Avec plus de 3000 milliards de francs, la dette colossale de la France a atteint 110% de son PIB en raison de l'envolée du déficit ces dernières années. Pour y remédier, le gouvernement de Michel Barnier propose 60 milliards d’économies et des hausses d’impôts. Selon les politiciens, l'heure est grave et le pays court le risque d'une crise financière.
Cependant, l'endettement est monnaie courante. Beaucoup de pays ont vu leur dette exploser à la fin des années 2000, explique lundi Cédric Tille, professeur d’économie au Graduate Institute, dans l'émission Tout un Monde de la RTS.
La crise financière des subprimes de 2007-2008, suivie de celle de la zone euro, puis de la crise du Covid-19, ont toutes nécessité des mesures importantes "de relance budgétaire pour soutenir l’activité économique", rappelle-t-il, en notant que la crise du Covid-19 a particulièrement poussé les Etats à dépenser massivement pour éviter un effondrement économique.
L'effet boule de neige de la dette publique
Le problème, c'est que certains pays, comme la France, ont continué à dépenser au même rythme après la crise. Au début de sa présidence, Emmanuel Macron avait réussi à réduire le déficit budgétaire à moins de 3% du PIB. Cependant, ces dernières années, ce déficit a de nouveau fortement augmenté, atteignant les 6%.
Si la politique budgétaire d'un Etat devient risquée (...), les investisseurs exigeront des taux d'intérêt toujours plus élevés pour prêter leurs liquidités.
Arthur Jurus, responsable des investissements pour la banque privée Oddo BhF, souligne que l'augmentation du déficit public oblige l'Etat à s'endetter continuellement, entraînant une hausse des dépenses uniquement pour rembourser la dette existante. Si la politique budgétaire d'un Etat devient plus risquée ou dérape, les investisseurs exigeront des taux d'intérêt plus élevés, augmentant ainsi la part du budget consacrée au remboursement de la dette et créant un effet boule de neige difficile à gérer.
Ainsi, la France consacre aujourd'hui chaque année 10% de son PIB exclusivement au paiement des intérêts de sa dette. Ce sont des sommes qu'elle ne peut évidemment pas allouer ailleurs. Cette situation pourrait commencer à inquiéter les investisseurs.
Stratégies contrastées entre la France, l'Italie et le Japon
La France n'est pas le seul pays à avoir une dette importante. L'Italie, par exemple, a une dette encore plus élevée, atteignant 140% de sa richesse nationale. Cependant, elle gère mieux ses déficits grâce à des dépenses publiques moins élevées. Un autre exemple est le Japon, dont la dette dépasse 250% de sa richesse nationale. Malgré cela, le Japon emprunte à des taux très bas en raison de sa stabilité, qui inspire confiance aux investisseurs.
Bien que la dette française soit élevée, elle n'est pas encore alarmante, car elle est principalement détenue par des résidents et des institutions européennes. Ces créanciers peuvent supporter des taux d’intérêt plus élevés et ils souhaitent soutenir l'Etat français.
Un pays en forte croissance peut gérer une dette plus élevée grâce à l'augmentation de ses revenus et à la croissance de sa base fiscale.
Le point de bascule pour qu'une dette devienne insoutenable est le risque de défaut de paiement, comme ce fut le cas pour l'Argentine lorsque les investisseurs étrangers se sont retirés. La Grèce, quant à elle, a évité la faillite grâce à l'aide des bailleurs de fonds de la zone euro.
Le risque d'un pays ne dépend pas uniquement d'un chiffre, mais d'un ensemble de facteurs contextuels, de gouvernance et de perspectives économiques à long terme, explique Cédric Tille. Il souligne qu'un pays en forte croissance peut gérer une dette plus élevée, car ses revenus augmenteront et la croissance générera la base fiscale nécessaire.
Sujet radio: Francesca Argiroffo
Adaptation web: Miroslav Mares