Le ministre grec des Finances Georges Papaconstantinou a demandé une action "urgente" contre les agences de notation, dans un courrier adressé aux dirigeants économiques européens et rendu public jeudi, après une nouvelle dégradation de la note grecque par l'agence Moody's.
Le ministre grec souligne dans cette lettre, envoyée mercredi, la nécessité d'une "action" à l'encontre des agences de notation financières par les instances européennes, soulignant que cette question doit être "traitée d'urgence au niveau de l'Eurogroupe", dont un sommet est prévu vendredi à Bruxelles, ainsi que "du conseil des ministres européens des finances".
Proche défaut de paiement
La dernière dégradation de la Grèce, ravalée lundi dans la catégorie des pays à risque de défaut de paiement, "est davantage révélatrice de la distorsion des motivations des agences, et du fait qu'on ne leur demande pas de comptes, que de la situation réelle de la Grèce", écrit notamment le ministre dans ce courrier.
La lettre est adressée au dirigeant de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, au commissaire européen aux Finances Olli Rehn, au président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet et au Commissaire européen chargé des services financiers, Michel Barnier.
Une agence européenne?
L'idée d'une agence de notation européenne a été relancée par la crise de la dette grecque, pour contrebalancer la toute puissance des trois grandes agences actuelles, Standard and Poor's, Moody's et Fitch. Fitch, basé à Londres et New York, est la seule agence contrôlée par des capitaux européens, à savoir le holding français Fimalac créé par le milliardaire Marc Ladreit de Lacharrière.
Athènes avait déjà jugé lundi "complètement injustifiée" la décision de Moody's. L'agence avait pour sa part motivé sa sanction, en forme de coup de semonce avant le sommet de l'Eurogroupe vendredi, en invoquant un risque de restructuration de la dette grecque après 2013 en cas d'insuffisante solidarité des pays de la zone euro.
"Des prophéties autoréalisatrices"
"Des décisions commes celles de Moody's peuvent de fait rendre plus difficile la situation de la Grèce et d'autres pays (...) au risque d'évoluer en prophéties autoréalisatrices", relève le courrier de M. Papaconstantinou, en référence au risque que ces notations ne provoquent la banqueroute des pays visés.
Déjà, la Grèce, plombée par une dette de plus de 150% du PIB, a dû payer plus cher mardi que début février pour se refinancer sur 6 mois. Le ministre s'indigne aussi que le jugement de ces agences "ait une plus grande retombée sur les marchés que les évaluations de la Commission, du FMI et de la BCE".
Ces trois instances surveillent l'application de la cure d'austérité prescrite au pays en échange de son sauvetage financier en mai, via un prêt de 110 milliards d'euros. En vue des sommets de la zone euro et de l'UE, les 24 et 25 mars, le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a par ailleurs réitéré sa demande de facilités financières pour rembourser ce prêt dans un entretien au quotidien français Le Monde publié jeudi. Il y souhaite "la prolongation" du délai de remboursement, et "la réduction des taux d'intérêt", aux alentours de 5%, consentis par l'UE et FMI.
afp/mre
La note de l'Espagne encore dégradée
La demande grecque publication coincide par ailleurs avec une baisse d'un cran de la note souveraine de l'Espagne. Trois mois après sa mise en garde, l'agence Moody's a dégradé jeudi la note souveraine de l'Espagne, à "Aa2", annonçant sa décision avant même de laisser parler la Banque d'Espagne, qui doit communiquer dans la journée sur la santé du secteur bancaire.
L'agence de notation, qui avait fait sa mise en garde le 15 décembre, ouvrant une période d'examen de trois mois, avait jusqu'à mardi prochain pour se prononcer. Elle a choisi de le faire dès jeudi, semblant désavouer par avance l'annonce de la banque centrale, pourtant très attendue par le marché.
Cette annonce survient le jour même où la Banque d'Espagne doit chiffrer les besoins de financement des banques et caisses d'épargne espagnoles, plombées depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2008, pour répondre aux nouvelles exigences des autorités en termes de solvabilité.
Sur l'enveloppe globale dont a besoin le secteur, l'estimation du gouvernement de 20 milliards d'euros (après 12 milliards de fonds publics en 2010) est généralement jugée trop optimiste par le marché. Moody's "pense que le coût total devrait être plus proche des 40-50 milliards", selon son communiqué.
Deuxième motif d'inquiétude selon Moody's, "la capacité du gouvernement espagnol à parvenir à la nécessaire amélioration structurelle et durable des finances gouvernementales, compte tenu des limites du contrôle du gouvernement central sur les finances des gouvernements régionaux et du contexte de croissance économique seulement modérée à court et moyen terme".
Tandis que les autorités espagnoles tablent sur une croissance de 1,3% en 2011 (après -0,1% en 2010), l'agence n'espère qu'une hausse de 0,8%. "Le chemin de la consolidation budgétaire reste flou pour certains gouvernements régionaux", affirme Moody's.
Certes, l'économie espagnole, engagée dans un processus d'assainissement de ses comptes, a atteint fin 2010 des niveaux de déficit (9,24% du PIB) et de dette publique (60%) légèrement meilleurs que prévu. Mais le déficit des 17 régions autonomes a grimpé à 2,83% du PIB après 1,92% en 2009, dépassant largement l'objectif officiel de 2,4%. Plus de la moitié des régions (neuf) n'ont pas respecté cette limite.