de six mois, quand 21,8% l'étaient depuis sept à douze mois. Dans l'ensemble, 93,9% des inscrits étaient auparavant actifs.

Par ailleurs, cette situation de plein emploi donne un certain pouvoir aux employés. Ceci s'observe, selon Boris Zürcher, par une augmentation des salaires, annoncée dans le dernier rapport de l'Office fédéral de la statistique (OFS), et une amélioration des conditions de travail, notamment.

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"Donc il y a beaucoup de dimensions en faveur des employés qui évoluent dans le bon sens", conlut-il.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Emilie Délétroz avec ats

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