Au sein de l’équipe suisse féminine de football, les règles ne sont plus un tabou. Le corps humain étant l’outil de travail principal du sport d'élite, tenir compte de toutes ses spécificités permet d’avoir plus de cartes dans son jeu. Au sein de la Nati féminine, les règles sont intégrées au programme des joueuses grâce à Mélanie Pauli.
"Je compare toujours le corps à une montre mécanique qui a plusieurs petites pièces pour qu’elle fonctionne comme il faut. Le cycle menstruel n’est pas la plus grosse pièce, mais on sait que si ces petites pièces sont déréglées, la montre ne fonctionne pas, elle ne sera pas à l’heure", explique dans l'émission Basik la préparatrice physique de l’équipe suisse féminine.
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L’idée est que le programme des joueuses soit adapté à leur état de forme. Règles ou pas règles, leur rôle est d’indiquer leur ressenti physique via une application.
Les femmes ont, des fois, des symptômes qui jouent sur la performance. Plus on a de conseils pour l’athlète, plus nos performances seront meilleures
"Ça ne veut pas dire que si on a nos règles, il faut arrêter de s’entraîner, ce n’est pas ça. Mais peut-être qu'on a plus ce côté régénération, on peut faire des bains froids, des soins supplémentaires en fonction du cycle menstruel. Les femmes ont leurs règles, les femmes ont, des fois, des symptômes qui jouent sur la performance. Donc plus on a d’applications ou de conseils pour l’athlète, plus nos performances seront meilleures", affirme la défenseure Sandrine Mauron.
Exit le cliché de la femme indisposée qui ne peut pas faire de sport. En équipe suisse, on mise sur l’information pour mieux faire. "C’est un monitoring en plus qui nous permet d’adapter la charge et qui nous permet aussi de se dire 'attention elle est en déficit énergétique'. Ça peut expliquer les blessures qu’il y a eu au niveau de l’historique et ça permet de prendre des mesures pour que le corps de la joueuse fonctionne normalement, comme une montre", conclut Mélanie Pauli.
L’urine, un liquide riche en informations
A Botterens, dans le canton de Fribourg, l'urgentiste Benoît Cailleteau a développé un collecteur d’urine connecté. "L’urine est un liquide que tout le monde rejette et considère comme un déchet. Par contre, il contient beaucoup d’informations. Partir sur une technologie qui permet de fiabiliser le recueil de l’urine pour donner du renseignement sur la santé des gens, ça me paraissait essentiel", détaille Benoît Cailleteau.
Les informations de l’urine sont disponibles à travers une application développée par l’équipe de Swiss Safe Collect. "On se concentre sur une dizaine d’indicateurs qu’on appelle des biomarqueurs. Ils nous permettent de dresser un état de forme", détaille Baptiste Mommer, le directeur commercial de l’entreprise.
Les analyses, il faut les ajouter à l’entraînement, mais il ne faut pas que ça devienne une obsession
La société romande est en phase de développement et teste actuellement son produit sur une dizaine d’athlètes. Rémi Bonnet, pointure mondiale en trail et en ski-alpinisme, fait partie des cobayes. "Ça peut vraiment t’aider à savoir si tu bois assez dans la journée ou si tu dois vraiment te forcer à boire. C’est vraiment intéressant pour éviter les blessures, parce que quand on est déshydraté, les blessures arrivent assez rapidement", explique Rémi Bonnet.
La précision et l'instantanéité de ces données peuvent néanmoins rendre accro au contrôle de son corps. "Les analyses, il faut les ajouter à l’entraînement, mais il ne faut pas que ça devienne une obsession. Je pense que c’est bien d’avoir des données un peu de partout, mais il faut savoir les canaliser dans les bonnes choses", conclut l’athlète.
Une technologie qui a des limites
Pour ces outils relativement nouveaux, la frontière du bon et du moins bon est encore floue. Pour le capteur de glycémie, une limite a été définie au printemps dernier sur le circuit professionnel de cyclisme féminin. L’athlète américaine Kristen Faulkner portait un moniteur de glucose sous son maillot durant une course. Elle a été disqualifiée par l’Union Cycliste Internationale pour un potentiel dopage technologique.
On ne veut pas transformer l'humain en robot en lui ajoutant du glucose régulièrement en fonction de l’évolution de la glycémie
"Pour respecter l'esprit de la compétition et l’aléa de la compétition, en particulier sur des courses de longue durée, on ne veut pas transformer l’humain en robot en lui ajoutant du glucose régulièrement en fonction de l’évolution de la glycémie. Et de nature un peu plus éthique, si on autorise l’utilisation de ce type de capteur en compétition, il faudrait que tous les coureurs y aient accès sans limite", justifie Xavier Bigard, directeur médical à l’UCI. Depuis, la Fédération tolère le capteur à l’entraînement, mais elle l’interdit en compétition.
Ce capteur de glycémie était initialement destiné aux personnes diabétiques, avant que la société américaine qui le fabrique le propose dans une version grand public. Elle a levé 13,5 millions de francs pour le développer. Pour l’utiliser, il faut dépenser 150 francs d’abonnement par mois.
Si les informations fournies par le capteur sont indispensables aux personnes atteintes de diabète, elles sont intéressantes mais secondaires pour Madame et Monsieur tout le monde. Cela ne devrait toutefois pas freiner le développement de ces technologies.
Lea Huszno/asch