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Vendre le bilan économique de Joe Biden, le challenge de Kamala Harris

La campagne démocrate devra défendre son bilan. [Keystone/The Philadelphia Inquirer via AP - Tom Gralish]
Kamala Harris devra relever le défi de défendre le bilan économique ‘‘positif’’ de la présidence Biden / Forum / 7 min. / mardi à 18:07
Droit à l'avortement, climat ou encore politique internationale, les thématiques de campagne pour la présidentielle américaine de novembre sont nombreux. Mais d'après les sondages, c'est essentiellement l'économie et l'inflation qui seront les plus décisifs à l'heure de voter. Or, sur ces questions, Donald Trump a pour l'instant l'avantage.

En matière de gestion de l'économie nationale, Donald Trump est perçu comme l'homme fort de la situation. Une majorité de la population américaine estime qu'ils étaient mieux lotis financièrement sous son administration. En comparaison, Joe Biden a été considéré au cours de sa campagne comme responsable de l'inflation.

Pour Kamala Harris, qui devrait selon toute vraisemblance être investie candidate démocrate en remplacement du président américain à la convention de Chicago (19-22 août), il s'agira donc de redynamiser l'image du parti sur ces questions économiques et ce, même si le bilan de Joe Biden a été plutôt bon dans les faits [voir encadré].

Donald Trump veut réduire l'immigration légale mais aussi expulser les immigrants illégaux. On parle de près de 11 millions de personnes

Patrick Zweifel, économiste chez Pictet Asset Management. 

Immigration, utile ou préjudiciable?

Sur le fond, les visions économiques de Donald Trump et Kamala Harris diffèrent en de nombreux points. Le premier d'entre eux est sans doute l'immigration.

Pour le républicain, il faut mettre en place un maximum de politiques restrictives afin de protéger les emplois américains. "Il veut réduire l'immigration légale mais aussi expulser les immigrants illégaux. On parle de près de 11 millions de personnes, selon les estimations", a expliqué mercredi dans l'émission Forum de la RTS Patrick Zweifel, économiste chez Pictet Asset Management.

A l'inverse, Kamala Harris perçoit l'immigration comme une opportunité de booster l'économie américaine. "Elle est dans l'idée que l'immigration favorise la dynamique économique. Elle est consciente que le système a besoin d'être réformé mais va tout faire pour mettre en place les bonnes politiques, en essayant notamment d'intégrer les sans-papiers en favorisant ou en ouvrant un chemin à la citoyenneté américaine", analyse l'expert.

Des priorités fiscales qui diffèrent

Sur le volet fiscal, Kamala Harris et Donald Trump ont tous deux l'intention de dépenser davantage, mais sans surprise, pour des objets totalement différents. L'ex-président souhaite par exemple augmenter le budget de la Défense, soutenir davantage les vétérans ou encore utiliser l'argent du contribuable pour tous les coûts qui vont être liés aux politiques anti-migratoires, comme la construction du mur à la frontière sud. La vice-présidente entend de son côté dépenser plus pour les services sociaux, le climat, la santé ou encore l'éducation.

Les différences sont aussi notables en ce qui concerne la taxation. "Kamala Harris a plutôt l'intention de taxer les sociétés et les plus fortunés, tandis que Trump aimerait reconduire toutes les baisses d'impôts imposées en 2017 et tenter de réduire encore le taux d'imposition sur les sociétés de 21% à 20% et même potentiellement à 15%", résume Patrick Zweifel.

>> Ecouter le reportage de Tout un monde mercredi :

Ce qu'il y a derrière le nouveau "populisme économique" des républicains américains [AFP - Rebecca DROKE]AFP - Rebecca DROKE
Ce qu'il y a derrière le nouveau "populisme économique" des républicains américains / Tout un monde / 6 min. / mercredi à 08:13

Un protectionnisme en commun?

Depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2016, les Etats-Unis ont adopté une approche résolument protectionniste en matière de politique économique, marquant une rupture significative par rapport aux administrations précédentes. Donald Trump a mis en œuvre une série de mesures visant à protéger les industries américaines, notamment en augmentant les tarifs douaniers sur une variété de produits importés, avec un accent particulier sur les importations en provenance de Chine. Cette stratégie avait pour objectif de réduire le déficit commercial américain, de rapatrier les emplois manufacturiers aux Etats-Unis et de punir la Chine pour ce que le républicain considérait comme des pratiques commerciales déloyales.

