C'est un record pour UBS. Mardi, elle a publié un bénéfice de près de 30 milliards de dollars. Mais ce qui ressemble à un jackpot n'en sera pas un pour les autorités fiscales suisses. Zurich, notamment, où UBS a son siège, a de quoi être déçue. Car sur ce chiffre qui semble colossal, une grande partie ne sera pas dans l’assiette fiscale.
L'essentiel de ces 26 milliards de francs est un ajustement comptable.
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En simplifiant un peu, on peut dire qu'UBS a acheté Credit Suisse à un prix bien plus bas que sa valeur comptable. Elle doit donc entrer dans ses comptes la différence avec la valeur d'achat. C'est ce qui produit ce bénéfice, mais il est purement comptable et, en quelque sorte, virtuel.
Admettons qu'elle achète quelque chose 3 francs, alors que la valeur est de 12 francs. Elle doit donc rajouter 9 francs "fictifs" dans ses comptes. Sauf que dans cette histoire, les 9 francs, ce sont pratiquement 26 milliards.
Un montant qui échappe ainsi au fisc, conformément aux règles en matière de restructuration d'entreprises. Sans les effets du rachat de Credit Suisse, le bénéfice se limite à 870 millions de francs.
Une pratique normale
La pratique est tout à fait normale, confirme Fabien Liégeois, avocat et professeur à l'Université de Genève: "Même si les montants en question sont extraordinaires, la fusion d'UBS et Credit suisse constitue une opération relativement balisée sur les plans du droit civil et du droit fiscal. Il est possible qu’elle ait été réalisée sans incidence fiscale, car il s'agit d’une restructuration entre deux entités tierces en Suisse."
Une bonne affaire pour UBS ? "Seul l’avenir nous le dira: il n'est pas exclu qu'il faille réévaluer certains actifs à la baisse ou que des engagements apparaissent dans le futur (par exemple en raison de litiges)", nuance l'expert.
UBS doit tout de même payer des impôts, même s'il ne reste plus grand-chose dans le bénéfice qui découle de l'activité "normale" de la banque. Celle-ci calcule qu’elle doit payer 760 millions de francs d’impôts pour l'année 2023.
Ce montant aurait pu être deux fois élevé plus s'il n'y avait pas eu les crédits d'impôts. Ce mécanisme permet aux banques de déduire de leurs bénéfices des pertes qu’elles ont enregistrées des années plus tôt. UBS a encore un stock d'un peu moins de 3 milliards de dollars de ces crédits et elle doit hériter de ceux de Credit Suisse. Mais pour pouvoir les utiliser, il faut que la fusion entre les deux banques soit finalisée. Ce sera le cas à la fin du premier semestre, prévoit UBS.
Difficile en revanche de savoir comment la contribution fiscale est répartie. On sait qu'UBS paie une grande partie de ses impôts où elle a son siège en Suisse, mais elle doit aussi s’acquitter de certains montants partout où elle détient une entité juridique, donc dans d'autres cantons ou communes que Zurich, ou surtout d'autres pays. Par exemple, aux Etats-Unis où UBS est très présente.
Mathilde Farine