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Jouer les pères Noël, un business (presque) comme un autre

En Suisse, il n’existe pas d’école pour devenir Père Noël. La plupart sont des amateurs, mais pour certains, il s’agit d’un vrai métier.
En Suisse, il n’existe pas d’école pour devenir Père Noël. La plupart sont des amateurs, mais pour certains, il s’agit d’un vrai métier. / 19h30 / 2 min. / le 20 décembre 2023
Difficile de le manquer en ce mois de décembre. Dans les marchés, les fêtes d’entreprises ou dans les centres commerciaux, le père Noël est partout. Mais qui se cache derrière ce costume?

"J’ai 64 ans, et c’est bientôt l’âge de la retraite. Pour moi, c’est une espèce de transition entre le monde professionnel, et d’autres activités par la suite", raconte Michel*, au 19h30 de la RTS. Ce technico-commercial souhaite rester anonyme, "pour ne pas gâcher la magie de Noël".

Cette année, il enfile ce costume pour la première fois dans le plus grand centre commercial de Suisse romande: celui de Balexert, à Genève. "L'idée n’est pas venue de moi, mais de l'agence avec laquelle je travaille. C'est une agence de communication qui fait de l'animation dans les centres commerciaux."

Une journée à 300 francs

Le père Noël à Balexert. [RTS]
Le père Noël à Balexert. [RTS]

Pour ce père Noël amateur, la journée de travail lui rapportera environ 300 francs. C'est moins que son salaire de commercial. Mais Michel ne cherche pas à faire de l'argent avec cette activité: "Pour moi, c'est plutôt ludique. Avec le temps, c'est devenu lassant d'avoir cette relation de travail stricte avec des professionnels toute la semaine. Enfant, je trouvais le père Noël magique. Aujourd'hui, je retrouve cet esprit de l’enfance en étant de l'autre côté du décor."

Sans filet, sans aucune formation, Michel a préféré improviser: "Je trouve que l'aspect spontané, ludique et festif est plus sympathique. C'est une responsabilité, parce qu'il ne faut pas décevoir les enfants. Mais en étant sincère et spontané, je ne vois pas en quoi cela peut remettre en cause ma crédibilité."

Être comédien

La plupart du temps, un père Noël se trouve grâce au bouche-à-oreille. Des bénévoles à la retraite, qui aiment se déguiser; ou encore des collaborateurs à l'interne d'une entreprise.

Mais pour certains, être père Noël, c’est un vrai métier. Comme pour Freddo. "Il faut être comédien, arriver à prendre la grosse voix, pendant des heures, sans jamais la changer. Les gestes doivent être lents. J'ai 200 ou 300 ans, donc je suis vieux, très vieux. Il faut que ça se ressente", décrit-il.

Freddo est un artiste multicasquette: clown, magicien ou animateur tout au long de l'année, pour cet artiste, c’est bien son rôle de père Noël qui remplit son agenda en décembre. "Pour moi, c'est le plus joli mois de l'année. J'attends ça avec impatience, de pouvoir donner de la féerie et de la joie dans les yeux des enfants."

Freddo le magicien et Freddo le père Noël. [RTS]
Freddo le magicien et Freddo le père Noël. [RTS]

30% du chiffre d'affaires

Et la magie remplit aussi les caisses. Pour Freddo, son rôle de père Noël lui rapporte environ 30% de son chiffre d'affaires annuel. "La demande est là. Il y a très peu d'offres de pères Noël et beaucoup de demandes."

Ses tarifs oscillent entre 250 et 450 francs de l’heure, en fonction du lieu ou du nombre d'enfants. Un salaire durement mérité, selon Freddo. Car le costume est lourd à porter: "C'est très physique. On transpire beaucoup, il faut boire 2 litres d'eau, parce que c'est un sauna, pendant des heures. Et il faut faire des gestes lents, rester calme et avoir une patience incroyable. Le soir, quand je rentre, je suis lessivé."

Du 1er au 31 décembre, son agenda est complet: entre 5 et 10h par jour, sans compter la route, sept jours sur sept. "En janvier, je suis vidé. J'aime beaucoup faire le père Noël, mais je ne ferais pas ça toute l'année. Un mois, c'est bien", sourit Freddo.

Course contre la montre

Freddo. [RTS]
Freddo. [RTS]

Tony Capparelli, son agent, voudrait en avoir davantage comme lui. Pour son agence événementielle, le mois de décembre est un véritable marathon. "Il y a beaucoup de demandes et de moins en moins de pères Noël. C'est une course contre la montre pour réussir à satisfaire notre clientèle", souffle le directeur de Global Creative.

Les pères Noël travaillant pour cette agence se comptent sur les doigts d'une main. "C’est une prestation qui est difficile, malgré ce que l'on pourrait croire, et qui n’est pas à la portée de tout le monde."

Faire des réserves avant la période de vache maigre

Contrairement à certains pays, notamment anglo-saxons, il n'existe aucune école de père Noël en Suisse. Les agences professionnelles n'exigent pas forcément de formation préalable, mais attendent tout de même certains attributs à respecter: "Cela va de la façon de parler à l'habillement, en passant par le comportement. Il faut respecter le plus possible la vision que les enfants et les parents ont d'un père Noël. C'est pour cela qu'on ne travaille qu'avec des artistes qui ont l'habitude de travailler avec des enfants", précise Tony Capparelli.

Il faut compter entre 700 et 1200 francs la journée pour un père Noël via une agence professionnelle. Reste que ces perles rares ont aussi d'autres activités de clowns, magiciens, jongleurs ou encore strip-teaser, qui sont souvent mieux rémunérées qu'un père Noël.

"La période de décembre est propice aux animations. Les artistes doivent jongler entre ce qui est préférable pour eux financièrement et ce qu'ils aiment faire, afin d'avoir le plus de mandats possible. Car dès le mois de janvier, jusqu'à Pâques, c'est plus compliqué pour eux", souligne Tony Capparelli.

* Prénom d'emprunt

Feriel Mestiri

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