Le chocolat de ce chocolatier genevois ne contient pas un gramme de sucre raffiné, sa douceur provient uniquement du jus de cacao. "Il offre des notes fruitées et acidulées grâce à son jus de cacao", affirme Yvan Loubet, maître-chocolatier à Genève, dans le 19h30. Il propose ce produit aux amateurs de saveurs corsées depuis plusieurs années.
"Le jus de cacao a un pouvoir sucrant qui est bien plus limité que le saccharose", explique ce chocolatier genevois en détaillant que les notes de sucre sont moins prononcées, au bénéfice des notes fruitées qui ressortent plus.
Réutiliser les déchets
Plus de 3000 petits cultivateurs produisent ce jus de cacao au Ghana pour la startup zurichoise Koa. Il provient de la pulpe du fruit qui est normalement jetée, mais l'entreprise a mis en place un procédé mobile d’extraction. Ce jus est ensuite pasteurisé, puis expédié vers l’Europe.
Fondée en 2017, Koa vend son jus de cacao uniquement à l’industrie.
"On le vend aussi sous forme de concentré ou de poudre à l'industrie qui peut, par exemple, sucrer le chocolat", précise Anian Schreiber, directeur de Koa Switzerland.
Cercle vertueux pour l'économie
L’entreprise opère dans un secteur difficile: l’industrie du chocolat est régulièrement critiquée à cause du travail des enfants et des trop faibles salaires des producteurs, notamment. Mais en achetant aux paysans le jus de cacao, en plus des fèves, leur revenu augmente d’environ 25%. Ce produit permet donc un cercle vertueux.
"Si les paysans reçoivent suffisamment de revenus, alors ils voudront aussi envoyer leurs enfants à l’école", assure encore le directeur.
>> Sur le sujet, lire : Le travail des enfants derrière la production du chocolat Lindt & Sprüngli, selon une enquête de SRF
La startup est en plein développement et parmi ses clients, elle compte des géants du chocolat, comme Lindt, qui utilisent son jus dans leurs propres produits "sans sucre raffiné".
Endocarpe ajouté au jus
A l’école polytechnique de Zurich, un chercheur est allé encore plus loin dans la valorisation du fruit du cacao, composé à 25% de fèves, à 25% de pulpe dont est extrait le jus, et de l'endocarpe. Il le transforme en poudre pour être mélangé au jus de cacao. La mixture obtenue comporte une haute teneur en fibres et est un bon sucrant.
La valorisation du fruit du cacao est maximale, explique Kim Mishra, chargé de cours du département des sciences et technologies de la santé de l'ETHZ. "C'est un très grand gaspillage de ressources si on n'utilise que la fève de cacao. C'est comme si on n'utilisait que les pépins d'une pomme ou d’une courge. Ça fait sens du point de vue économique, mais pas de la durabilité."
Pour transformer l’industrie du cacao, le chemin est encore long car ces chocolats au jus de cacao, et, peut-être un jour à l’endocarpe, sont encore un marché de niche.
>> Lire aussi : La Suisse et la chocolaterie, entre succès et défis
Sujets TV: Gianluca Agosta et Julien Guillaume
Adaptation web: juma
D'autres solutions pour rendre le chocolat plus durable?
D'autres solutions ont été imaginées pour rendre le chocolat plus durable. Des entreprises se sont par exemple lancées dans le chocolat sans cacao.
Pour ce faire, elles reproduisent la saveur du chocolat que les consommateurs connaissent: il est issu de la fermentation et de la torréfaction des fèves de cacao.
Les entrepreneurs concernés ont donc réalisé le même processus, mais en utilisant de l’orge, de la caroube, des graines de féveroles ou encore de l’avoine. Et selon eux, le goût, la texture et l’odeur du produit obtenu sont très proches du chocolat traditionnel. Ces produits n'étant sont pas encore disponibles dans le commerce, il est impossible de s'assurer que c’est bien le cas.
L'Université d’Harvard va encore plus loin. Elle a converti des gaz à effet de serre en matière grasse proche du beurre de cacao, en utilisant la technique de la fermentation, afin d'obtenir donc un chocolat à base de microbes et d’électricité.
Une industrie qui cherche à se transformer
L'une des raisons qui poussent l'industrie du cacao à se transformer est le prix de la matière première qui coûte de plus en plus cher. En un an, son prix a bondi de 160%. L'autre raison est son impact environnemental.
La production de chocolat nécessite énormément d’eau et entraîne une déforestation importante que l’Union européenne souhaite limiter. A partir de l’an prochain, il sera interdit de vendre sur le sol européen des produits à l’origine de déforestation. Les chocolatiers suisses vont devoir s'adapter s’ils veulent accéder au marché européen. Aujourd’hui, 40% des exportations suisses de chocolat partent en Europe.
>> Sur le sujet, lire : Les nouvelles règles sur la déforestation de l'UE menacent l'exportation du chocolat suisse