L'exportation de voitures d’occasion, un business bien huilé mais qui se grippe

L'exportation de voitures d’occasion, un business bien huilé mais qui se grippe. [KEYSTONE - JIM LO SCALZO]
L'exportation de voitures d’occasion, un business bien huilé mais qui se grippe. - [KEYSTONE - JIM LO SCALZO]
L’exportation de voitures d'occasion est un business opaque mais très important en Suisse. La radio-télévision alémanique SRF a mené l'enquête pour mieux comprendre ce que ce marché a sous le capot.

Sur le pare-brise, un petit mot: "Achète des voitures pour l'exportation – état et kilométrage peu importe – paiement en espèces", avec un numéro de téléphone portable où les parties intéressées peuvent contacter les acheteurs. Beaucoup de gens connaissent des cartes de visite comme celle-ci, placées sous l’essuie-glace de leur voiture.

À première vue, le business semble impénétrable. En fait, l’exportation de véhicules d’occasion depuis la Suisse représente une affaire qui pèse des centaines de millions de francs.

Un examen des statistiques du commerce extérieur le montre: la plupart des voitures ont atterri en Serbie en 2023, suivie par la Pologne, la Bulgarie et la France. Les véhicules à destination de l'outre-mer sont souvent expédiés à Bâle, tandis que pour ceux dont la destination est l'Europe, le transport se fait par la route.

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Exportations de voitures en 2023 en volume: Les 10 pays les plus courants pour les exportations de voitures en 2023. Au total, les véhicules sont exportés vers 147 pays.

Près de 136'000 voitures exportées, avec un joli pactole à la clé

Au total, près de 136'000 véhicules ont été exportés pour une valeur totale de 642 millions de francs. A titre de comparaison, en 2013, il y avait environ 125'000 véhicules pour un total d'un peu moins de 330 millions de francs.

>> Exportations de voitures par année et valeur (CHF) :
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La Radio SRF a essayé de s'adresser à une de ces personnes derrière les fameuses cartes de visite, sans succès. Les refus ne sont jamais justifiés. Mais avec les bons documents, l’exportation n’est pas illégale, les douanes le confirment. Alors pourquoi ce business est-il si secret?

Les exportations de voitures sont souvent traitées en espèces. Ces transactions ne laissent pratiquement aucune trace. Les autorités surveillent de près ce business - en raison de soupçons de blanchiment d'argent ou de criminalité organisée. La loi sur le blanchiment d'argent précise donc à quoi les garages doivent prêter attention en cas de paiement en espèces lorsqu'ils négocient des voitures d'occasion.

Un marché trop compétitif et qui s'essouffle

SRF a contacté un revendeur en Serbie qui a souhaité rester anonyme. Les voitures suisses sont particulièrement appréciées, dit-il: "Les meilleures voitures viennent de Suisse, car elles n'ont pratiquement aucun kilométrage au compteur. Nous exportons à peine depuis l’Allemagne, car elles ont déjà parcouru beaucoup trop de kilomètres".

Les marques allemandes comme Volkswagen sont très demandées, car il existe de nombreuses pièces de rechange en Serbie. Mais le business a changé, explique le concessionnaire: "Cela fait 15 ans que nous faisons cela, mais les affaires ne sont plus aussi bonnes qu’avant." Il y a beaucoup plus de revendeurs et le marché est plus compétitif. La raison: les clients récupèrent eux-mêmes leur voiture en Suisse, directement.

"Comme nous n'avons plus besoin de visa, tout le monde va acheter lui-même en Suisse. La recherche se fait sur Internet, les clients partent seuls, prennent de courtes vacances et rapportent la voiture ici", explique le concessionnaire automobile serbe. À cela s’ajoute la hausse des coûts. Le dédouanement, quant à lui, coûte entre 1000 et 1500 euros hors taxes. En fin de compte, il y a aujourd’hui un bénéfice d’environ 2000 euros par voiture. A la belle époque du marché des voitures d'occasion, le bénéfice était presque deux fois plus élevé, explique le Serbe.

Les garages conventionnels participent également au marché

Les garages conventionnels travaillent également avec des concessionnaires d'"export" lorsque les voitures ne répondent plus aux normes suisses et que les réparations ne valent plus la peine ni pour le propriétaire ni pour le garage.

"Nous travaillons toujours avec les mêmes concessionnaires. Ensuite, nous recevons une offre de prix dans certains pays. Ou alors le concessionnaire remet lui-même la voiture en état. Ces 'marchands de places de gravier' (Kiesplatzhändler en allemand - pour dire "revendeurs de vieilles voitures") ont une clientèle différente", explique à SRF le directeur commercial d'un garage de Suisse alémanique.

Ailleurs, les voitures qui sont mises au rebut en Suisse roulent encore plus longtemps. Le garagiste ne sait pas toujours où vont ses voitures: "En fin de compte, cela m'est égal. Je suis content quand je peux transmettre la voiture et qu'elle n'est plus chez nous sur la place".

aegw/ledn/ernb/kobt (SRF)

Adaptation française: furr (RTS)

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