"Nous avons commis une erreur dans ce dossier", a reconnu jeudi devant la presse et les avocats des différentes parties le président de la Cour de justice Louis Peila. En ne conservant pas certaines fiches portant le nom de jurés potentiels, le juge Delieutraz a orienté le tirage au sort de manière à créer la suspicion. La récusation était la seule solution possible.
Jacques Delieutraz a expliqué mercredi (hier) au plénum de la Cour de justice qu'il avait voulu écarter des personnes dont la profession libérale ne leur permettait pas, à ses yeux, de siéger dans le jury durant deux mois. "Ce seul fait est maladroit", a commenté Louis Peila, précisant que le cas était "tout à fait unique" dans l'histoire de la justice genevoise.
Face aux demandes de récusation de la défense, la Cour de justice a estimé dans un premier temps qu'un nouveau tirage au sort permettrait de "guérir" ce problème. Mais le Tribunal fédéral en a décidé autrement et demandé à la Cour de pousser plus loin ses investigations. Ce "déficit de fonctionnement" va coûter six mois à l'instruction de la procédure, a reconnu Louis Peila.
Le canton attendait ce procès depuis 10 ans
Conséquence, le procès est interrompu et tous les actes accomplis par le juge Delieutraz depuis le tirage au sort du jury du 25 mai dernier sont considérés comme nuls. L'audience devra donc repartir de zéro. Les divers témoins, comme le président du Conseil d'Etat genevois François Longchamp, devront donc en principe se représenter devant la Cour.
L'audience a été reportée à une date indéterminée, alors que les premiers risques de prescription interviendront en septembre ou octobre 2011. Ce retard a été critiqué mercredi par le Conseil d'Etat genevois. L'Etat de Genève, qui est partie civile au procès, attend depuis dix ans un jugement dans cette affaire qui lui a coûté plus de deux milliards de francs.
Le procès doit permettre d'établir les rôles joués dans la débâcle de la BCGE par l'ancien président de la banque cantonale Dominique Ducret, l'ex-directeur général Marc Fues, son ancien directeur-adjoint René Curti ainsi que deux réviseurs de la société Ernst & Young. Ils sont accusés de faux dans les titres et de gestion déloyale aggravés.
ap/ant
Quel scénario pour la suite?
Pour la suite, le président de la Cour de justice envisage plusieurs hypothèses. La première mise sur un procès avant la fin de l'année devant la Cour correctionnelle.
Il y aurait la possibilité d'ouvrir les débats qui seraient immédiatement suspendus afin que le nouveau juge puisse prendre connaissance de l'affaire. Cette solution permettrait de tenir un procès avec jury populaire. En effet, en 2011 cette pratique n'existera plus, réforme judiciaire oblige. Encore faut-il trouver un juge qui ne soit pas récusable, c'est-à-dire qui n'aurait pas participé à l'instruction. Les papables ne semblent pas être nombreux.
L'autre hypothèse avancée par Louis Peila est un procès l'année prochaine devant le tribunal pénal de première instance. La Cour de justice devra se décider rapidement car la montre tourne et certains faits seront prescrits à la fin de l'été prochain.