Stéphanie Leclerc, une Lausannoise dont la famille s'est récemment agrandie, rêve d'un appartement plus spacieux, mais après des mois de recherche infructueuse, elle constate que trouver un logement adapté à ses besoins et à son budget semble impossible.
"Je suis allé visiter un appartement la semaine passée. Il y avait une centaine de personnes. C'est décourageant", a-t-elle témoigné dimanche dans l'émission de la RTS Mise au point.
Lausanne joue les entremetteuses
Cependant, Stéphanie Leclerc a repris espoir en étant invitée à participer à un projet pilote de la Ville de Lausanne qui propose un échange d'appartements. En tout, 1260 logements de la Ville de Lausanne sont utilisés pour ce test. Son objectif est d'aider deux catégories de ménages: les familles qui vivent dans des logements trop petits et les seniors dont les appartements sont trop grands ou mal adaptés à leurs besoins, explique la municipale lausannoise en charge du Logement Natacha Litzistorf.
Pierre Keher, un senior lausannois, est intéressé par l'idée de déménager dans un appartement plus accessible, bien que son épouse reste hésitante. "Pourquoi ne pas tenter… si je parviens à trouver un appartement dans le quartier. Cela pourrait être bénéfique pour des familles. Et nous, nous n'avons plus besoin d'un grand appartement. Un peu plus petit, ça ira aussi. Nous avons beaucoup de meubles, mais on fera le tri", prévoit-il.
Le phénomène du "lock-in"
En pleine crise du logement, la catégorie des locataires qui occupent des logements trop grands attire particulièrement l'attention. Raiffeisen a récemment mis un nom sur ce phénomène: le "lock-in". Ces ménages se trouvent en effet piégés dans des logements trop vastes, car déménager dans un espace plus petit leur reviendrait souvent plus cher en raison de la hausse des loyers lors des changements de locataires.
"Dans les grandes villes, après seulement cinq ans, réduire la surface du logement n'en vaut quasiment plus la peine, car l'économie mensuelle moyenne s'élève à 20 francs", constate l'étude de la banque.
Stéphanie Loetscher Licari, résidente de Préverenges (VD) depuis dix ans, en fait l'expérience en ce moment. Ses fils quittant peu à peu le foyer, elle envisage de déménager dans un appartement plus petit. Mais les prix exorbitants la font hésiter. "Pour ce que j'ai aujourd'hui, la différence est vraiment faible. Ça fait peur… Dans quatre ou cinq ans, je vais me retrouver seule à devoir prendre un deux pièces ou deux pièces et demie qui coûtera plus de 2000 francs. Je ne sais pas comment les gens font", témoigne-t-elle.
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Propositions refusées à Berne
L'Association des locataires (ASLOCA) confirme cette flambée des loyers, particulièrement lors d'un changement de locataire. Pour Christian Dandrès, avocat conseil de l'ASLOCA et conseiller national socialiste genevois, permettre l'échange d'appartements sans passer par une hausse massive des loyers serait une solution pour fluidifier le marché et optimiser l'utilisation des espaces disponibles. Il souligne au passage une évidence: "Aujourd'hui, personne n'est d'accord de passer d'un appartement de cinq pièces à un trois pièces en payant le double de loyer."
Sous la Coupole fédérale, plusieurs propositions pour favoriser les échanges d'appartements ont été rejetées. L'une des raisons principales est que les propriétaires souhaitent profiter du changement de locataire pour augmenter les loyers de manière significative, estime Christian Dandrès. "Et très peu de locataires contestent les loyers lors de la signature d'un nouveau bail, bien que la loi les y autorise."
Frédéric Dovat, secrétaire général de l'Union suisse des professionnels de l'immobilier, partage un autre point de vue: "Ce n'est pas en échangeant des appartements qu'on va créer des logements supplémentaires. La population croît chaque année et il faut bien pouvoir la loger. Pour lutter contre la cherté des loyers, il faut construire plus et la population doit arrêter de s'opposer systématiquement aux projets de construction."
Un "Tinder" pour locataires
Paradoxalement, ces dernières années, la construction de logements a reculé, malgré une demande en forte hausse. A Zurich, l'échange d'appartements n'est pas initié par la Ville, mais par une plateforme privée appelée Tauschwohnung, née en Allemagne. Celle-ci fonctionne comme un "Tinder de l'immobilier": chaque locataire y crée un profil en espérant trouver le "match" parfait. "Cela augmente nos chances, car les deux parties sont dans la même situation. Et cela réduit la concurrence sur le marché", précise Chiara Canal Wild, qui a réussi à échanger son appartement via l'application.
Pour John Weinert, directeur de Tauschwohnung, ces échanges représentent une solution prometteuse. "Ces deux dernières années, nous avons réalisé 5300 échanges, soit trois à quatre par jour", déclare-t-il, soulignant le potentiel inexploité de nombreux appartements. Le développement de l'application dans d'autres villes suisses est d'ailleurs à l'étude.
Sujet TV: Céline Brichet
Adaptation web: Valentin Jordil