En matière de téléréalité, les programmes se succèdent et se ressemblent. Par exemple, Koh Lanta compte 31 saisons et L’amour est dans le pré en compte 19.
Selon une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en France, ce genre d’émissions représentait 11'702 heures d’antenne en 2019, contre 7581 heures d’informations.
Loft Story: l’âge d’or de la téléréalité
Pour comprendre comment nous en sommes arrivés là, il faut remonter à la création de ce genre. Dans le monde francophone, l’émission qui a tout bouleversé est Loft Story. La version française s'inspire de l’émission Big Brother, née aux Pays-Bas en 1995. Le concept revient à John De Mol et Joop Van Ende, fondateurs de la société néerlandaise Endemol.
L'innovation principale de ce genre est son interactivité. Dans les années 2000, les diffuseurs recherchent des programmes rentables. Acheter de la téléréalité ne coûte pas cher: pas de scénario, pas d’acteurs à rémunérer.
C’est l’âge d’or de ce genre et les gens sont prêts à dépenser de l'argent. Il faut en effet payer pour regarder Loft Stoy en direct sur internet ou pour voter par SMS pour ses candidats favoris et les voir continuer l’aventure.
Un second souffle lié aux réseaux sociaux
Après un passage à vide de quelques années, les réseaux sociaux redonnent un second souffle au concept. En 2011, une petite boîte de production, La Grosse Équipe, conçoit une "série-réalité". L'idée est de réunir les candidats emblématiques des anciens programmes de télévision. C’est ainsi que naissent Les Anges sur NRJ12.
Ce programme transforme la téléréalité en un grand feuilleton transmédia. Sur les réseaux sociaux, dans la presse en ligne, les blogueurs et émissions de télévision spécialisées vont parler de ces participants vedettes qui créent le buzz.
La professionnalisation des candidates et candidats est lancée. Lorsqu'ils quittent l'émission, les candidats ont souvent constitué une communauté sur leurs réseaux sociaux qui suscite un vif intérêt de la part des entreprises du secteur.
Comment fonctionne cet écosystème?
De nombreuses sociétés créées dans les années 1990 ont été rachetées par des groupes plus récents. Le grand gagnant de ces acquisitions est Banijay Group, devenu le leader mondial de la production télévisuelle. Créé en 2007, le groupe a progressivement acquis des sociétés de production françaises et étrangères. Son acquisition majeure reste celle d'Endemol Shine.
>> Relire : Papa de Loft Story, le géant de la TV Endemol racheté par plus gros que lui
Endemol, les créateurs de la téléréalité, réalise aujourd'hui des émissions telles que Star Academy et Miss France. Elle fait désormais partie du plus grand groupe mondial dans le domaine. En 2019, le chiffre d'affaires de Banijay était estimé à 3 milliards d'euros.
Banijay s'est également lancé dans le domaine du marketing d'influence en créant ou en achetant des agences dédiées, comme celle de Magali Berdah (Shauna Event).
De candidat amateur à influenceur
C’est ainsi que les participants tirent profit de leur notoriété se forgeant une carrière d’influenceurs. Ils se transforment en véritable marque, des panneaux publicitaires ambulants qui font du téléachat en story. Certains déclaraient percevoir entre 300'000 et 400'000 euros par mois pour une trentaine de collaborations.
Cependant, ces dernières années, ce système traverse une crise. Les influenceuses et influenceurs ont voulu être trop gourmands. Les vidéos tests et celles dénonçant ces abus se multiplient. La clientèle est déçue, les produits n'arrivent pas ou sont de mauvaise qualité. En conséquence, les candidats et candidates deviennent moins rentables pour les marques.
En 2023, le Parlement français a finalement adopté un texte destiné à réguler et à lutter contre ces abus. Cela marque le retour à la case départ pour les candidats de téléréalité. Ils se remettent à faire des activités telles que les bookings dans les boîtes de nuit ou se diversifient en ouvrant des comptes sur des plateformes comme Mym et OnlyFans.
Hélène Joaquim