"L'impulsion de la reprise mondiale semble en train de faiblir", a estimé l'institution dans ses Perspectives économiques mondiales. Et 2011 devrait être une année du ralentissement: la croissance pour l'ensemble de la planète atteindrait 4,2%, contre 4,8% en 2010.
La consommation reste faible
L'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, a souligné lors d'une conférence de presse à Washington la morosité des pays du G7 où "la consommation et une part de l'investissement sont toujours faibles, et vont le rester pour un certain temps".
La première économie mondiale, les Etats-Unis, a subi la plus forte révision à la baisse des prévisions (-0,6 point de pourcentage). Mais à 2,3% en 2011, sa croissance resterait plus vigoureuse que celle de la zone euro (1,5%), y compris l'Allemagne (2,0%) et la France (1,6%), ou que celle du Japon (1,5%).
"Ce sont des taux de croissance faibles, au vu de la profondeur de la récession et de la masse des capacités productives inutilisées, et cela signifie une baisse très lente de taux de chômage qui sont élevés", souligne le FMI.
Sauf dans les économies émergentes
"En revanche, dans la plupart des économies en développement et émergentes, la consommation et l'investissement sont solides, et par conséquent soutiennent la croissance", a poursuivi l'économiste en chef. Parmi les grandes économies émergentes, la Chine resterait championne du monde de la croissance (9,6%), talonnée par l'Inde (8,4%). Le Brésil connaîtrait un ralentissement marqué (4,1%, contre 7,5% en 2010).
Au niveau mondial, "le résultat est une reprise qui n'est ni forte ni équilibrée et qui court le risque de ne pas être durable", écrit Olivier Blanchard. Le FMI a regretté que ses conseils soient largement ignorés: coordination des politiques économiques, présentation de plans détaillés de réduction du déficit budgétaire par les pays développés, et réévaluation des monnaies par les pays à la plus forte croissance.
La "guerre des devises"
Dans les pays riches, les projets de réduction des déficits budgétaires "favorables à la croissance pour le moyen terme manquent toujours à l'appel", a-t-il déploré. Dans le monde en développement, "la coopération ou la coordination est probablement dans l'intérêt des pays émergents, de sorte qu'ils puissent voir leur monnaie s'apprécier d'une manière appropriée, et non s'engager dans des différends ou dans ce qu'on a appelé une guerre des devises", a lancé Olivier Blanchard.
Cette expression belliqueuse avait été lancée le 27 septembre par le ministre brésilien des Finances, Guido Mantega, à l'attention de chefs d'entreprises du pays. Depuis, elle a fait le tour de la planète. Lors d'un discours à Washington, le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner a appelé les pays émergents à faire "davantage de progrès" pour libéraliser leur taux de change, une critique du Brésil, qui lutte contre l'appréciation du real, et de la Chine.
A la veille de l'ouverture de son assemblée annuelle où il doit réunir ses 187 Etats membres, le FMI a pris nettement parti pour les Etats-Unis, parfois accusés d'affaiblir délibérément le dollar. "Il est clair que quand nous parlons d'ajustement du taux de change, cela demande un ajustement du yuan vis-à-vis du dollar. Que cela se produise formellement par le biais d'une dévaluation du dollar et des monnaies d'autres pays développés, ou que cela se traduise par l'appréciation des monnaies des pays émergents, est sans importance", a déclaré Olivier Blanchard (lire ci-contre).
afp/hof
La "guerre des changes" menace entre l'Europe et la Chine
Chinois et Européens ont affiché leurs divergences monétaires au cours d'une série de rencontres achevée mercredi par un sommet, Pékin refusant de réévaluer le yuan sous la pression alors que la zone euro s'inquiète de la montée en flèche du taux de change de sa devise.
La discorde a dominé trois jours de visite à Bruxelles du Premier ministre chinois Wen Jiabao, pour un sommet Europe-Asie lundi et mardi, puis un sommet UE-Chine mercredi. Dès lundi, Wen Jiabao s'est montré ferme, en demandant que les taux de changes des principales monnaies restent "relativement stables" entre eux.
Une façon de rejeter les appels à une réévaluation du yuan des Européens qui, comme les Etats-Unis, soupçonnent Pékin de faire de la dévaluation compétitive pour doper ses exportations et sa croissance.
Mardi, ce sont les Européens qui sont passés à l'offensive. Les trois principaux responsables économiques de la zone euro ont demandé une appréciation "significative" du yuan au chef du gouvernement chinois.
Enfin mercredi, Wen Jiabao a contre-attaqué de nouveau. Lors d'un forum économique, il a demandé aux Européens d'arrêter de "faire pression pour une réévaluation du yuan".
Ces échanges aigre-doux surviennent alors que l'euro ne cesse lui de s'apprécier sur le marché des changes, ce qui risque de peser sur les exportations européennes et de brider la fragile reprise économique du Vieux continent.
Le dollar accélère ses pertes
Le dollar accélérait ses pertes mercredi, plombé par un regain d'inquiétudes sur la vigueur de la reprise aux Etats-Unis. Il évoluait au plus bas depuis huit mois face à l'euro, depuis 15 ans face au yen, tandis que le franc suisse enregistrait des records historiques. Pratiquement sur le coup de 18h00 le dollar est tombé à 0,9600 franc, un nouveau plus bas historique, avant de quelque peu se reprendre. Le précédent record remontait au printemps 2008, avec une valeur de 0,9650 franc.
Le franc est soutenu par la solidité de l'économie helvétique et joue son traditionnel rôle de monnaie refuge. Le taux de change devrait s'établir vers les 0,95 franc pour un dollar, selon les analystes de la banque genevoise Pictet.
Vers 18h00 l'euro valait 1,3940 dollar contre 1,3834 dollar lundi soir, son niveau le plus élevé depuis le 3 février, après avoir franchi le seuil de 1,39 dollar pour la première fois depuis début février. Le dollar continuait de se replier face au yen, à 82,81 yens, contre 83,21 yens la veille. Plus tôt le dollar est descendu jusqu'à 82,77 yens, un niveau sans précédent depuis mai 1995.
Le dollar a notamment pâti de la publication de chiffres du cabinet de conseil en ressources humaines ADP. Ces derniers, première indication avant le rapport mensuel sur l'emploi et le chômage américains publié vendredi, ont fait état de 39'000 suppressions nettes de postes en septembre dans le secteur privé aux Etats-Unis, alors que les analystes tablaient sur 18'000 embauches nettes. La devise américaine s'est instantanément effondrée face à l'euro et au yen, mais aussi vis-à-vis du franc suisse.