Cinq entreprises alémanique méconnues en Suisse romande, mais qui cartonnent outre-Sarine. [RTS/Keystone]
Publié Modifié

Cinq entreprises alémaniques méconnues en Suisse romande mais qui cartonnent outre-Sarine

Un fabricant de mixers, une filature de soie, une start-up qui capte le CO2 dans l’air islandais, un concepteur de téléphériques et le leader mondial des composants pour ventilation: La Matinale de la RTS s'est intéressée cette semaine à cinq entreprises méconnues en Suisse romande, mais qui cartonnent outre-Sarine.

Sujets radio: Mathilde Farine, Camille Degott et Stéphane Deleury

Texte web: Frédéric Boillat

Bamix

Le fabricant thurgovien de mixers

Celles et ceux qui aiment cuisiner connaissent certainement la marque Bamix et son fameux mixer plongeant, très utile pour concevoir des soupes ou des purées. Inventé par un Lausannois, le bamix – la contraction des verbes "battre" et "mixer" – a été vendu à une firme thurgovienne dans les années 50 et c'est dans le village de Mettlen qu’il est entièrement fabriqué depuis plus de 70 ans.

Interrogé dans La Matinale, le patron de Bamix Markus Wüst vante la fiabilité et la solidité de ses appareils: "Nos moteurs sont très puissants et ne peuvent pratiquement pas être détruits. Nous avons des exigences très élevées." Le dirigeant précise que sa firme produit quelque 3000 bamix par jour et une petite partie seulement sera vendue en Suisse. Le reste ira en Allemagne, au Japon ou en Chine.

Une salariée présente le mixeur suisse Bamix en 2013. [Keystone - Steffen Schmidt]
Une salariée présente le mixer suisse Bamix en 2013. [Keystone - Steffen Schmidt]

L'usine Bamix emploie une cinquantaine de personnes, presque uniquement des femmes. "Parce que les femmes ont des avantages que les hommes n'ont pas: elles ont une motricité fine bien meilleure", avance Markus Wüst. Un avantage dans cet atelier où beaucoup de choses se font encore à la main, notamment l'assemblage.

"Nous ne pouvons rien automatiser de plus. Ce qui est automatique maintenant, c'est tout le bobinage du moteur. Mais sinon, c'est du travail manuel et nous ne pouvons pas le faire autrement. C'est comme ça, ça a toujours été comme ça et ça le restera", note encore le patron.

Les jeunes vont dans les magasins ou achètent en ligne et n'ont aucune idée de ce qu'est un bamix

Markus Wüst, patron de Bamix

Bamix est aussi une entreprise qui se targue de se fournir presque uniquement en Suisse, même si cela rend le produit plus cher que ceux de ses concurrents. Mais pour Markus Wüst, produire à l'étranger n'est pas une option: "Cela nous permettrait bien sûr de réduire les coûts", convient-il, avant d'ajouter que la qualité et la durabilité seraient moins bonnes, alors que la garantie à vie des moteurs et la possibilité de réparer les appareils sont très importantes pour la marque.

L'entreprise fait aussi face au défi de se concentrer sur un seul produit, cher par rapport à la concurrence, surtout en période de franc fort et d'inflation. Et Markus Wüst confie enfin que Bamix doit désormais convaincre les jeunes, via les influenceurs et les vidéos courtes sur Tiktok. "Les jeunes vont dans les magasins ou achètent en ligne et n'ont aucune idée de ce qu'est un bamix. Nous avons un gros travail à faire dans ce domaine."

>> Le reportage de Mathilde Farine dans La Matinale :

Prospères et méconnues (1-5): Bamix, les mixeurs suisses qui se vendent dans le monde entier
Prospères et méconnues (1/5): Bamix, les mixeurs suisses qui se vendent dans le monde entier / La Matinale / 4 min. / lundi à 07:00

Swiss Moutain Silk

La dernière filature de soie industrielle du pays

Peu de monde le sait, mais on file encore de la soie de manière industrielle en Suisse. Ce travail est effectué dans la dernière filature du genre dans le pays, Swiss Mountain Silk, à Gersau (SZ). Cette entreprise familiale depuis cinq générations est dirigée aujourd'hui par un frère et une soeur, Mathias et Nicole Camenzind. Elle emploie 20 personnes et exporte ses produits dans le monde entier, pour un chiffre d'affaires annuel d'environ 3 millions de francs.

