Du Chrysler Building à New York aux grands magasins britanniques Selfriges et suisses Globus (voir aussi l'encadré), le magnat de 46 ans a vu gros et en fait désormais les frais. Après des signaux inquiétants, c'est la déroute pour sa holding au fonctionnement opaque fondée en 2000.
"Malgré les efforts considérables de ces dernières semaines, il n'a pas été possible de lever suffisamment de fonds" pour éviter la procédure d'insolvabilité, a expliqué l'entreprise dans un communiqué.
Elle espère désormais mettre en oeuvre un plan de restructuration "de manière autonome", sous la surveillance d'un administrateur judiciaire. Le but est de geler le remboursement de ses dettes, le temps de réorganiser l'entreprise.
Devant la grogne de certains actionnaires, René Benko s'était mis en retrait en novembre, laissant les rênes à un expert des opérations de redressement, tout en restant au capital.
Des greniers au Chrysler Building
Pour le flamboyant hommes d'affaires, qui aimait se vanter de l'étendue de ses biens, la chute est brutale. Né en 1977 dans une famille de la classe moyenne à Innsbruck au Tyrol, René Benko commence par retaper des greniers à l'adolescence.
Il a trouvé sa vocation. Il laisse tomber l'école pour créer son entreprise et bâtit vite un réseau solide.
Chapeautant une myriade de sociétés, il accumule au fil des ans des actifs immobiliers d'une valeur de 27 milliards d'euros, tout en se diversifiant dans le commerce ou les médias.
Un état d'esprit résumé par un slogan des années 2000: "Il n'a jamais été aussi ennuyeux de devenir riche", écrivait alors la compagnie sur son site internet, faisant miroiter aux investisseurs une fortune amassée sans efforts.
Mais entretemps, la donne a changé: les taux d'intérêt ont fortement augmenté et les crises successives (pandémie, guerre en Ukraine) ont fait s'envoler les coûts des matériaux de construction.
Déjà, plusieurs filiales ont déposé le bilan et des projets emblématiques ont été suspendus, notamment en Allemagne où le groupe est très présent. A Hambourg, le chantier de l'Elbtower est ainsi à l'arrêt.
Revers de fortune
Quant à ses chaînes de grands magasins, comme Galeria Karstadt Kaufhof, première chaîne en Allemagne, elles ont été victimes du contexte économique et de la désaffection des clients.
Le groupe s'est récemment désengagé de l'historique enseigne britannique Selfridges, passée sous contrôle du thaïlandais Central Group.
Les investissements dans le commerce de détail "n'ont pas apporté le succès attendu" dans un contexte de "forte pression économique", a reconnu Signa mercredi, évoquant aussi l'évolution défavorable du secteur de l'immobilier.
Parmi les hommes les plus riches d'Autriche, René Benko aimait les mondanités et sa proximité avec la classe politique lui a valu des ennuis par le passé.
En 2020, il a dû témoigner devant une commission parlementaire enquêtant sur ses liens avec de hauts responsables conservateurs et d'extrême droite dans le cadre d'un vaste scandale de corruption. Aucune poursuite n'a été engagée pour l'heure à son encontre.
Dans un autre dossier, il a été condamné en 2012 à un an de prison avec sursis pour avoir versé des pots-de-vin à l'ex-Premier ministre croate Ivo Sanader dans une affaire de fraude fiscale.
Ses derniers revers lui ont coûté la moitié de sa fortune, passée de 6 milliards de dollars à 2,8 milliards (2,5 milliards d'euros), selon la dernière estimation du magazine américain Forbes.
ats/vajo
Le thaïlandais Central Group s'engage à soutenir Globus
Central Group, copropriétaire de Globus, a réitéré son intention de soutenir tous ses magasins de luxe européens, y compris sa filiale helvétique, et veillera à ce qu'ils reçoivent l'aide nécessaire afin de poursuivre leurs activités, a-t-il indiqué mercredi à l'agence AWP.
Ce message de soutien intervient alors que le groupe autrichien Signa de René Benko, également copropriétaire des grands magasins suisses, a demandé son dépôt de bilan à Vienne (lire ci-dessus).
Le thaïlandais Central Group rappelle être un "propriétaire et un investisseur établi et à long terme pour tous ses magasins. Quelle que soit la position de notre partenaire de joint-venture."
Depuis leur vente par Migros il y a quatre ans, les grands magasins Globus enregistrés sous la raison sociale "Magazine zum Globus AG" appartiennent à 50% à Signa, tandis que l'autre moitié est détenue par le groupe thaïlandais Central Group. Globus s'est depuis réorganisé pour se positionner davantage dans le secteur du luxe, moins impacté par les défis du secteur du commerce de détail.
Structure opaque
La vente des parts détenues par l'autrichien à son partenaire thaïlandais avait notamment été évoquée par plusieurs médias, mais selon le site d'informations Inside Paradeplatz la structure opaque qui gère Globus aurait rendu cette transaction difficile.
Le portail d'information relève notamment que l'activité proprement dite de commerce de détail des grands magasins Globus fait partie de la société Signa Retail Selection AG. Les biens immobiliers de Globus, dont font notamment partie l'immeuble emblématique de Zurich, ont quant à eux été intégrés dans une autre division de Signa, appelée European Industry Holding AG.
Selon des sources proches du dossier, les activités de commerce de détail de Globus seraient rentables.