Alors que le Sénat a basculé du côté républicain, tandis que la course à la Chambre des représentants reste serrée, une victoire du parti de Donald Trump lui donnerait les coudées franches. "Si les républicains remportent les deux chambres du Congrès et la Maison Blanche, nous nous attendons à un économie américaine plus dynamique, avec une croissance supérieure au potentiel et une inflation supérieure à l'objectif de la Réserve fédérale", anticipe Samy Chaar, chef économiste de la Banque Lombard Odier.
Le programme économique de Donald Trump, "avec des réductions d'impôts et des baisses de régulation, pourrait doper les bénéfices des entreprises américaines, ce qui favoriserait le marché boursier, malgré des inquiétudes concernant le déficit et l'inflation", complète John Plassard, de Mirabaud Banque. Mais l'approche "l'Amérique d'abord" (America First) risque d'accentuer les tensions géopolitiques, en particulier avec la Chine, et de compliquer les relations transatlantiques, note encore l'expert.
Risques géopolitiques
Certaines industries, comme l'énergie fossile et les petites capitalisations, sont bien placées pour en bénéficier, tandis que l'Europe et la Chine pourraient être désavantagées. Dans ce contexte, une politique plus favorable aux crypto-monnaies et une relance des industries traditionnelles promettent de remodeler le paysage économique, ajoute M. Chaar.
Selon John Plassard, les risques liés au retour du républicain à la Maison Blanche sont géopolitiques et, surtout, tarifaires. "Donald Trump a en effet promis de taxer les importations en moyenne de 10%, contre 2,5% aujourd'hui, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur la croissance européenne (et chinoise)".
La Chine et l'Europe, principales cibles de ces politiques tarifaires, risquent de réagir par des mesures de rétorsion, prévoit Arthur Jurus. Ces tensions commerciales pourraient également peser sur les marchés émergents, notamment ceux d'Asie, où la croissance pourrait être impactée de 0,8% en moyenne si les mesures tarifaires sont intégralement mises en œuvre, calcule l'économiste d'Oddo BHF Suisse. Par ailleurs, Donald Trump pourrait exercer une pression sur l'Europe pour augmenter ses contributions à la défense, créant une situation géopolitique moins stable en cas de désengagement partiel des États-Unis de l'OTAN.
"Une mauvaise nouvelle pour l'économie à long terme"
Pour Patrick Zweifel, chef économiste chez Pictet Asset Management, la politique de Donald Trump, qui est "une politique classique d'un agenda populiste", est bonne pour l'économie à court terme, en soutenant la croissance. "Mais c'est une mauvaise nouvelle pour l'économie à long terme."
L'expert donne trois raisons pour expliquer cela. En réduisant l'immigration, le nombre de travailleurs et de consommateurs baisse, ce qui impacte la production, détaille-t-il. De plus, "une hausse du protectionnisme va avoir tendance à isoler le pays, ce qui va réduire la demande pour ses propres exportations et donc réduire, là aussi, la capacité de production", poursuit-il. Enfin, l’augmentation du déficit public, par des baisses d'impôts et des dépenses accrues, pourrait faire monter la dette et les taux d'intérêt, freinant ainsi l’investissement privé, conclut-il.
fgn avec les agences
Tourbillon sur les marchés mondiaux
La victoire de Trump à l'élection présidentielle américaine provoque un tourbillon sur les marchés mondiaux mercredi, faisant bondir le dollar, le bitcoin, les actions et les taux américains. Les indices boursiers européens terminent leur grand huit dans le rouge.
Wall Street accueille la victoire de Donald Trump en fanfare. Vers 16H45 GMT (17H45 en Suisse), le Dow Jones s'envolait de 3,13%, l'indice Nasdaq de +2,37% et l'indice élargi S&P 500 de +2,08%.
L'élection du candidat républicain a propulsé un certain nombre d'actifs, comme l'action du groupe Tesla (+12,97% vers 16H45 GMT), propriété d'Elon Musk, soutien actif de Trump. Les valeurs pétrolières américaines gagnent aussi du terrain quand les groupes spécialisés dans les énergies renouvelables dévissent.
En Europe, Francfort (-1,13%), Milan (-1,54%) et Londres (-0,07%) ont terminé dans le rouge après un retournement complet de la tendance. Le CAC 40 de Paris avait même brièvement bondi de plus de 2% en début de séance avant de finir en baisse de 0,51%.
La bourse suisse a quant à elle ouvert en hausse mercredi matin. Mais le SMI a finalement terminé en recul de 0,16%.
Risque d'une guerre commerciale
Les entreprises suisses doivent se préparer à une recomposition du commerce mondial et à des tarifs douaniers plus élevés de la part du premier marché des exportations helvétiques.
Cédric Tille, professeur d'économie internationale à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève, alerte sur une possible guerre commerciale majeure, avec des droits de douane élevés et une politique incertaine de Donald Trump, augmentant le risque d'escalade.
Lors de sa campagne, Donald Trump a promis des tarifs douaniers élevés: une hausse de 10% sur les importations de presque tous les pays, dont l'UE et la Suisse, et de 60% sur les produits chinois. Selon Antoine Bouët, directeur du CEPII, cela mènerait à "une crise économique mondiale", surtout pour les États-Unis et la Chine, comparable aux effets du Covid-19 sur le commerce.
Contraction du PIB suisse
Arthur Jurus, chef des investissements d'Oddo BHF Suisse, estime que des hausses de droits de douane pourraient entraîner une contraction de 0,2 % du PIB suisse, soit 1,4 milliard de francs. En cas de guerre commerciale mondiale, la perte pourrait atteindre 1 %, soit 7 milliards de francs.
Les secteurs suisses des produits pharmaceutiques, des machines, des instruments de précision et de l'horlogerie, représentant 86% des exportations vers les Etats-Unis et pesant environ 42,2 milliards en 2023, "seraient particulièrement exposés aux taxes américaines".