De la matière première au fil de soie, les étapes sont nombreuses. Tout d'abord, la soie est importée de Chine. "C'est de la meilleure qualité. Elle brille bien, c’est d’un beau blanc", explique Mathias Camenzind dans La Matinale. La fibre est parfois aussi mélangée avec du cachemire, de la laine ou du coton.

Mathias Camenzind codirige Swiss Mountain Silk avec sa sœur Nicole. [RTS - Mathilde Farine]
Mathias Camenzind codirige Swiss Mountain Silk avec sa sœur Nicole. [RTS - Mathilde Farine]

Ensuite, en premier lieu, la fibre doit être délicatement peignée pour être nettoyée. Dans l'usine, il fait vraiment chaud et l'humidité de l'air atteint 70%. Des conditions nécessaires pour empêcher les fibres de la soie, qui sont chargées d'électricité statique, de voltiger dans la pièce.

La soie est ensuite emmenée dans la pièce maîtresse: la filature proprement dite, avec les métiers à tisser. C'est là que le fil est véritablement conçu. Et plus le fil de soie est fin, plus il est cher. D’ailleurs, produire en Suisse coûte cher et il est impossible de rivaliser avec la concurrence asiatique. La société mise donc sur la fabrication de fils de haute qualité.

Notre soie est relativement chère, elle est donc surtout destinée à des marques de luxe

Mathias Camenzind, patron de Swiss Mountain Silk

"Notre soie est relativement chère, elle est donc surtout destinée à des marques de luxe", précise Mathias Camenzind. Celles-ci vont concevoir des chaussettes en soie, des sous-vêtements ou des cravates. Le dirigeant narre aussi une anecdote: "Autrefois, dans l'armée européenne, les épaulettes qui indiquaient le grade de l'officier étaient en soie. Aujourd'hui, c'est du polyester, mais en Grande-Bretagne, les grades supérieurs sont toujours en soie. Et nous avons appris que c'était notre soie qui était utilisée."

Ce savoir-faire autour de la soie se transmet dans le canton de Schwyz depuis le 18e siècle. Aujourd'hui, le succès est toujours au rendez-vous. Swiss Mountain Silk exporte ses fils un peu partout dans le monde, des Etats-Unis à la France en passant par le Guatemala et l'Australie. Et espère continuer encore longtemps, malgré la concurrence. Tant que la production reste en Europe, conclut Mathias Camenzind.

>> Le reportage de Camille Degott dans La Matinale :

Prospères et méconnues (2-5): Swiss Mountain Silk, la dernière filature de soie industrielle de Suisse
Prospères et méconnues (2/5): Swiss Mountain Silk, la dernière filature de soie industrielle de Suisse / La Matinale / 4 min. / mardi à 07:00

Climeworks

La startup qui capte le carbone de l'air islandais

Retirer le CO2 de l'atmosphère est l'une des solutions face au réchauffement climatique. Et Climeworks, une startup zurichoise, s'est spécialisée dans ce domaine: elle a déjà bâti deux usines qui captent le carbone de l'air islandais et une troisième va être construite aux Etats-Unis.

Interrogé dans La Matinale, Stefan Schenk, qui s'occupe des tests chez Climeworks, explique le procédé utilisé par sa firme dans son centre de test à taille réelle: "L'air est aspiré par des ventilateurs et quand les éponges, qui contiennent le solvant, sont vides, le carbone est capté par nos solvants et l'air qui ressort est propre: il est libéré du carbone qu'il contenait".

