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Les accords de libre-échange cristallisent les craintes des agriculteurs

L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean-Marie Paugam, diplomate français en charge des négociations sur l’agriculture à l’OMC
L'invité de La Matinale (vidéo) - Jean-Marie Paugam, diplomate français en charge des négociations sur l’agriculture à l’OMC / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 15 min. / le 2 février 2024
Les accords de libre-échange sont la cible des agriculteurs en ce début d'année. Interrogé dans La Matinale, le directeur général adjoint de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) Jean-Marie Paugam rejette toute responsabilité. En Suisse, les négociations prétéritent assez peu le secteur.

Quand elle négocie au niveau des produits agricoles, la Suisse ne va pas plus loin que ce qui a été accepté dans le cadre des accords de l’Organisation mondiale du commerce, des accords qui prévoient des contingents et des protections en fonction des produits. "Cela fait partie de sa stratégie", explique Marius Brülhart, professeur d'économie à l'Université de Lausanne, vendredi dans La Matinale.

Le chercheur précise que l'Europe de l'Ouest protège ses paysans avec des mesures directes de soutien financier, mais aussi indirectes avec des barrières tarifaires. En Suisse, ce protectionnisme est particulièrement marqué, selon lui, car les agriculteurs sont subventionnés via les paiements directs.

>> Ecoutez les explications sur l'impact des négociations pour l'agriculture suisse :

Des tracteurs garés sur l'autoroute A6 alors que les agriculteurs protestent contre les pressions sur les prix, les taxes et la réglementation verte, des griefs partagés par les agriculteurs de toute l'Europe, près de Chilly-Mazarin, près de Paris, France, le 31 janvier 2024. [reuters - Sarah Meyssonnier]reuters - Sarah Meyssonnier
Les accords de libre-échange sont souvent au coeur des inquiétudes des agriculteurs / La Matinale / 2 min. / le 2 février 2024

Interrogé dans La Matinale, le directeur général adjoint de l'OMC Jean-Marie Paugam estime que les paiements directs ne sont pas un problème, tout comme le soutien à la recherche et développement ou à la formation. Pour l'OMC, ce sont surtout les subventions qui touchent les prix et les quantités qu'il faut éviter, car elles "faussent les signaux des marchés".

Inquiétudes autour des accords en discussion

Les accords existants ne posent pas de problème non plus à l'Union suisse des paysans. Mais la faitière s’inquiète des textes en discussion, notamment avec le Mercosur (l'espace de libre-échange qui regroupe plusieurs pays d'Amérique du Sud) qui pourrait vouloir vendre plus facilement de la viande en Suisse.

Pour Oskar Jönsson, spécialiste des questions commerciales au Foraus, un accord qui ouvre largement le marché suisse au détriment des agriculteurs ne serait jamais accepté politiquement.

L'OMC "pas responsable" des troubles actuels

Interrogé sur la responsabilité de l'organisation dans la colère des agriculteurs, Jean-Marie Paugam estime que les objectifs de l'OMC, à savoir "ouvrir les marchés, promouvoir la transparence et l'ouverture réciproque", ne sont pas responsables dans les troubles actuels, notamment car les accords datent de plus de trente ans.

Le directeur général adjoint estime également que l'OMC n'est pas directement touchée actuellement par la colère des agriculteurs. Mais les négociateurs perçoivent le climat actuel, précise-t-il.

Sujet et interview radio: Mathilde Farine et Pietro Bugnon

Adaptation web: liardeju

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Bientôt un accord spécifique sur l'agriculture à l'OMC?

Les négociations sur l'agriculture à l'OMC sont bloquées depuis bientôt un quart de siècle, notamment car les intérêts divergent entre pays riches et pays émergents. Jean-Marie Paugam admet que l'organisation a été affaiblie car le "cycle de Doha" (cycle de négociations sous l'égide de l'OMC) n'a pas été conclu comme prévu vers 2004.

Il cite les difficultés de l'organisation à passer sur les nouveaux sujets, en particulier ceux de la digitalisation et de la décarbonation. Selon lui, les négociations devraient franchir une étape significative ou amener une conclusion lors de la réunion ministérielle dans deux ans.

L'environnement, grand absent des négociations

Beaucoup de membres de l'OMC souhaiteraient aussi ouvrir des discussions sur l'environnement, indique encore Jean-Marie Paugam dans La Matinale. Mais il faut d'abord régler les sujets "classiques", dit-il, comme les subventions, qui créent des crispations, pour pouvoir ouvrir les discussions sur les sujets d'avenir.