Car l'élevage est responsable de 15% des émissions de gaz à effet de serre, et avec une planète comptant 10 milliards d’habitants d'ici 2050, il faudra trouver des alternatives aux protéines animales.
Lancée il y a 5 ans à Zurich, Planted est devenue le leader suisse des substituts de viande. "Nous devons travailler avec des ingrédients et des processus biologiques naturels", explique son cofondateur Pascal Bieri, lundi dans l'émission Basik. A la suite d'un séjour aux Etats-Unis, où il avait découvert des burgers végétaux bourrés d'additifs peu recommandables, il a décidé de se lancer dans l'aventure de la foodtech. “Notre but est de repenser entièrement la façon de nous alimenter. Nous mangeons beaucoup trop de viande animale. Ce n'est pas bon pour la santé."
Sur le site de Kemptthal, 14 tonnes de viande végétale sont fabriquées chaque jour, principalement à base de pois et d’huile de colza. Seul un quart de cette production est destiné au marché suisse, le reste étant exporté dans plusieurs pays européens. La start-up ne dévoile pas son chiffre d'affaires, mais on sait qu'elle a déjà levé 115 millions de francs. Les investisseurs vont du simple particulier au géant franco-américain L Catterton.
La dernière innovation de Planted est un steak parfaitement imité, jusqu'à la texture des fibres de la viande de bœuf. Un produit conçu pour séduire les carnivores souhaitant diminuer leur consommation de produits carnés pour des raisons éthiques, comme la protection de l'environnement ou le bien-être animal. Pour eux, la foodtech fait un pari fou: créer l'illusion parfaite.
Vers des produits laitiers végétaux
Autre démonstration chez Cultivated Biosciences. Dans un laboratoire de la Haute Ecole des sciences appliquées de Zurich, cette start-up a mis au point un procédé de fermentation aux allures futuristes. Dans un bioréacteur, elle produit de la graisse végétale à partir de sucre entièrement digéré par une levure. Cela donne une crème qui sera vendue dès l'an prochain à l'industrie alimentaire pour fabriquer des glaces, du lait ou de la crème à café 100% végétaux.
L’ambition affichée est que le consommateur ne voie même plus la différence. "Il va y avoir la crémosité, l’onctuosité que les consommateurs aiment", précise Dimitri Zogg, cofondateur de la start-up. "Et nous allons aussi pouvoir nous passer de tous les additifs utilisés dans les produits actuellement sur le marché. Notre ingrédient vient à 100% de la levure", ajoute-t-il.
L'union fait la force pour la Foodtech Suisse
Planted et Cultivated Biosciences font partie d'un réseau de 150 membres, la Swiss Food and Nutrition Valley. Fondée en 2020 au Forum de Davos, cette structure entend réunir tous les acteurs nécessaires pour créer l'alimentation du futur. Elle rassemble des poids lourds tels que Nestlé, Givaudan, Aldi ou l'EPFL.
"C'est une démarche globale qui inclut l'ensemble des acteurs, de l'agriculteur jusqu'au consommateur final. Nous ne pouvons pas bâtir un système alimentaire durable s'il ne génère pas de profit. Cela doit aussi être un bon business", plaide sa directrice Christina Senn-Jakobsen.
Le réseau appelle à constituer un fonds d'un milliard de francs pour réussir notre transition alimentaire, explique-t-elle. "Avec nos impôts, nous investissons déjà beaucoup d'argent dans la recherche et le développement. Ce qui a permis à la Suisse de se positionner comme un pays leader dans l'industrie pharmaceutique. Mais nous avons aussi de grandes entreprises alimentaires que nous pouvons continuer à développer. Je pense que la Suisse a un très gros potentiel pour devenir une food nation au plan mondial."
Entre progrès et tradition
Cette ambition repose aussi sur l'alliance de l'innovation et de la tradition. Planetary s'est installée au cœur d'un fleuron centenaire, la sucrerie suisse d’Aarberg. La start-up bénéficie des infrastructures et de la matière première: le sucre. Celui-ci est digéré par un extrait de champignon, un processus de fermentation qui produit une biomasse riche en protéines, aussi complètes que celles de la viande, mais sans cholestérol.
Toujours en phase de recherche et développement, la start-up a déjà levé 15 millions de francs. "Nous collaborons avec des fonds de capital-risque classiques. Les technologies liées aux questions climatiques sont en plein essor, c'est un secteur très attractif pour les investisseurs", précise Eleanor McSweeney, directrice du développement commercial. "C'est bon pour les affaires et pour la planète. Cela attire donc beaucoup plus de capitaux qu'auparavant."
Ces perspectives alléchantes ont convaincu Sucre Suisse, bien que la start-up n'achète actuellement que 2% de sa production. "2% de 200'000 tonnes, cela représente tout de même 4000 tonnes", souligne le directeur général Guido Stäger. "Nous savons que le sucre est sous pression en raison des préoccupations de santé. C'est pourquoi nous cherchons constamment de nouvelles utilisations."
Planetary ne fabriquera pas elle-même des produits finis, mais vendra sa biomasse à l'industrie alimentaire. "Aujourd’hui, il y a un véritable marché pour les alternatives à la viande", se réjouit Eleanor McSweeney. "Et ce marché cible avant tout les carnivores, plutôt que les végétariens ou les véganes".
Alors, demain, deviendrons-nous tous végétariens? Quoi qu'il en soit, la Suisse dispose de tous les atouts nécessaires pour s'attribuer une part substantielle du marché de la foodtech, un marché qui ne fera que croître dans les prochaines décennies. Selon des experts, la viande végétale pourrait représenter jusqu'à 60 % du marché des produits carnés d'ici 2040.
Alain Orange/miro