En janvier, Franceinfo et Le Monde avaient révélé le recours en France pendant de nombreuses années à des traitements interdits pour purifier des eaux minérales vendues en bouteille, notamment par Nestlé Waters.
Le groupe avait reconnu avoir recouru à des systèmes de désinfection interdits (lampe UV, charbon actif) pour maintenir la "sécurité alimentaire" de ses eaux des Vosges (Vittel, Contrex et Hépar).
Foodwatch avait déposé une première plainte à Paris visant Nestlé Waters et Sources Alma (Cristaline, St-Yorre, Vichy, etc.), transférée par le parquet de la capitale à celui d'Epinal, qui avait déjà ouvert une enquête préliminaire pour tromperie visant le géant de l'agroalimentaire.
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Deux nouvelles plaintes
Cette enquête s'est terminée par la signature le 10 septembre d'un accord (une CJIP, Convention judiciaire d'intérêt public) entre Nestlé et le Tribunal judiciaire d'Epinal, par lequel le groupe a accepté de payer 2 millions d'euros d'amende ainsi qu'à "réparer l'impact écologique" en échange de l'abandon de toutes poursuites pénales pour les faits commis dans les Vosges.
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Mercredi matin, l'association de défense des consommateurs a annoncé à plusieurs médias dont l'AFP qu'elle déposerait le jour même à Paris deux nouvelles plaintes, cette fois avec constitution de partie civile, ce qui permet généralement d'obtenir la désignation d'un juge d'instruction.
Pour Foodwatch, cet accord judiciaire à Epinal est venu "mettre sous le tapis toute action publique à l'encontre de Nestlé Waters Grand Est" et "permet à la multinationale de s'en tirer en sortant le chéquier" dans une "affaire de fraude massive qui touche le monde entier depuis des décennies".
Injection de CO2, recours au sulfate de fer
Les plaintes visent à nouveau Nestlé et le groupe Sources Alma qui produit notamment Cristaline, l'eau la plus vendue en France, et qui fait déjà l'objet d'une enquête préliminaire du parquet de Cusset (Allier).
Le groupe Alma avait lui indiqué que cette procédure pénale portait sur des "faits anciens et isolés propres à certains sites de production" et assuré que sa marque phare, Cristaline, n'était pas concernée.
Pour Foodwatch, il y a matière à enquêter plus loin concernant les deux groupes: "injection de gaz carbonique dans l'eau Chateldon 'naturellement gazeuse'; recours à du sulfate de fer pour réduire la présence d'arsenic sur le site de St-Yorre et Vichy Célestins; fraude organisée en recourant à des traitements illégaux depuis des décennies chez Nestlé; opacité sur le risque sanitaire".
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afp/jfe
Quel rôle de l'Etat français?
L'association s'interroge aussi sur "la complaisance de l'Etat dans cette affaire" qui "pose la question de sa responsabilité". De premières alertes avaient déjà eu lieu sur ce sujet: en novembre 2022, Médiacités avait indiqué que la répression des fraudes enquêtait sur la production des eaux St-Yorre, Vichy Célestins et Chateldon, propriétés de Sources Alma, et notamment sur "l'adjonction dissimulée de gaz carbonique industriel et d'une substance chimique interdite".
En juillet 2022, un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), tenu secret jusqu'en janvier dernier, avait aussi alerté l'administration sur ce recours à des traitements interdits pour purifier les eaux minérales, qui était évalué à environ un tiers des marques en France, une fourchette basse vu que de telles pratiques sont "délibérément dissimulées".
Traitements depuis une quinzaine d'années?
Est-ce encore plus ancien? Mediapart a évoqué un autre rapport d'enquête datant d'avril dernier et produit par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), d'après lequel Nestlé Waters aurait eu recours à ces traitements interdits pour ses trois eaux minérales vosgiennes depuis au moins une quinzaine d'années.
Le bénéfice procuré à l'entreprise était évalué dans ce rapport à 3 milliards d'euros, un chiffrage contesté par Nestlé Waters.
Toujours courant juillet, c'est la Commission européenne qui a tancé à son tour la France, estimant dans un audit que le système mis en place dans l'Hexagone pour contrôler les eaux en bouteille est entaché de "sérieuses lacunes" et ne permet pas de garantir l'absence de produits frauduleux dans les rayons.