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L'UE impose des surtaxes pour freiner les véhicules électriques chinois

Les taxes imposées par l'Union européenne sur les voitures électriques chinoises inquiètent les concessionnaires suisses, qui craignent une baisse des ventes
Les taxes imposées par l'Union européenne sur les voitures électriques chinoises inquiètent les concessionnaires suisses, qui craignent une baisse des ventes / 19h30 / 2 min. / le 4 juillet 2024
L'UE a imposé jeudi à titre conservatoire jusqu'à 38% de droits de douane supplémentaires sur les importations de véhicules électriques chinois, avant une décision définitive en novembre, accusant Pékin d'avoir illégalement favorisé ses constructeurs.

Face aux "subventions déloyales" (voir en encadré) accordées selon Bruxelles aux entreprises chinoises, ces droits "compensateurs" entreront en vigueur vendredi, s'ajoutant aux taxes de 10% déjà appliquées par l'UE aux véhicules importés de Chine.

A l'issue d'une enquête antisubventions entamée en octobre, Bruxelles avait annoncé ces surtaxes le 12 juin, tout en lançant des discussions avec Pékin pour tenter de résoudre le problème et désamorcer les risques de guerre commerciale.

Une "erreur complète"

La Chambre de commerce chinoise dans l'UE a fustigé une "mesure protectionniste motivée par des facteurs politiques", espérant que les pourparlers débouchent "le plus tôt possible".

Cui Dongshu, secrétaire général de la Fédération chinoise des constructeurs de voitures, a condamné auprès de l'AFP "une erreur complète", susceptible d'augmenter le coût des véhicules "au détriment des consommateurs" européens.

Quatre mois avant une décision définitive

La Commission a désormais quatre mois pour décider de surtaxes définitives, ce qui laisse ouverte une fenêtre de dialogue. Ces droits définitifs, qui devront être avalisés par les Vingt-Sept, seraient valables cinq ans.

Bruxelles emboîte le pas aux Etats-Unis, qui avaient annoncé mi-mai une hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois à 100%, contre 25% précédemment.

Championne des moteurs essence et diesel, l'industrie automobile européenne craint de voir ses usines disparaître si elle échoue à endiguer la déferlante annoncée des modèles électriques chinois. Pékin a pris de l'avance en investissant de longue date dans les batteries.

Dans l'UE, le marché est en plein essor avant l'interdiction en 2035 des ventes de véhicules neufs à moteur thermique: or les véhicules électriques chinois représentent 22% du marché européen, contre 3% il y a trois ans, selon les estimations du secteur. Les marques chinoises occupent 8% de parts de marché.

>> Lire aussi : La Chine devient le nouvel empire de l'automobile électrique

"Des contacts se poursuivent"

"Les consultations avec le gouvernement chinois se sont intensifiées ces dernières semaines (...) Des contacts se poursuivent au niveau technique" pour parvenir à "une solution mutuellement acceptable", selon la Commission.

Bruxelles imposera des surtaxes de 17,4% au fabricant chinois BYD, 19,9% à Geely et 37,6% à SAIC (marque MG...). Les autres constructeurs seront soumis à un droit supplémentaire moyen d'environ 21% s'ils ont coopéré à l'enquête, ou de 37,6% dans le cas contraire. Ces droits ne seront perçus que si des droits définitifs sont institués.

Des modèles de marques non chinoises produits en Chine sont aussi ciblés: Tesla Model 3, Mini électriques, Volvo EX40...

Réticences allemandes

Si la France et l'Espagne poussaient activement pour des mesures proportionnées, l'Allemagne, très engagée en Chine, bataillait au contraire avec la Suède et la Hongrie pour éviter des sanctions, craignant des représailles de Pékin.

Les constructeurs automobiles allemands Audi, BMW, Mercedes et Volkswagen réalisent près de 40% de leurs ventes mondiales en Chine. "Les effets négatifs de cette décision l'emportent sur les avantages possibles", a déploré Volkswagen jeudi.

>> Lire aussi : La voiture électrique européenne cherche ses atouts face à la déferlante chinoise

Mesures de rétorsion

Pékin a menacé l'UE de mesures de rétorsion: la Chine a déjà annoncé mi-juin une enquête antidumping sur les importations de porc européen, après une enquête lancée en janvier sur les eaux-de-vie de vin de l'UE (dont le cognac). Vins, produits laitiers et voitures à grosses cylindrées seraient aussi dans son viseur, selon la presse chinoise.

Cette nouvelle passe d'armes s'inscrit dans les tensions commerciales grandissantes entre les Occidentaux et la Chine, également accusée de détruire la concurrence dans d'autres secteurs: éoliennes, panneaux solaires, batteries...

agences/juma

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Pourquoi Bruxelles sanctionne-t-elle le marché de l'électrique chinois?

Ces nouvelles taxes sont pour Bruxelles une façon de freiner la déferlante des véhicules électriques chinois et protéger les constructeurs européens. Voici les raisons qui l'ont poussée à agir.

Entre 2014 et fin 2022, le gouvernement chinois dit avoir dépensé plus de 200 milliards de yuans (24,7 milliards de francs) en subventions et déductions fiscales liées à l'achat d'un véhicule électrique. De quoi doper les fabricants chinois face à leurs concurrents américains, qui ont moins bénéficié d'aides.

Egalement, les exportations ont bondi. Selon le centre de réflexion américain The Atlantic Council, les ventes mondiales de véhicules électriques chinois ont grimpé de 70% en 2023, à 31,6 milliards d'euros, dont près de 40% vers l'Union européenne, devenue la première acheteuse du pays.

Les véhicules électriques venant de Chine représentent ainsi près de 22% du marché européen, contre 3% il y a trois ans, selon les estimations du secteur. Les marques chinoises occupent 8% de parts de marché. Bruxelles espère ainsi protéger une filière qui emploie 14,6 millions de salariés dans l'UE tout en évitant un conflit mortifère avec son deuxième partenaire économique derrière les Etats-Unis.