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Crise financière: UBS fait son mea culpa

La zone euro pourrait s'inspirer de la Suisse pour une meilleure répartition des richesses, estime Kaspar Villiger.
"Nous ne voulons ni embellir les erreurs de gestion du passé ni délivrer les personnes en question de leur responsabilité", a assuré Kaspar Villiger.
UBS a publié jeudi un rapport "faisant toute la lumière" sur les colossales pertes subies lors de la crise des marchés financiers et sur ses activités de gestion de fortune aux USA. La banque reconnaît des manquements au niveau de la stratégie de la banque d'affaires et en matière de rémunérations. L'établissement réaffirme néanmoins ne pas vouloir poursuivre ses ex-dirigeants.

"Aujourd'hui, nous avons posé les jalons pour tourner la page sur les événements du passé", a déclaré le président du conseil d'administration d'UBS Kaspar Villiger, venu présenter devant la presse le "Rapport sur la transparence à l'intention des actionnaires".

Dans cette confession longue de quelque 70 pages, UBS admet avoir commis des erreurs stratégiques concernant sa banque d'affaires et s'être "bercée d'illusions" sur la valeur des subprimes. Elle reconnaît aussi n'avoir pas dit clairement qu'elle attendait de ses collaborateurs "le plein respect" de toutes les dispositions légales en vigueur aux USA.

Pas de plainte

Malgré ce mea culpa, UBS maintient sa décision de ne pas poursuivre les anciens dirigeants de la banque. Avec cette décision, "nous ne voulons ni embellir les erreurs de gestion du passé ni délivrer les personnes en question de leur responsabilité entrepreneuriale", a assuré Kaspar Villiger. Dès lors que "les enseignements du passé ont été tirés", "il est important maintenant que nous nous concentrions sur l'avenir".

Dans le détail, UBS arrive à la conclusion que "le manque de planification systématique de la stratégie de croissance de la banque d'affaires a fortement contribué" aux pertes essuyées lors de la crise des subprimes. "Les incitations de l'époque du système de rémunération à générer du chiffre d'affaires sans prendre suffisamment en compte les risques" les ont encore favorisées.

Différentes unités d'affaires d'UBS pratiquaient les mêmes opérations, "multipliant ainsi les risques". Les capitaux levés sur le marché étaient "transférés sans prime de risque au sein de la banque, permettant à la banque d'affaires de se refinancer à bon compte et d'étoffer des positions qui se sont avérées par la suite génératrices de pertes". Le total de bilan "n'était soumis à aucune limite" et "il n'existait pas d'aperçu global du risque pour toute la banque".

"Bercée d'illusions"

La gestion des risques se basait de manière excessive sur des modèles statistiques et les notations des agences externes n'étaient pas vraiment remises en question. Malgré des mises en garde, la banque "s'est à tort bercée dans l'illusion" que la valeur de ses produits financiers liés au marché immobilier américain était stable et qu'ils étaient suffisamment couverts contre d'éventuelles pertes.

Quant aux activités de gestion de fortune transfrontalière aux Etats-Unis, UBS ne disposait d'aucune "analyse complète et continue" de leur conformité aux dispositions américaines avant le début des enquêtes aux USA. Des mesures visant à améliorer la conformité ont certes été lancées, mais elles ont été mises en oeuvre de manière "trop peu rigoureuse".

Des règles internes "trop peu précises"

 Des manquements ont été constatés dans la formation et l'instruction des collaborateurs. Les règles internes "étaient trop peu précises" et les attentes "n'ont pas été communiquées suffisamment clairement".

En clair, il manquait un "système efficace en matière de contrôle de la conformité aux règles et de la surveillance". Un tel système aurait été nécessaire, d'une part, "pour communiquer clairement que la banque attendait de ses collaborateurs le plein respect de toutes les dispositions légales en vigueur aux Etats-Unis" et, d'autre part, "pour identifier et corriger rapidement les cas de violation des règles".

Dans le rapport, UBS explique en outre pourquoi le Conseil d'administration a renoncé à poursuivre les anciens dirigeants de la grande banque. Selon divers avis externes, les chances de succès de telles plaintes pénales étaient "plus qu'incertaines".

Les procédures auraient, en revanche, occasionné "des frais élevés" pour la banque" et "véhiculé une publicité négative dans le monde entier", empêchant le rétablissement de la réputation d'UBS. Enfin, elles auraient par ailleurs "affaibli" la position d'UBS elle-même dans des procès en cours. Des mesures ont été prises pour corriger les dérives constatées, rappelle UBS. La direction de la banque a été presque entièrement renouvelée et la stratégie remaniée.

agences/ant/hof

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Gauche mécontente, droite satisfaite

"UBS essaie autant que possible d'esquiver de nouveaux éléments", a réagi le parti socialiste. Il relève que le président du conseil d'administration de la banque, l'ancien conseiller fédéral Kaspar Villiger, renonce à une vraie clarification et ne prend ainsi pas pleinement ses responsabilités.

L'USS juge que la banque présente des expertises à la limite de la complaisance. "Finalement, qu'un coupable joue le rôle de magistrat d'instruction et de juge dans sa propre affaire, c'est tout à fait normal dans le cadre d'un processus politique tout de servilité. Que ce coupable expose ce qui est déjà connu l'est aussi." La centrale syndicale, qui demandait la création d'une commission d'enquête parlementaire, relève qu'une telle démarche aurait permis de "débrouiller les liens existants entre UBS et la FINMA (l'autorité fédérale de surveillance des marchés financiers), des liens qui resteront désormais dans l'ombre".

Maria Roth-Bernasconi (PS/GE), membre de la sous-commission parlementaire qui a rédigé un rapport sur l'affaire, ne veut pas s'exprimer au nom des CdG. A titre personnel, la conseillère nationale regrette qu'UBS renonce définitivement à porter plainte. Elle trouve que cela donne aux citoyens le sentiment que "la justice est injuste". Et le fait que la banque ait consulté seulement deux experts externes pour élaborer son rapport soulève des questions, ajoute la députée.

Les partis bourgeois saluent au contraire ce rapport publié par UBS. UDC, PLR et PDC estiment qu'il est unique qu'une grande banque admette ses erreurs et fasse preuve d'une certaine transparence. Mais seul le PDC aimerait que les anciens dirigeants soient poursuivis. Il souhaite que le droit des actions soit révisé afin de fournir de meilleures possibilités de déposer plainte, a-t-il communiqué jeudi.

Pierre-François Veillon (UDC/VD), président de la sous-commission qui a rédigé le rapport sur l'affaire, ne veut pas encore commenter le rapport publié par la banque. Cette sous-commission doit d'abord se réunir et analyser le texte. Pierre-François Veillon précise que la prise de position des CdG prendra aussi en compte la réponse du Conseil fédéral aux reproches formulés dans leur propre rapport - réponse survenue pas plus tard que mercredi et dont le conseiller national se dit "un peu déçu". Il ajoute qu'il attend encore avec intérêt la réponse de la FINMA.