Credit Suisse: "Ce qui compte à la fin, c'est le caractère des dirigeants et la notion de responsabilité"
Invité dans La Matinale de la RTS, le banquier Alexandre Zeller fait part de son "immense déception" suite à la disparition de Credit Suisse, après 167 ans d'existence. "C'est une banque qui a toujours eu un ADN d'entrepreneur et je crois que c'est quelque chose qui va manquer à la Suisse", affirme-t-il.
Membre du conseil d’administration de Credit Suisse jusqu’en 2019, Alexandre Zeller décrit une banque en Suisse "absolument excellente, avec des collaborateurs compétents, qui n'a jamais rencontré de difficultés majeures". "Cette banque, tous ses employés et ses clients subissent les conséquences d'activités qui peut-être ont été trop risquées, notamment en matière de banque d'investissement", regrette-t-il.
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La responsabilité des dirigeants
De nombreux acteurs du secteur bancaire appellent donc à une meilleure régulation des grandes banques. Mais pour Alexandre Zeller, associé chez Lombard Odier, c'est le choix des dirigeants qui fait une réelle différence. "Je pense que l'industrie financière est l'industrie la plus régulée au monde", estime-t-il.
"On peut mettre toutes les régulations en place, mais à la fin c'est sur la qualité du conseil d'administration et de la direction générale que repose vraiment la responsabilité d'avoir des établissements qui vont gérer leurs affaires de manière correcte", ajoute-t-il.
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Aujourd'hui, les banques suisses sont très actives dans la gestion et les investissements transfrontaliers, ce qui représente également un défi, selon le banquier. "La question qu'on doit vraiment se poser est: est-ce qu'on peut gérer une activité qui est principalement centrée à New York depuis un siège à Zurich?", s'interroge-t-il. "Je crois en fait que, en ayant travaillé dans différents types de banques, ce qui compte à la fin, c'est la personnalité et le caractère de ses dirigeants et la notion de responsabilité."
Une tendance qui se renforce
Le rachat de Credit Suisse avait suscité de nombreuses craintes pour la réputation et la santé de la place financière suisse. Pourtant, d’après le baromètre du cabinet de consultants EY, 96% des banques suisses ont réalisé un excellent exercice 2023 et tablent sur une hausse de leurs revenus dans le futur.
Du côté des clients et des collaborateurs, l'absorption de Credit Suisse par UBS représente évidemment une période d'incertitude, relève Alexandre Zeller. Mais ce phénomène n'est pas nouveau, souligne-t-il. Il s'agit au contraire d'une tendance qui se renforce. "Quand j'ai commencé ma carrière, il y avait 600 banques en Suisse. Aujourd'hui, on est à peu près à 230", explique le banquier.
Des craintes pour les entreprises
Avec cette fusion des deux géants du monde bancaire suisse, Alexandre Zeller s'inquiète avant tout pour l'avenir des PME, "surtout celles qui sont orientées pour l'exportation", précise le banquier. "Credit Suisse joue un rôle extrêmement important avec son ADN de banque pour les entreprises", poursuit-il, ajoutant qu'il n'existe pas réellement d'alternative.
"Cette fusion va créer un appel d'air, mais aujourd'hui, je ne vois concrètement pas qui va prendre cette place", dit-il. "Probablement pas La Poste, puisque les politiques ne vont pas lui permettre de s'engager dans ce type d'activités. Peut-être la Raiffeisen ou alors des groupes étrangers", poursuit-il, notant toutefois son scepticisme concernant les groupes étrangers qui "changent souvent de stratégie et comprennent moins notre culture".
Alexandre Zeller observera donc la situation de près ces prochaines années pour voir "d'où pourra venir l'émergence d'une nouvelle banque qui s'intéressera vraiment, authentiquement et fondamentalement aux entreprises". "Parce qu'il en va du financement de la compétitivité de notre économie", ajoute-t-il.
Propos recueillis par Delphine Gendre
Adaptation web: Emilie Délétroz