Dans les villes où les hôtels sont chers, par exemple Londres et ses 20 millions de touristes annuels, les logements sur des plateformes de location comme Airbnb ou Booking.com prolifèrent.
Et les arnaques se sont développées parallèlement: les témoignages de voyageurs et voyageuses dénonçant des logements inexistants, des appartements qui ne ressemblent en rien aux photos publiées ou des chambres microscopiques sont fréquents.
Cependant, les agences de location ne semblent pas détecter ces arnaques ou, du moins, ne pas agir en conséquence, notamment pour se prémunir de ce genre de pratiques frauduleuses.
Une fausse annonce passée inaperçue
L’émission A bon entendeur de la RTS a voulu savoir si les plateformes en ligne contrôlaient les logements présentés sur leurs sites. Pour cela, la rédaction d'ABE a fabriqué de toutes pièces une annonce grâce au logiciel de création d’images Midjourney et rédigé une description très attractive grâce au générateur de texte ChaptGPT.
L'annonce se présentait comme suit: "Quatre chambres à coucher, quatre salles de bain et un jacuzzi, en bref un splendide manoir à un prix raisonnable au coeur de Londres." Elle a été publiée sur quatre sites spécialisés: Airbnb, Booking.com, Vrbo et Agoda.
Airbnb a vérifié l’identité de l’auteur de l’annonce, puis l’a publiée 30 minutes plus tard. Du côté des agences Agoda et Vrbo, elles l'ont intégrée sur leur site respectif en quelques heures, sans contrôle. Quant à Booking.com, elle a envoyé une lettre à l'adresse du logement pour vérification.
Aucune de ces plateformes spécialisées n’a vérifié que les photos de cette maison étaient véridiques et que le manoir londonien existait vraiment. Et en quelques heures seulement, l'annonce est devenue l’une des plus consultées à Londres. La rédaction d'ABE a reçu pour environ 30’000 francs de demande de location.
Seule la plateforme Vrbo a su déceler le piège et a effacé le compte 12 heures après la publication.
Airbnb retire finalement l'annonce
Un membre de la rédaction d’ABE a réservé ce manoir via l’annonce Airbnb et payé les 545 francs demandés. Le soir de son arrivée théorique, il a contacté la hotline de la plateforme en expliquant être à la bonne adresse, devant une maison qui ne ressemblait pas au splendide logement de l’annonce.
Il a transmis une photo de cette vraie maison à la plateforme et il a expliqué que le logeur ne répondait pas aux appels. Après deux heures de vérifications, l’opératrice d'Airbnb a annulé la réservation et remboursé le montant versé intégralement.
Malgré ce signalement par téléphone et la photo de la vraie maison à cette adresse, Airbnb n’a entrepris aucun contrôle auprès du logeur, ni prononcé aucune sanction. Cette annonce bidon a été signalée une deuxième fois, un jour plus tard via le formulaire d’Airbnb, sans plus de succès.
Une semaine plus tard, l’annonce pour ce manoir fantôme est toujours en ligne et les voyageurs peuvent toujours demander à le réserver.
Suite à la diffusion du reportage d'ABE, Airbnb a finalement retiré l’annonce bidon et a répondu aux questions de la RTS. La plateforme précise utiliser une technologie pour détecter les fausses annonces avant leur mise en ligne et ajoute que ce système a bloqué la publication de 157'000 fausses annonces l’an passé et effacé 59'000 autres déjà publiées.
"Vous ne savez jamais dans quel appartement vous allez dormir"
Membre de l'ONG Action on Empty Homes, Chris Bailey enquête sur les abus des sites de location d'appartements de vacances à Londres depuis des années.
"Certaines personnes créent des empires Airbnb", explique-t-il. "Ils louent plusieurs appartements souvent décorés d’une manière similaire dans le même bâtiment et ils mettent les gens n’importe où. Vous ne savez donc jamais dans quel appartement vous allez dormir. Parfois, le logement n’existe même pas."
Pour cet activiste, le secteur souffre de deux problèmes. D’un côté, des escrocs louent des appartements fantômes ou qui ne correspondent pas aux descriptions. De l’autre, des entrepreneurs sans scrupules mettent plusieurs dizaines d’appartements en location.
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Dans tous les cas, les photos manipulées y seraient monnaie courante. Dans une interview à la BBC, la responsable de la sécurité internet de Booking.com Marnie Wilking estime que les arnaques de toutes sortes dans le monde du voyage ont augmenté entre 500% et 900% en 18 mois, à cause notamment de la facilité d’utilisation de l’intelligence artificielle.
Clément Bürge et Valérie Demierre