Publié

Que se passe-t-il chez Boeing ?

Que se passe-t-il chez Boeing ?
Que se passe-t-il chez Boeing ?
Une série d’incidents aériens ont impliqué des appareils Boeing, mettant à mal la réputation du constructeur américain qui a reconnu en juin la "gravité" de la situation devant une commission d'enquête du Sénat.

Une trentaine d’incidents impliquant des appareils Boeing ont été signalés depuis le début de l’année. Des lanceurs d’alerte ont été entendus par les autorités américaines, et deux sont décédés récemment. Le 18 juin dernier, Boeing a présenté ses excuses et a reconnu une situation grave devant le Sénat américain.

>> Lire à ce sujet : Le patron de Boeing admet la "gravité" de la situation devant une commission du Sénat américain

Cette mauvaise passe pour le constructeur aéronautique a commencé en 2018 et 2019 avec le crash de deux Boeing 737 Max qui ont entraîné la suspension de cet appareil pendant près de deux ans. Depuis, le 737 Max a connu d’autres incidents et deux autres modèles, le 777 et le 787, sont mis en cause par des experts. La FAA, l’Agence américaine de l’aviation civile, a lancé une enquête sur ces trois appareils et exigé “un plan d’action complet” au constructeur aéronautique. 

Une "série noire"

La porte arrachée du 737 Max (vol 1282) opéré par Alaska Airlines. [AFP - Handout]
La porte arrachée du 737 Max (vol 1282) opéré par Alaska Airlines. [AFP - Handout]

Le 5 janvier, une porte d’un 737 Max opéré par Alaska Airlines se décroche en vol. Le lendemain, la FAA, le régulateur américain, lance une enquête et ordonne le maintien au sol de 171 Boeing 737 Max.  Moteur en feu, décrochage d’une roue ou sorties de piste, d'autres incidents sur des appareils Boeing se sont enchaînés.

>> Lire à ce sujet : Les turbulences imprévisibles pourraient se multiplier avec le changement climatique

Une "série noire" qui a abîmé la réputation de Boeing, réputation déjà mise à mal depuis 2018 et le premier crash d'un 737 Max peu après son décollage de Jakarta, qui a fait 189 morts. Cinq mois plus tard, un autre crash survient cette fois en Ethiopie, où 157 passagers et membres d'équipage perdent la vie.

"Similitudes claires" entre les crashs de Boeing en Ethiopie et en Indonésie

"Un plan d'action complet" lancé

Quatre lanceurs d'alerte devant le Sénat américain [Getty Images via AFP - Kent Nishimura]
Quatre lanceurs d'alerte devant le Sénat américain . [Getty Images via AFP - Kent Nishimura]

A la mi-avril, quatre lanceurs d’alerte, dont des employés actuels et anciens de Boeing, ont témoigné devant le Sénat américain. Ils ont accusé l’avionneur d’avoir menacé de mort un ingénieur et d’avoir ignoré des alertes sur la sécurité des 737 Max, des 777 et des 787. Deux autres lanceurs d'alerte ont engagé des poursuites contre Boeing et sont décédés en avril et en mai dernier: John Barnett, ancien employé de l’avionneur, et Joshua Dean, ancien technicien d'un sous-traitant. D'après les premiers éléments de l'enquête, John Barnett s’est suicidé et Joshua Dean est mort d’une infection bactérienne: deux décès proches qui ont alimenté les suspicions.

Placé sous tutelle, l’avionneur planche sur "un plan d'action complet" remis à la FAA le 30 mai dernier pour remédier aux problèmes de non-conformité. En juillet, le ministère américain de la Justice devra décider de lancer, ou non, des poursuites pénales.

Si pour les 777 et 787, Boeing a dénoncé en avril dernier des accusations infondées ou inexactes, l'entreprise a finalement signalé que des fixations internes au fuselage de plusieurs 787, en attente de livraison, n'avaient pas été correctement serrées. Un défaut qui n’affecte pas les avions en opération, d’après le constructeur. Par ailleurs, Boeing a reconnu des erreurs pour les 737 Max après l’incident d’Alaska Airlines. L'entreprise a déclaré que l'objectif de long terme de Boeing "porte sur l'amélioration de la qualité". 

Le PDG de Boeing Dave Calhoun devant le Sénat américain [Middle East Images via AFP - Allison Bailey]
Le PDG de Boeing Dave Calhoun devant le Sénat américain. [Middle East Images via AFP - Allison Bailey]

Boeing a annoncé en mars le départ de son PDG Dave Calhoun à la fin de l’année. Le 18 juin dernier, il a présenté ses excuses devant une commission d'enquête du Sénat américain. Dave Calhoun a également reconnu “la gravité” de la situation. “Sénateur, je vais commencer par vous assurer que j'ai écouté les lanceurs d'alerte qui ont comparu lors de votre audition. Quelque chose ne s'est pas bien passé. Et je sais que leurs remarques sont sincères”, a-t-il déclaré.

Un appel à relativiser

Malgré ces déboires, les experts et pilotes de ligne ont appelé à relativiser. En effet, il faut distinguer plusieurs causes d’accidents aériens, notamment les erreurs de conception ou de fabrication, les erreurs de pilotage ou la maintenance effectuée par les compagnies aériennes, un facteur qui est à l’étude dans le cas du vol de la United Airlines qui a perdu une roue au décollage le 8 mars dernier. Les conditions météo peuvent aussi expliquer certains incidents comme celui du vol de Singapore Airlines le 21 mai dernier qui a fait un mort par crise cardiaque après de fortes turbulences.

Rappelons aussi que des milliers d’incidents aériens sont signalés chaque année et tous les constructeurs sont concernés. Depuis janvier, une quinzaine d’incidents impliquant des appareils Airbus ont été signalés.

Enfin, toutes les compagnies aériennes ne sont pas concernées. Seules certaines configurations du 737 Max sont remises en cause, mais les Boeing opérant en Europe “ne disposent pas de ces configurations et peuvent continuer à opérer normalement”, d’après l’agence européenne de sécurité aérienne. Si certaines compagnies ont dû clouer au sol certains appareils soupçonnés d'être défaillants, la compagnie Swiss a déclaré en avril dernier que ses Boeing 777 n’étaient pas concernés.

La FAA n'autorise pas encore la reprise de la production des 737 Max. Elle prévoit de poursuivre son enquête sur les 737 Max, 777 et 787 dans les prochains mois. Le régulateur entend multiplier ses inspections dans les usines de l’avionneur et de son principal fournisseur, Spirit AeroSystems.

Florise Vaubien

Publié