L'ancien conseiller fédéral Alain Berset lors d'une visite des installations de Climeworks en Islande en 2023. [KEYSTONE - ANTHONY ANEX]
L'ancien conseiller fédéral Alain Berset lors d'une visite des installations de Climeworks en Islande en 2023. [KEYSTONE - ANTHONY ANEX]

Cette technologie est celle qui sera utilisée dans la prochaine usine de Climeworks. Elle doit permettre d’enlever deux fois plus de carbone avec la même énergie utilisée. On arrivera à un million de tonnes de CO2, soit une immense forêt de 100 millions d’arbres. Par comparaison, la Suisse émet près de 42 millions de tonnes de CO2 par an, selon l'Office fédéral de l'environnement.

A Oerlikon, le nombre d'employés est rapidement passé de 50 à 400 personnes, dont une grande partie dans la recherche et le développement. Mais le co-fondateur de Climeworks Jan Wurzbacher voit grand: "Si nous voulons vraiment avoir un impact sur le climat, il faudrait que nous soyons 50'000 à terme."

Si nous voulons vraiment avoir un impact sur le climat, il faudrait que nous soyons 50'000 à terme

Jan Wurzbacher, co-fondateur de Climeworks

Sceptique par rapport au captage de CO2, la communauté scientifique a désormais plutôt changé d’avis. Depuis le rapport du GIEC de 2022, il fait partie de la liste des solutions. Parce que réduire les émissions ne suffit plus, il faut aussi en retirer. Reste deux problèmes: le coût de la capture de CO2 et les quantités encore infimes que Climeworks peut retirer par rapport à la masse de carbone dans l’atmosphère.

Jan Wurzbacher confirme également avoir non seulement besoin de financements, mais aussi de politiques en faveur de la décarbonisation. "On n'a pas seulement besoin des marchés volontaires, mais aussi d'obligations de participer à ce marché."

>> Le reportage de Mathilde Farine dans La Matinale :

Prospères et méconnues (3-5): Climeworks, la start-up qui capte le CO2 dans l’air islandais et bientôt américain (Bâle et Zurich)
Prospères et méconnues (3/5): Climeworks, la start-up qui capte le CO2 dans l’air islandais et bientôt américain (Bâle et Zurich) / La Matinale / 4 min. / mercredi à 07:00

Garaventa

Le roi du transport par câble

C'est en Suisse que l'entreprise Garaventa, le leader mondial du transport par câble après sa fusion en 2002 avec la firme autrichienne Doppelmayr, a choisi de s'installer. Fondée il y a un siècle par un fils d'immigrés italiens, Garaventa fabrique ses engins à Goldau, dans le canton de Schwyz.

Interrogé dans La Matinale, le CEO de Garaventa Arno Innauen se montre fier de l'entreprise et de ses réalisations. Ses télécabines, télésièges et funiculaires sont en effet présents dans une centaine de pays, ce qui représente plus de 15'000 installations d'une capacité totale de 9 millions de personnes par heure, soit l'équivalent de la population suisse.

La Linea Roja, le téléphérique urbain de La Paz, en Bolivie. [Doppelmayr]
La Linea Roja, le télécabine urbain de La Paz, en Bolivie. [Doppelmayr]

Garaventa et ses 400 employés continuent aussi d'innover en imaginant de nouveaux moyens d'emmener les touristes sur les montagnes. Son nouveau système de remontée mécanique à haute capacité, le Tri-Line, est en cours de construction à proximité de Goldau, à Hoch-Ybrig. Et la priorité est mise sur la haute qualité et la fiabilité des pièces.

A Londres, Mexico, Istanbul, à Hong Kong ou en Algérie, les télécabines urbains se multiplient également et Arno Innauen est persuadé que ces installations joueront un rôle crucial à l'avenir. Il cite l'exemple de La Paz, en Bolivie, où 200'000 personnes par jour sont véhiculées par les airs, et ajoute que sa société est en train de concevoir un important projet au sud de Paris. "On voit de grandes opportunités dans le futur avec les projets urbains", assure-t-il.

On voit de grandes opportunités dans le futur avec les projets urbains

Arno Innauen

Le marché mondial du transport par câble est aujourd'hui un quasi-duopole dominé par le groupe austro-suisse Garaventa-Doppelmayr et le franco-italien Leitner-Poma, qui couvrent à eux deux 95% du marché mondial. Les entreprises chinoises sont, elles, en retrait et se concentrent principalement sur le marché local et russe, où les sanctions empêchent les entreprises occidentales d'opérer. "Mais on n'a pas de signes qu'ils veulent aller plus loin", confie Arno Innauen.

