En 2023, la Maison Cailler est devenue le site touristique le plus visité de Suisse romande avec près de 438’000 visiteurs, un record pour la fabrique de chocolat qui dépasse le mythique Château de Chillon. "La fabrique s’est installée dans la région de la Gruyère depuis 125 ans. Cailler existe depuis plus de 200 ans, elle est la plus ancienne marque encore en opération sur le marché aujourd’hui", explique Fleur Helmig, la directrice de la Maison Cailler dans Basik.
La marque appartient à Nestlé et au sein de cette usine fribourgeoise, c’est tout le chocolat Cailler distribué dans le monde qui est fabriqué. C’est une production industrielle "bean to bar", de la fève à la tablette. L’année dernière, la fabrique a transformé 2600 tonnes de fèves en chocolat. "En 2023, nous avons produit 10'500 tonnes de chocolat dont 54% pour le marché suisse et le reste pour l’exportation", dévoile le directeur de la fabrique, Alexandre Jolliet.
Le chocolat Cailler n’est pas le seul produit chocolaté de Nestlé. Il y a aussi KitKat et Smarties, par exemple. Pour certaines de ces friandises, le chocolat qui les compose ne vient pas de la multinationale helvétique, mais de Barry Callebaut, une société internationale ayant aussi son siège en Suisse.
Barry Callebaut, leader mondial de produits chocolatés
La compagnie fournit le chocolat des Magnum ou encore des Daim. Elle vend ses produits chocolatés à de grandes sociétés telles que Nestlé, Hershey, Mondelez ou encore Unilever. Selon les derniers chiffres, Barry Callebaut a généré 8,5 milliards de francs grâce à ses ventes et posséderait environ 40% des parts de marché du chocolat industriel, ce qui correspond à un chocolat sur quatre dans le monde.
Mais malgré son quasi-oligopole sur le marché mondial du chocolat, Barry Callebaut a annoncé en février la suppression de 2500 postes. Cette décision témoigne de la situation actuelle difficile dans l’industrie du chocolat. "Pour nous, ce qui change, c’est l’augmentation des prix du cacao, du sucre et du lait en poudre. Nous avons des prix qui nous défavorisent face à la concurrence étrangère. 40% des Suisses mangent du chocolat étranger", constate Thomas Juch, le directeur de la communication de Chocosuisse.
Les Suisses sont les plus gros consommateurs
De l’avis général, la Suisse est le pays du chocolat. Mais les chiffres ne le confirment pas. Au classement des ventes, notre pays ne fait pas le poids face aux géants américains. La première société suisse n’est que cinquième. "Ce statut de leader s’est construit à partir des années 1880 et il est lié à l’image de la montagne", explique Laurent Tissot, historien spécialiste du chocolat et de la marque Suchard.
"Ce pouvoir de l’image est un acquis fragile et certaines marques ont bien failli tout perdre en voulant la changer", ajoute-t-il. "Cailler a voulu changer complètement l’aspect de sa marque, ça a été un fiasco total", raconte l’historien. Nous restons quand même les plus gros consommateurs: en 2022, les Suisses ont mangé en moyenne 11 kg de chocolat par habitant.
Des solutions pour faire mieux
Le chocolat n’est pas un domaine sans polémiques ni controverses. Mais il existe des producteurs suisses qui militent pour le mieux. C’est le cas de Choba Choba, la première marque de chocolat suisse où les producteurs de cacao ne sont pas seulement des fournisseurs de matière première, mais également copropriétaires et actionnaires.
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Gilles Desplanches est maître-chocolatier depuis 20 ans et il a, lui aussi, changé sa façon de travailler. Il ne se fournit plus chez les grands distributeurs, mais il sélectionne ses fèves à la source auprès de producteurs qu’il a lui-même rencontrés. "Ce sont des produits qui sont malheureusement plus chers, mais qui sont plus qualitatifs. Donc ce n’est pas une concurrence à l’industrie, mais c’est plutôt une complémentarité dans le monde de la chocolaterie", constate le Genevois.
Lea Huszno