Nous sommes vraiment entrés dans une nouvelle ère qui s'accorde à dire que les droits de douane peuvent être une très bonne chose pour l'économie américaine

Nick Lacovella, de la coalition bipartite Prosperous America

Lorsque Joe Biden a pris ses fonctions en 2021, beaucoup s'attendaient à un retour à des politiques économiques plus libérales et axées sur le multilatéralisme. Cependant, à la surprise de nombreux observateurs, le président Biden a choisi de maintenir, et dans certains cas d'approfondir plusieurs des politiques commerciales protectionnistes de son prédécesseur.

Donald Trump va menacer les Chinois de mettre 60% de taxes sur l'ensemble des importations aux Etats-Unis, sauf s'ils donnent quelque chose en échange.

 Samy Chaar, économiste en chef de la Banque Lombard Odier 

Bien qu'il ait adopté un ton plus diplomatique envers la Chine et cherché à travailler avec des alliés traditionnels pour contrer l'influence économique croissante de Pékin, Joe Biden n’a pas annulé les tarifs douaniers imposés par Donald Trump. Au contraire, son administration a signalé que certaines mesures étaient en place pour protéger les travailleurs américains et s'assurer que les entreprises américaines puissent travailler sur un pied d'égalité.

"Nous sommes vraiment entrés dans une nouvelle ère qui s'accorde à dire que les droits de douane peuvent être une très bonne chose pour l'économie américaine", a confié au micro de Tout un monde Nick Lacovella, de la coalition bipartite Prosperous America.

>> Revoir le reportage du 12h45 sur le premier meeting de campagne de Kamala Harris :

Premier meeting de campagne pour Kamala Harris depuis l’annonce de sa candidature à la Maison Blanche
Premier meeting de campagne pour Kamala Harris depuis l’annonce de sa candidature à la Maison Blanche / 12h45 / 25 sec. / mercredi à 12:45

Mais une nouvelle arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche promet des mesures plus extrêmes que si Kamala Harris venait à être élue, juge Samy Chaar dans Tout un monde. "Il va menacer les Chinois de mettre 60% de taxes sur l'ensemble des importations aux Etats-Unis, sauf s'ils donnent quelque chose en échange. Cela pourrait être une réévaluation de leur devise par rapport au dollar américain, ou encore une fois d'acheter davantage de biens agricoles et industriels ou de services américains [...]. L'idée est d'aller plus loin, en poussant voire forçant la Chine, mais aussi le Japon, les partenaires européens ou encore Taïwan à soutenir l'économie américaine", explique l'économiste en chef de la banque Lombard Odier.

Pour ce spécialiste, l'élection ne se jouera toutefois pas sur ces questions économiques, bien qu'elles soient très importantes aux yeux des électeurs. "Peu importe ce qu'a fait Biden, les supporters de Trump le soutiendront, quoi qu'il se passe. La polarisation est une réalité qui exacerbe les tensions et rien de ce que l'autre camp peut faire ne convaincra qui que ce soit", conclut-il.

Reportage radio: Katja Schaer et Francesca Argiroffo

Adaptation web: Tristan Hertig

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Un bilan loin d'être mauvais

Le bilan économique des près de quatre ans de mandat de Joe Biden est loin d'être mauvais, selon les experts. Le taux de chômage est bas, la croissance a été solide et les marchés financiers ont bien progressé. L'inflation a certes été haute à un moment donné mais elle a pu être contenue. Aujourd'hui, la progression des salaires est plus forte que l'envolée des prix. La perception des citoyens américains reste pourtant indépendante des chiffres. Le ressenti des électeurs est toujours négatif alors même que l'économie va bien.

Pour expliquer ce phénomène, plusieurs hypothèses sont émises. Tout d'abord, les médias parleraient toujours de l'économie en termes alarmistes, ce qui aurait des répercussions sur la morosité des Américains. Autre théorie appuyée par des recherches, les liens entre les thèses complotistes, de plus en plus présentes, et l'économie. En résumé, plus une personne croit aux théories complotistes, plus sa perception de l'économie est négative.

La sympathie politique guide la perception de l'économie

Le sentiment de pouvoir facilement tomber dans la précarité serait également responsable de cette perception biaisée de l'évolution économique. Lorsque l'inégalité des richesses est forte, comme c'est le cas aux Etats-Unis, les électeurs peuvent se sentir en danger d'un point de vue économique, même quand les tendances sont bonnes au niveau national.

Mais c'est sans doute l'appartenance politique qui joue le plus grand rôle. Les recherches montrent en effet que la perception de l'économie est surtout liée à la sympathie politique. Un démocrate pensera que l'économie se porte mieux lorsque le président est démocrate, et inversement pour un républicain. Un ressenti que seule une forte récession est capable de changer.