Ça ne se voit pas, mais Gaëlle Schmid est en situation de handicap. Sa dyslexie et sa dyscalculie ne l’empêchent pourtant pas de travailler. Depuis 2021, elle est aide-éducatrice dans une garderie à Vevey (VD). Une fonction créée sur mesure, mais qui n’a pas été facile à mettre en place pour elle et son employeur.
"On est régis par des directives cantonales et le statut d’aide-éducatrice n’existe pas", explique Micheline Massy, directrice de la garderie Les Ateliers. En Suisse, 1,8 million de personnes sont atteintes dans leur santé et un quart d’entre elles ont touché une rente de l’Assurance invalidité en 2023.
Le travail est un facteur d’inclusion, et participer à la vie sociale passe beaucoup par l'emploi
Gaëlle Schmid bénéficie d’une rente AI. Rien ne l’oblige à travailler, mais elle voulait quand même le faire. Avec l’appui de Pro Infirmis, elle a trouvé un poste à la crèche. Cette prestation, nommée InsertH, est proposée par Pro Infirmis depuis 2011 dans le canton de Vaud.
“Les personnes au bénéfice d’une rente AI à 100%, qui n’ont aucune obligation de travailler, nous faisaient part de leur sentiment d’inutilité lié à cette absence d’activité professionnelle. C’est vrai que le travail est un facteur d’inclusion et participer à la vie sociale passe beaucoup par l'emploi”, raconte Muriel Cuendet-Schmidt, responsable de service InsertH.
Coacher les entreprises
Selon les derniers chiffres, deux personnes en situation de handicap sur trois sont actives sur le marché du travail. Mais dans une récente étude menée par Pro Infirmis, 90% des personnes atteintes dans leur santé estiment qu’elles ont de très mauvaises chances de trouver un emploi.
InsertH est un exemple de prestation qui coache non seulement les particuliers, mais également les entreprises, avec une centaine de sociétés vaudoises publiques et privées partenaires. Le nombre de bénéficiaires a quintuplé depuis sa création.
Dans le canton de Vaud, 110 personnes étaient en emploi et une quarantaine étaient suivies pour trouver un poste adapté à la fin 2023. Pour les postes comme celui qu’occupe Gaëlle Schmid, la rétribution est de 9 à 16 francs minimum de l’heure. Pour son 60%, Gaëlle gagne 1275 francs par mois à la crèche. Elle reçoit à côté 1900 francs de l’AI.
Pas de quotas en Suisse
Si la Suisse a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes en situation de handicap en 2014, à l’heure actuelle, peu de choses concrètes sont mises en place pour éviter les discriminations.
Atteinte de la maladie des os de verre, Maude Kaufmann est chercheuse. Elle relève dans sa thèse ces discriminations, qui touchent les femmes en particulier. “Les femmes vont être exclues de la sphère professionnelle de façon exponentielle dès le moment où elles se confrontent au handicap. Sans obligation, un employeur ne va pas engager une femme en situation en handicap en Suisse”, déplore Maude Kaufmann.
Ce qui est déterminant dans le calcul et donc dans l’attribution d’une rente pour une personne, ce sont ses empêchements
Chez nos voisins, il existe des règles pour inciter l’inclusion professionnelle. En France, en Italie, en Espagne ou en Allemagne, des quotas doivent être respectés en fonction de la taille de l’entreprise, sous peine se voir infliger des amendes.
Un handicap, quel qu’il soit, ne donne pas automatiquement le droit à une rente de l’assurance-invalidité. "Ce qui est déterminant dans le calcul et donc dans l’attribution d’une rente pour une personne, ce sont ses empêchements. C’est-à-dire quelles sont ses limitations fonctionnelles et quelles sont ses restrictions par rapport à ses capacités de travail”, précise Catherine Foglietta, spécialiste en réinsertion professionnelle de l’Office de l’assurance-invalidité pour le canton de Vaud.
>> Lire à ce sujet : Le Conseil fédéral se fait retoquer pour son calcul illégal des rentes d'assurance invalidité
Une initiative bientôt déposée
Infirme moteur-cérébral, Maud Theler est en chaise roulante depuis ses quinze ans. Un handicap qui ne l’a ni empêchée d’étudier ni de faire carrière. Elle est la première élue en situation de handicap au Grand Conseil valaisan et elle occupe un poste à responsabilité.
Il faut augmenter les possibilités de faire des stages pour que les personnes en situation de handicap puissent prouver leurs capacités
"Je ne perçois pas du tout de rente, parce que j’ai pu faire une formation et je peux travailler à 100%. J’ai un salaire comme n’importe quelle personne qui n’a pas de handicap”, expose la Valaisanne, qui est employée dans un centre médico-social depuis quinze ans. Son lieu de travail a évolué en fonction de ses besoins: un élévateur, des rampes ou encore une place de parc ont été aménagés pour elle et payés par l’AI.
"Le message que j’aurais envie de faire passer aux employeurs, c’est de laisser une chance aux personnes en situation de handicap. Il ne faut pas s'arrêter à ce qu'on croit être capable de faire. Il faut augmenter les possibilités de faire des stages pour que les gens puissent prouver leurs capacités. Comme ça, on ne s’arrête pas à la situation de santé, mais on voit les compétences de la personne", conclut Maud Theler.
Une initiative populaire pour une révision de la loi pour l’égalité des personnes handicapées sera déposée le 5 septembre prochain à Berne.
Lea Huszno/asch