Inquiétudes au niveau fédéral après le départ de plusieurs cadres de la Finma

La FINMA, un surveillant bancaire aux pouvoirs limités [KEYSTONE - Gaetan Bally]
La Finma peut-elle encore assurer la surveillance des marchés financiers? / La Matinale / 4 min. / le 14 novembre 2023
La Finma est-elle encore en mesure d’assurer la surveillance des marchés financiers? La question se pose après les départs en série ces dernières semaines de plusieurs cadres de haut niveau de l'institution. Cette situation suscite des inquiétudes jusqu'au Parlement fédéral.

L'inquiétude est particulièrement vive puisque la surveillance des marchés est essentielle tant pour éviter une nouvelle débâcle bancaire que pour contrôler le mastodonte bancaire qu'est devenu UBS après la chute de Credit Suisse.

Or, depuis le mois de septembre, les départs se sont succédé dans des postes clés du gendarme des marchés financiers: direction, services stratégiques, secrétariat, communication.

>> Relire : Le patron de la Finma Urban Angerhn démissionne pour "raisons de santé"

La conseillère nationale socialiste zurichoise Céline Widmer a déposé une interpellation au Conseil fédéral sur cette situation alarmante. Elle souhaite savoir quelles sont les raisons de ces départs et si des mesures ont été prises suite à ces démissions.

La Commission de l'économie et des redevances a également adopté la semaine dernière une motion pour renforcer la Finma. Le sujet est clairement un thème de préoccupation au niveau fédéral.

Une institution contestée

En plus des départs en cascade, c'est surtout la décision de la Finma de biffer d'un coup 16 milliards d'obligations AT1 qui provoque remous et procédures judiciaires. Sans compter que l'institution, sous le mandat de sa nouvelle présidente Marlene Amstad, se serait beaucoup préoccupée de durabilité ou de numérisation et pas assez de Credit Suisse, selon une

Marlene Amstad est présidente de la Finma depuis 2021. [Keystone - Peter Klaunzer]
Marlene Amstad est présidente de la Finma depuis 2021. [Keystone - Peter Klaunzer]

source citée par la presse alémanique.

L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers se serait également trop axée sur les ratios de fonds propres et de liquidités au détriment des signaux du marché. Elle a donc tardé à réagir face aux déboires de Credit Suisse. Denis Pittet, associé-gérant de la Banque Lombard Odier et président de la Fondation Genève Place Financière, reconnaissait d’ailleurs lors de la Conférence de presse de la Fondation en octobre dernier qu’elle aurait pu être plus réactive.

Mais la Finma peut-elle vraiment tout contrôler? Sur 550 collaborateurs, seuls 6 étaient directement affectés jusqu'à présent à la surveillance d'UBS et de Credit Suisse. Désormais, ils sont 20 à scruter de très près la nouvelle UBS.

Des moyens limités

Mais encore faut-il avoir l'autorité nécessaire pour parler d'égal à égal avec la méga-banque. Or la volonté d'éviter à tout prix les conflits d'intérêt a rendu la Finma trop "académique", selon certains. C'est aussi le point de vue d'Henry Peter, avocat et professeur de droit des sociétés à l'Université de Genève: "Cette approche pratiquée depuis quelques années qui consiste à ne pas nommer des personnes qui ont ou ont eu une expérience, une implication dans les activités de banque ou d'assurance conduit fatalement à ce qu'on nomme des personnes qui ont moins d'implication. Si on a moins d'implication, parfois on comprend moins le fonctionnement réel de ces institutions, il est donc difficile d'en assurer la gouvernance à haut niveau".

La Finma a-t-elle par exemple l'envergure nécessaire pour convoquer Sergio Ermotti, le nouveau patron d'UBS, et lui imposer de réduire ses risques? Cela nécessite un sacré leadership qui manque cruellement à l'institution, selon certains observateurs.

Ses moyens d'action sont également limités. La Finma n'a pas la compétence de prononcer des amendes, comme par exemple l'autorité financière américaine (SEC). Elle n'est pas autorisée non plus à perquisitionner un établissement. Pas de quoi faire trembler la place financière suisse.

Sylvie Belzer/lan

Publié Modifié