L'Europe a connu sur le front économique une "annus horribilis" avec l'austérité budgétaire généralisée et les plans de sauvetage en Grèce et en Irlande - en attendant peut-être les suivants - qui contraignent la zone euro à se réinventer pour subsister.
"Si l'euro échoue, c'est l'Europe qui échoue", a résumé la chancelière allemande Angela Merkel. Depuis 2008, la crise est en réalité ininterrompue. Elle fut bancaire d'abord, importée des Etats-Unis suite à la faillite de la banque Lehman Brothers, économique ensuite avec la plus grave récession depuis 1945, budgétaire et sociale enfin cette année sous l'effet de l'envolée des déficits et de la dette, qui partout imposent la rigueur.
La Grèce et l'Irlande aux abois
L'austérité est particulièrement prononcée en Grèce, passée à deux doigts de la banqueroute, et en Irlande avec une réduction des prestations sociales, une baisse des salaires des fonctionnaires ou une hausse des impôts. C'est le prix à payer pour avoir dû appeler à l'aide l'Union européenne et le Fonds monétaire international: 110 milliards d'euros de prêts en mai pour la Grèce, 85 milliards d'euros en novembre pour l'Irlande.
Et l'épée de Damoclès continuera à peser en 2011 sur le Portugal, l'Espagne, voire d'autres. Ces deux pays doivent retourner à partir de janvier sur les marchés pour emprunter. Ils y subiront un test délicat de confiance. Pour l'Europe, tourmentée par le sentiment de son déclin face aux puissances émergentes, le réveil est rude. Ce n'est plus au Mexique, en Argentine ou en Indonésie que le FMI joue les pompiers, mais chez elle.
D'une crise sociale vers une crise politique
Les aides publiques consenties aux banques, par qui la crise est arrivée, grèvent les caisses des Etats. Mais au-delà, l'Europe paie le prix d'un lent gonflement de sa dette depuis les années 70 et la fin de la période dorée de forte croissance des "trente glorieuses". Elle vit depuis à crédit pour maintenir son niveau de vie. "Les marchés ont sifflé la fin de la récréation", résume un diplomate européen.
Après la crise sociale, illustrée par les manifestations violentes à Londres contre la hausse des frais de scolarité, l'incendie meurtrier d'une banque en mai en Grèce ou la grogne sur les retraites en France, la crise politique pourrait bien suivre. "L'Europe se laisse aller, traversée par des effluves populistes et nationalistes", s'inquiète l'ancien président français de la Commission européenne, Jacques Delors. Déjà, l'extrême droite gagne du terrain avec une percée historique en Suède en 2010 et un essor aux Pays-Bas ou en Hongrie.
Pour éviter un éclatement, la zone euro, projet phare de l'UE, a entrepris une métamorphose impensable il y a peu encore. De facto, l'Union monétaire a fait sauter le verrou allemand qui interdisait tout mécanisme de solidarité financière entre pays. Un système de secours provisoire doté de 750 milliards d'euros a été mis en place dans l'urgence en mai à l'issue d'une course contre la montre pour sauver l'euro. L'Europe a pris en décembre la décision de le pérenniser sous une forme qui reste à définir dans le détail et qui demandera un changement de traité européen, prévu l'an prochain.
Des sanctions renforcées
Ses ressources pourraient être illimitées. En contrepartie, sous la pression de Berlin, la discipline budgétaire commune va être durcie. Dès 2011, les pays européens devront faire viser à Bruxelles leurs projets de budgets nationaux avant adoption par leurs Parlements. Une mini-révolution. Les sanctions contre les pays trop laxistes seront elles renforcées.
Lentement, une forme d'Union budgétaire, longtemps taboue, commence à prendre forme au coeur du Vieux continent. "Il y a quelques mois, peu d'euro-enthousiastes se risquaient encore à parler des 'Etats-Unis d'Europe'. Aujourd'hui, l'Union européenne en est proche, pas par idéalisme mais par nécessité et sous la pression des événements", estime dans une étude Dominik Hierlemann, chercheur à la Fondation Bertelsmann.
afp/ats/jzim
Deuxième PIB mondial pour l'UE
Les pays de l'Union européenne représentent un important poids économique et commercial: le produit intérieur brut (PIB) de la zone euro atteignait 11'300 milliards de francs l'an dernier, selon l'office européen des statistiques Eurostat. C'est moins que celui des Etats-Unis, le pays qui pointe à la première place dans l'économie mondiale, mais plus que celui de la Chine ou du Japon.
La zone euro a été créée en 1999, par 11 des 15 pays que l'Union européenne comptait alors: l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal. La Grèce a été la première à les rejoindre en 2001, suivie de la Slovénie en 2007, de Chypre et Malte en 2008, et de la Slovaquie en 2009. Début 2011, ce sera le tour de l'Estonie.
Tous les pays de l'UE ont vocation à rejoindre la zone euro s'ils respectent divers critères économiques. Mais deux pays ont obtenu une dérogation (Royaume-Uni et Danemark), et la Suède un report pour son adhésion.
La politique monétaire de la zone euro est déterminée par la Banque centrale européenne (BCE), qui siège à Francfort en Allemagne. Sa représentation politique est assurée par l'Eurogroupe, qui réunit les ministres des finances des pays qui la composent.
Les pays de la zone euro sont strictement liés par le Pacte de stabilité et de croissance, qui limite le niveau de leur inflation, de leurs déficits publics et de leurs dettes.