Les chiffres d'affaires mirobolants de médecins spécialistes font réagir les politiques
Selon des données de la faîtière des assureurs Santésuisse, obtenues par la RTS, des dizaines de médecins spécialistes ont enregistré en 2021 des chiffres d'affaires supérieurs à 1,5 million de francs en Suisse grâce à l'assurance maladie de base. Un radiologue a même atteint un chiffre d'affaires de 4,6 millions de francs cette année-là.
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Santésuisse dénonce un problème systémique. "C'est une question de structure tarifaire plus que de personnes", observe son porte-parole Christophe Kaempf, qui estime que "les médecins qui figurent dans notre analyse facturent pour la plupart de manière honnête."
Et si la Fédération des médecins suisses (FMH) conteste en partie ces chiffres, elle concède que le système Tarmed, vieux de 20 ans, est devenu "obsolète". Et elle accuse précisément Santésuisse de refuser tout changement.
"Constituer leurs retraites"
"Ces chiffres d'affaires correspondent très vraisemblablement à plusieurs médecins qui facturent sur le même numéro de concordat", estime de son côté Philippe Eggimann, vice-président de la FMH, lundi soir dans le 19h30.
Par ailleurs, selon lui, ces salaires plus élevés des spécialistes se justifient par les carrières différentes. "Une partie d'entre eux s'installent au-delà de 40 ans, travaillent beaucoup et diminuent leur activité au-delà de 60 ans. Ils ont donc une quinzaine d'années pour constituer leurs retraites", estime-t-il.
Blocage de longue date
Mais les fronts politiques sont figés depuis plusieurs années dans le domaine de la santé entre les différents acteurs qui défendent chacun leurs intérêts. Et la réforme des tarifs médicaux, en particulier, est victime de blocages.
Pourtant, sous la Coupole fédérale, les chiffres d'affaires astronomiques réalisés par certains médecins choquent. "Ce sont des coûts extrêmes qui se répercutent sur les primes, et elles sont déjà bien assez élevées", commente la conseillère nationale Brigitte Crottaz (PS/VD) lundi dans le journal de 19h30.
Meilleurs contrôles
"Cela nous rappelle que la reine des batailles, c'est évidemment la maîtrise des coûts, dont on s'est peu occupé jusqu'à maintenant. Et ce sont les acteurs de terrain qui doivent y travailler", estime pour sa part le conseiller aux Etats Mauro Poggia (MCG/GE).
Pour Brigitte Crottaz, dans l'attente d'une réforme, il incombe aux assureurs de faire "un contrôle attentif des factures, des gastroentérologues en particulier mais aussi de tous ceux qui ont des factures exagérées."
Mais une réforme totale sera vraisemblablement nécessaire, pour permettre peut-être de remplacer le système actuel par des forfaits fixes à l'acte, comme cela se fait déjà dans les hôpitaux.
Michael Maccabez/Thierry Clémence/Jean-Marc Heuberger/jop