Dans une vidéo parue mi-décembre, une influenceuse romande d'une vingtaine d'années aux plus de 110'000 abonnés se met en scène. Elle joue sur son natel depuis son canapé à un jeu d'argent. Elle commence par miser la plus petite somme possible, avec réussite. Elle mise alors une seconde fois, mais cette-fois-ci le maximum, et remporte le gros lot.
Contactée, l'autorité de surveillance des maisons de jeu explique que, selon la loi fédérale sur les jeux d'argent, la publicité ne peut pas cibler des mineurs ou des personnes frappées d'exclusion. Elle ne peut pas non plus induire en erreur ni être outrancière.
Jeune public sur Instagram
Mais tout le monde n'a pas la même interprétation de cette loi. L'exposition des jeunes aux publicités de casinos en ligne sur les réseaux sociaux entraîne "un effet de normalisation", estime Addiction Suisse.
Selon l'association, la vidéo en question est problématique, car comme la loi interdit aux casinos de cibler des mineurs dans leur publicité, les publicités sur les réseaux sociaux faites à travers l'intermédiaire d'influenceurs constituent une bonne tactique pour l'industrie d'atteindre quand même les personnes de moins de 18 ans. Instagram est connu pour toucher un jeune public. L'âge légal pour s'inscrire sur Instagram est en effet de 13 ans.
L'influenceuse et le casino se défendent
L'influenceuse estime qu'elle n'est pas dans l'illégalité. Selon elle, plus de 90% de sa communauté serait majeure. Elle répond que la diligence juridique a été opérée par une agence marketing mandatée par l'annonceur. Cette dernière ne juge pas la vidéo problématique. L'influenceuse explique que, comme elle travaille seule et sans appui juridique, elle s'est fiée à leur analyse. Elle a également ajouté une clause de non-responsabilité sous sa publication.
Egalement contacté, le casino estime respecter entièrement les réglementations en vigueur. Pourtant, après son échange avec la RTS, l'influenceuse a retiré la vidéo d'Instagram. Elle dit ne pas avoir consacré suffisamment de temps avant d'accepter de travailler avec cet annonceur et que cette collaboration est "une erreur". Elle affirme désormais ne plus vouloir travailler avec des marques qui font la promotion de jeux d'argent.
"Les autorités ont une certaine tolérance qui a des effets néfastes"
Invité dans Forum, Alain Alberini, avocat spécialisé en droit de la publicité et chargé de cours à l'Université de Neuchâtel, rappelle que "de manière générale, la publicité pour les jeux d'argent n'est pas interdite, même si elle est faite par le biais d'influenceurs. Par contre, il y a un cadre légal à respecter, aussi bien sur la forme - on ne doit pas cibler un public mineur, on ne doit pas imposer cette publicité aux consommateurs qui ne la désirent pas - que sur le fond, en n'envoyant pas un message trompeur tel que participer à des jeux d'argent pourrait remplacer une activité professionnelle".
Alain Alberini estime que les autorités pourraient être plus fermes vis-à-vis de ce qui se passe sur les réseaux sociaux. "Je ne dirais pas que les autorités administratives cantonales et fédérales sont laxistes, car elles font preuve d'un manque de moyens, mais elles ont une certaine tolérance qui a des effets néfastes, du fait qu'il y a peu de répression et donc peu de médiatisation de condamnations qui pourraient avoir des effets de prévention."
L'avocat conclut: "Et il y a un comportement qui s'aligne sur le mauvais acteur. Celui qui est resté dans le rang pendant un certain temps et qui constate que son concurrent, lui, ne respecte pas la loi risque de s'aligner sur son concurrent la fois suivante".
C.L./asch