Pour le CEO, le label "Swiss made" reste un atout majeur lors des procédures de vente, même si c'est la qualité du produit qui est la garantie du succès. Avec un chiffre d'affaires d'un milliard, Garaventa est solidement installé en tête du secteur et vient de remporter un contrat au Guatemala, où les premiers passagers seront transportés dans trois ans.

>> Le reportage de Stéphane Deleury dans La Matinale :

Prospères et méconnues (4-5): Garaventa, un siècle de téléphériques et toujours au sommet
Prospères et méconnues (4/5): Garaventa, un siècle de téléphériques et toujours au sommet / La Matinale / 4 min. / jeudi à 07:00

Belimo

Le leader mondial des composants de la ventilation

Si l'air que l'on respire dans les hôpitaux ou les musées est de bonne qualité, ni trop chaud, ni trop froid, c'est peut-être grâce à la firme Belimo. Et le leader mondial en matière de composants pour systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation a son siège dans l'Oberland zurichois.

L'entreprise basée à Hinwil fabrique des capteurs, des servomoteurs, des vannes de régulation ou encore des compteurs. Concrètement, ces pièces vont être installées dans les systèmes de tuyauterie des grands bâtiments les plus divers, du centre de données au musée. Le but est de réguler de manière efficace au niveau énergétique le chauffage, la ventilation et la climatisation.

Une ouvrière de la ligne de production de Belimo, une entreprise de composantes de chauffage à Hinwil, Zürich. [RTS - Mathilde Farine]
Une ouvrière de la ligne de production de Belimo, une entreprise de composantes de chauffage à Hinwil (ZH). [RTS - Mathilde Farine]

"Ce que nous faisons, c'est mesurer la consommation en énergie, rendre le processus transparent et optimiser le bâtiment", a expliqué le directeur général de Belimo Lars van der Haegen dans La Matinale de la RTS. "Cela garantit un bon climat à l'intérieur, une température, une humidité et surtout un taux de CO2 corrects."

En Suisse, les produits de Belimo sont par exemple utilisés dans les tours de Roche à Bâle ou la Prime Tower à Zurich. Au niveau mondial, la plus grosse installation se trouve au siège d'Apple à Cupertino, en Californie, avec 27’000 composants issus de la firme zurichoise. Belimo exporte au final près de 97% de ses produits. L'Amérique du Nord est un très gros marché, tout comme l’Allemagne, la Chine et l’Inde. Le chiffre d’affaires de l’entreprise s’élève à 860 millions de francs.

Notre objectif est l'efficacité énergétique et la réduction du CO2. C'est la raison d'être de l'entreprise

Lars von der Haegen, directeur général de Belimo

La firme zurichoise emploie quelque 1000 personnes, pour moitié dans la production, qui ont pour mission de soigner la finition et la qualité des produits. Mais pour certaines grosses commandes, ce sont les robots qui prennent le relais afin d'augmenter la cadence. "L'objectif est de pouvoir fabriquer un produit toutes les huit ou neuf secondes", confie Lars van der Haegen. Le dirigeant précise que son entreprise conçoit une grande variété de produits, environ 20'000 différents.

Selon Belimo, 16% des émissions mondiales de CO2 sont dues aux systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation. Dans le contexte du changement climatique, l'entreprise estime que rendre les bâtiments le plus efficace possible du point de vue énergétique est un enjeu de taille.

"Notre objectif est l'efficacité énergétique et la réduction du CO2. C'est la raison d'être de l'entreprise. Cela signifie bien sûr qu'en raison de la situation, nous sommes très bien positionnés pour réussir en tant qu'entreprise", conclut Lars von der Haegen.

>> Le reportage de Camille Degott dans La Matinale :

Prospères et méconnues (5-5): Belimo, le leader mondial de composants pour ventilations
Prospères et méconnues (5/5): Belimo, le leader mondial de composants pour ventilations / La Matinale / 4 min. / vendredi à 07:00