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Credit Suisse: "Ce qui compte à la fin, c'est le caractère des dirigeants et la notion de responsabilité"

L'invité de La Matinale - Alexandre Zeller, banquier et associé chez Lombard Odier
L'invité de La Matinale - Alexandre Zeller, banquier et associé chez Lombard Odier / La Matinale / 14 min. / le 19 mars 2024
Le 19 mars 2023, UBS rachetait Credit Suisse. Une année plus tard, plusieurs observateurs appellent à une meilleure régulation des banques. Pour Alexandre Zeller, ancien membre du conseil d’administration de Credit Suisse, la responsabilité repose avant tout sur les dirigeants.

Invité dans La Matinale de la RTS, le banquier Alexandre Zeller fait part de son "immense déception" suite à la disparition de Credit Suisse, après 167 ans d'existence. "C'est une banque qui a toujours eu un ADN d'entrepreneur et je crois que c'est quelque chose qui va manquer à la Suisse", affirme-t-il.

Membre du conseil d’administration de Credit Suisse jusqu’en 2019, Alexandre Zeller décrit une banque en Suisse "absolument excellente, avec des collaborateurs compétents, qui n'a jamais rencontré de difficultés majeures". "Cette banque, tous ses employés et ses clients subissent les conséquences d'activités qui peut-être ont été trop risquées, notamment en matière de banque d'investissement", regrette-t-il.

>> Réécouter la chronologie de la chute de Credit Suisse dans La Matinale :

Il y a un an, UBS rachetait Crédit Suisse
Il y a un an, UBS rachetait Crédit Suisse / La Matinale / 4 min. / le 19 mars 2024

>> La chronologie d'une chute : Un an après le séisme: le 19 mars 2023, Credit Suisse faisait naufrage

La responsabilité des dirigeants

De nombreux acteurs du secteur bancaire appellent donc à une meilleure régulation des grandes banques. Mais pour Alexandre Zeller, associé chez Lombard Odier, c'est le choix des dirigeants qui fait une réelle différence. "Je pense que l'industrie financière est l'industrie la plus régulée au monde", estime-t-il.

"On peut mettre toutes les régulations en place, mais à la fin c'est sur la qualité du conseil d'administration et de la direction générale que repose vraiment la responsabilité d'avoir des établissements qui vont gérer leurs affaires de manière correcte", ajoute-t-il.

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Aujourd'hui, les banques suisses sont très actives dans la gestion et les investissements transfrontaliers, ce qui représente également un défi, selon le banquier. "La question qu'on doit vraiment se poser est: est-ce qu'on peut gérer une activité qui est principalement centrée à New York depuis un siège à Zurich?", s'interroge-t-il. "Je crois en fait que, en ayant travaillé dans différents types de banques, ce qui compte à la fin, c'est la personnalité et le caractère de ses dirigeants et la notion de responsabilité."

Une tendance qui se renforce

Le rachat de Credit Suisse avait suscité de nombreuses craintes pour la réputation et la santé de la place financière suisse. Pourtant, d’après le baromètre du cabinet de consultants EY, 96% des banques suisses ont réalisé un excellent exercice 2023 et tablent sur une hausse de leurs revenus dans le futur.

Du côté des clients et des collaborateurs, l'absorption de Credit Suisse par UBS représente évidemment une période d'incertitude, relève Alexandre Zeller. Mais ce phénomène n'est pas nouveau, souligne-t-il. Il s'agit au contraire d'une tendance qui se renforce. "Quand j'ai commencé ma carrière, il y avait 600 banques en Suisse. Aujourd'hui, on est à peu près à 230", explique le banquier.

>> Ecouter aussi les précisions de La Matinale sur le bilan des banques suisses, une année après le sauvetage de Credit Suisse :

D’après le baromètre du cabinet de consultants EY, 96% des banques suisses ont réalisé un excellent exercice 2023. [Keystone - Martial Trezzini]Keystone - Martial Trezzini
Un an après le rachat de Credit Suisse, les banques tirent un bilan positif / La Matinale / 1 min. / le 19 mars 2024

Des craintes pour les entreprises

Avec cette fusion des deux géants du monde bancaire suisse, Alexandre Zeller s'inquiète avant tout pour l'avenir des PME, "surtout celles qui sont orientées pour l'exportation", précise le banquier. "Credit Suisse joue un rôle extrêmement important avec son ADN de banque pour les entreprises", poursuit-il, ajoutant qu'il n'existe pas réellement d'alternative.

"Cette fusion va créer un appel d'air, mais aujourd'hui, je ne vois concrètement pas qui va prendre cette place", dit-il. "Probablement pas La Poste, puisque les politiques ne vont pas lui permettre de s'engager dans ce type d'activités. Peut-être la Raiffeisen ou alors des groupes étrangers", poursuit-il, notant toutefois son scepticisme concernant les groupes étrangers qui "changent souvent de stratégie et comprennent moins notre culture".

Alexandre Zeller observera donc la situation de près ces prochaines années pour voir "d'où pourra venir l'émergence d'une nouvelle banque qui s'intéressera vraiment, authentiquement et fondamentalement aux entreprises". "Parce qu'il en va du financement de la compétitivité de notre économie", ajoute-t-il.

>> Voir le 19h30 :

Comment la clientèle du Credit Suisse a-t-elle vécu l’annonce du rachat par UBS ?
Comment la clientèle du Credit Suisse a-t-elle vécu l’annonce du rachat par UBS ? / 19h30 / 1 min. / le 19 mars 2024

Propos recueillis par Delphine Gendre

Adaptation web: Emilie Délétroz

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