Le salon Watches & Wonders ouvre à Genève, alors que l'horlogerie souffle après des années "de folie"
"C'est peut-être bien de prendre le temps de souffler après trois années de folie avec des records d'exportations", soutient mardi dans La Matinale le consultant Olivier Müller.
Selon la Fédération de l'industrie horlogère suisse, les exportations (qui concernent 95% de la production) ont dépassé la barre des 26 milliards de francs l'an dernier, soit une progression de 7,6% par rapport à 2022. Le taux de croissance s'était élevé à 11,4% cette année-là et à 31,2% en 2021.
Le spécialiste de l'industrie horlogère avance deux facteurs d'explication à ces années fastes: "un besoin de se faire plaisir" après le Covid et "un afflux massif de moyens financiers" lié au marché des cryptomonnaies.
"D'un coup, des gens qui avaient gagné beaucoup d'argent facilement ont commencé à investir dans les montres. Le marché secondaire – la seconde main et le marché gris – ont pris l'ascenseur jusqu'en mars 2022, où la bulle s'est dégonflée", explique-t-il.
L'industrie marque le pas
Mais, dès le deuxième semestre 2023, la situation s'est "un peu assombrie", avec même "un coup de frein dans les exportations". Olivier Müller estime que des facteurs conjoncturels négatifs, tels la situation géopolitique et les taux de change, ont ralenti la croissance.
"J'ai prédit en début d'année une légère décroissance du secteur. Je l'estime à -3% et -5% par rapport à l'année passée. Mais cela voudrait dire que l'on serait quand même au-dessus de 2022, qui était l'année record avant 2023. On va tout de même faire dans l'ensemble une bonne année", présage Oliver Müller.
Les sous-traitants, eux, souffrent davantage, poursuit l'expert. "Ils ont ressenti un net coup de frein", déclare-t-il.
Olivier Müller pense par ailleurs que les grandes marques – il cite Rolex, Audemars Piguet, Patek Philippe, Richard Mille et Omega - vont tirer leur épingle du jeu. "Ce sont des marques qui ont une telle force et une telle demande qu'elles vont passer ce cap conjoncturel sans trop de problème", soutient-il.
Conséquences sur l'emploi
En 2023, le personnel de l'horlogerie suisse a atteint un niveau record depuis plus de 50 ans, avec 65'000 collaborateurs et collaboratrices.
>> Lire sur ce sujet : Jamais l'horlogerie suisse n'a connu autant d'emplois en plus de 50 ans
Le ralentissement de l'industrie devrait affecter l'emploi. Pour Olivier Müller, une croissance du nombre d'employés similaire à celles des années passées ne devrait pas s'observer en 2024. "On a recours dans certains cantons au chômage partiel, suite à la baisse de la demande chez les fournisseurs", indique-t-il. "Mais, à mon avis, cela va être très passager", tempère-t-il.
C'est dans ce contexte que s'ouvre à Palexpo le salon Watches & Wonders. Cinquante-quatre maisons horlogères et du luxe y présentent les nouveautés de leur catalogue jusqu'au 15 avril. Réservé aux professionnels les premiers jours, l'événement sera accessible au grand public dès samedi.
>> L'article sur l'édition 2023 du salon : Watches and Wonders, un salon horloger plus ouvert que jamais
Propos recueillis par Valérie Hauert
Texte web: Antoine Michel
Un salon pour créer des vocations
L'objectif de l'ouverture au public du salon Watches & Wonders est aussi de mieux faire connaître les métiers de l'horlogerie aux jeunes générations, explique dans La Matinale Matthieu Humair, son directeur général.
"On souhaite créer de nouvelles passions, de nouvelles vocations horlogères", déclare-t-il. "L'année passée, nous avons vendu 25% des billets pour les journées publiques aux moins de 25 ans. La moyenne d'âge était de 35 ans. Cela montre à quel point l'industrie est dynamique et innovante", ajoute Matthieu Humair. Le salon avait attiré 43'000 visiteurs lors de sa précédente édition et espère faire mieux cette semaine.