Attablée en face du lac d’Oeschinensee, Roxanne savoure une planche de fromage et charcuterie en tête-à-tête avec elle-même. Cette Québécoise a goûté à l’aventure individuelle il y a quelques années et, depuis, elle y revient régulièrement. "Je suis vraiment fière de moi. Tout le monde n’est pas capable de se dire: 'Je pars vers l’inconnu, toute seule, sans personne', et de se débrouiller".
A son image, ils sont toujours plus nombreux à partir en solo, aiguisant ainsi l’appétit des acteurs du tourisme. Une nouvelle offre est en train de se développer.
Cette tendance se mesure en ligne. Le nombre de recherches "solo travel" sur Google a quintuplé en cinq ans, et sur Facebook, les groupes dédiés comptent des milliers d’abonnés. Très suivie sur les réseaux, Whitney Toyloy, ancienne Miss Suisse, en est même l’ambassadrice
L’auberge de jeunesse, une option économique
Mais la valeur sûre pour rencontrer ces indépendants reste l’auberge de jeunesse. Jane, qui a déjà cinq voyages en solitaire à son actif, découvre Berne pour la première fois. Cette Russe aime courir le monde, mais n’a personne avec qui se lancer. "C'est assez difficile de trouver quelqu'un avec qui voyager. Alors soit tu restes à la maison, soit tu voyages seule", explique-t-elle.
Voyager seule lui coûte plus cher. Alors, pour économiser, elle loge systématiquement dans des établissements de ce type, à l'instar de celui qu'elle a trouvé à Berne et qui lui facture 60 francs la nuit en dortoir de huit lits, déjeuner compris.
Pour Victoria, venue d’Argentine, ce tarif est cher par rapport à d’autres destinations: "Ici, c'était l'une des auberges les plus chères. Peut-être qu'en Espagne ou au Portugal, on en trouve de plus accessibles", espère-t-elle.
Les hôtels réinventent le séjour en solo
Du côté des professionnels du tourisme, une véritable bascule est en train de s’opérer. Implantés à Lausanne, à Genève mais aussi à Zurich, les hôtels Fassbind disposent de chambre "single" pour les personnes seules, un type de chambre qui avait disparu, ces dernières années, dans de nombreux hôtels. Et leurs tarifs sont adaptés, ce qui n’est pas le cas partout. La nuit est ainsi facturée 120 francs en moyenne, déjeuner compris, soit 40 francs de moins que le prix d'une chambre double, soit trois quarts du prix pour deux.
"Ceux qui s'attendent à payer la moitié vont être un peu déçus. Mais il y a toute sorte de frais de base, comme l’infrastructure ou la mise à disposition de la chambre, qui doivent être couverts”, détaille Eric Fassbind, directeur de By Fassbind. Ces chambres-là ne sont donc pas plus rentables que d'autres, mais il surveille de près les clients qui les réservent, car c’est un marché à fort potentiel.
"Des voyageurs seuls, on en a toujours dans le cadre des affaires. La nouvelle tendance, ce sont ces gens qui voyagent seuls pour les loisirs ou pour les vacances. Ils représentent une nouvelle niche de clientèle que l’on voit de plus en plus dans les villes, aussi en Suisse", ajoute-t-il. A tel point qu'Eric Fassbind développe une offre de capsule-hôtel à la japonaise à Zurich, un concept de cabines conçues pour les personnes seules.
L’essor des plateformes pour voyageurs solitaires
Au-delà des hôtels, les séjours spécialisés pour les personnes seules sont devenues le cœur d'activité de certaines agences de voyage. Les-covoyageurs.com est l’une des premières à s’être positionnée sur le segment du voyage solo à plusieurs: elle forme des groupes composés de plusieurs voyageurs solo. Aujourd’hui, elle compte 4000 clients chaque année, alors qu’au début, il y a 12 ans, c’était 500.
Il existe aussi une offre éloignée du profit. Nomad Sisters, une plateforme qui met en lien voyageuses et hébergeuses quasi gratuitement, rencontre un franc succès ces dernières années. Car dans cette vague d’explorateurs solitaires, beaucoup sont des femmes.
"Je partage le principe de l’entraide entre femmes, qui leur donne la chance de se sentir à l’aise pour voyager. Et puis, évidemment, vous pouvez obtenir un hébergement gratuit, car il suffit de payer l’adhésion", explique Nicole, une voyageuse italienne en chemin à Genève.
Jeanne Gerbault/Miro