La Chambre du peuple s'est lancée dans un débat-fleuve sur
l'initiative populaire "contre les rémunérations abusives". Tout le
monde s'est accordé pour dénoncer les salaires mirobolants de
certains managers.
A gauche, des mots comme "comportement obscène" "gangrène",
"rapaces" ont fleuri sur de nombreuses lèvres. Le patron de
Novartis Daniel Vasella et l'UBS en ont pris pour leur grade. Mais
les partis, s'accusant mutuellement de démagogie, divergent sur les
recettes à appliquer.
L'UDC en échec
L'UDC a déjà subi un échec. Le parti avait passé une entente
avec l'auteur de l'initiative Thomas Minder. L'entrepreneur
schaffhousois s'engageait à retirer son texte si le Parlement se
ralliait aux propositions de l'UDC dans la révision du droit de la
société anonyme (SA). Mais la manoeuvre a échoué. Seul le PLR étant
également prêt à miser sur une révision de la loi.
Par 101 voix contre 91, le Conseil national a décidé de dissocier
les deux dossiers afin notamment de concocter un contre-projet
direct qui serait soumis au peuple parallèlement à l'initiative. La
majorité n'a pas été convaincue que la révision du droit de la SA
permettrait de régler le problème plus rapidement.
Les envies de la gauche
La gauche, qui se rallie à l'initiative et veut même aller plus
loin en taxant les bonus, souhaite qu'elle soit soumise le plus
vite au verdict du peuple. Si l'on attend encore la fin des travaux
sur le droit de la SA, le délai pour la votation populaire pourrait
être reporté jusqu'à août 2013, a relevé Susanne Leutenegger
Oberholzer (PS/BL) au nom de la commission. Et le camp rose-vert
d'accuser economiesuisse et la droite de vouloir noyer le poisson
et attendre que la colère populaire retombe.
Le centre-droit (PDC,PLR,PBD) entend quant à lui utiliser l'outil
du contre-projet direct (qui entraîne une modification de la
Constitution) pour convaincre le peuple de se détourner de
l'initiative de Thomas Minder au profit d'une "alternative
crédible". Pour eux, l'important est de ne pas porter atteinte à
l'attrait de la place économique. Car sinon, la Suisse risque
d'être confrontée à des délocalisations, et donc des suppressions
d'emplois, a affirmé Pirmin Bischof (PDC/SO).
Du côté des libéraux-radicaux, on a surtout souligné que les abus
n'étaient le fait que d'une minorité de capitaines d'industrie qui
n'ont pas respecté les principes fondateurs du libéralisme, selon
les termes de Gabi Huber (PLR/UR).
ats/cab
Décision mercredi
Le Conseil national n'a décidé jeudi ni son mot d'ordre concernant l'initiative ni le contenu du contre-projet direct.
Une décision est attendue mercredi et un soutien au texte de Thomas Minder pourrait fort bien passer la rampe, le camp rose-vert s'alliant à l'UDC, déçue de n'avoir pas imposé sa mouture de la révision du droit de la SA.
Le sort du contre-projet est plus incertain.
La commission préparatoire a élaboré un texte qui d'une manière générale va moins loin que l'initiative.
Il ne pose qu'une interdiction de principe des "parachutes dorés", ouvrant la voie à certaines indemnités de départ à titre exceptionnel.
Ce contre-projet donne aussi moins de compétences à une assemblée générale concernant les salaires de dirigeants de l'entreprise et leur élection.
Plutôt que de régler le système de rémunération dans les statuts d'une société, il prévoit que le conseil d'administration soumette à l'assemblée générale un règlement sur la question ainsi que chaque année un rapport détaillé sur son application.
A défaut de sanctions pénales pour l'inobservance de tous ces principes, le texte de la commission veut obliger les dirigeants de l'entreprise à rembourser les prestations disproportionnées octroyées par l'entreprise.
L'assemblée générale pourrait en outre décider d'intenter une action en justice. Mais chaque camp a déposé des propositions pour tenter de corriger le tir.
Le Conseil national devra se prononcer sur plus de trente amendements. Au risque d'accoucher d'un contre-projet qui, ne satisfaisant plus personne, soit enterré au final.