Venue les présenter jeudi à la presse, la ministre des transports a rejeté l'accusation de thérapie de choc. L'alourdissement de la facture sera échelonné dans le temps et les besoins financiers sont énormes, a-t-elle fait valoir.
Selon Doris Leuthard, les deux projets sont nécessaires car le rail est victime de son succès et l'augmentation de la mobilité nécessite une extension du réseau. Chaque kilomètre de rail ou de route génère des coûts d'entretien. Sans financement additionnel, tous les voeux des cantons ne pourront être réalisés. Éviter l'abandon de projets exige un financement solide et à long terme.
Vignette plus chère
Première conséquence, le Conseil fédéral propose d'augmenter le prix de la vignette autoroutière de 40 à 100 francs. Pour ne pas prétériter les touristes étrangers de passage, une vignette pour deux mois serait toutefois introduite en même temps au prix de 40 francs.
Ce renchérissement, qui interviendra sans doute en 2015, devrait couvrir les 275 millions de francs par an que coûtera l'intégration dès 2014 de 400 km de routes cantonales au réseau national. Les cantons assumeront toujours 30 millions par an. La vignette restera autocollante mais le gouvernement sondera l'opinion sur l'introduction d'un modèle électronique lors de la consultation.
D'ici mi-juillet, les sondés devront également dire s'ils préfèrent une augmentation de la surtaxe sur les huiles minérales. En attendant, celle-ci n'est prévue que dans une deuxième étape sans échéance précise.
Déduction fiscale plafonnée
Usagers de la route et du rail devraient de toute façon payer plus d'impôts. Doris Leuthard propose de limiter les frais de transport déductibles pour l'impôt fédéral direct à 800 francs, soit le tarif d'un abonnement de transports publics au sein d'une agglomération.
La mesure est très controversée, a reconnu la conseillère fédérale. Mais personne n'a encore montré d'alternative permettant de dégager 250 millions de recettes. Les pendulaires seront plus touchés, mais la plupart des gens circulent dans un rayon de 18 kilomètres et n'y perdront pas. La ministre s'est toutefois dite ouverte à une adaptation du plafond.
Avec son projet, les compagnies de chemin de fer devraient également débourser davantage pour l'utilisation des rails (prix du sillon): 200 millions de plus dès 2013 auxquels s'ajouteront 100 millions en 2017. Résultat: le prix du billet de train pourrait augmenter de quelque 10% pour les usagers. Les cantons ne sont pas épargnés. Ils sont invités à verser 300 millions de plus par an selon des modalités qu'un groupe de travail est en train d'évaluer.
Nouveau fonds créé
L'argent dégagé par les mesures proposées par Doris Leuthard devrait aller à un nouveau fonds d'infrastructure ferroviaire (FIF) à durée illimitée. Cet instrument sera aussi alimenté par l'argent qui affluait jusqu'ici dans le Fonds pour les transports publics (FTP, 1,8 milliard) et par les sommes que Berne verse aux entreprises ferroviaires via les conventions de prestations (2 milliards). L'exploitation et l'entretien du réseau existant nécessitent à eux seuls des investissements pouvant aller jusqu'à 500 millions par an.
Le Parlement décidera tous les quatre ans des aménagements à financer par le nouveau fonds dans le cadre du Programme de développement stratégique de l'infrastructure ferroviaire (anciennement Rail 2030, rebaptisé STEP). Pour la première tranche à réaliser d'ici 2025, le Conseil fédéral propose 3,5 milliards.
Le peuple aura le dernier mot car la stratégie doit servir de contre-projet direct à l'initiative populaire "pour les transports publics" de l'Association transports et environnement. Le Parlement devrait recevoir le dossier en 2012 et la votation populaire aura probablement lieu en 2013 ou 2014.
ats/vkiss
Une "épine dorsale" à renforcer
Pas moins de 3,5 milliards de francs doivent être investis dans de nouveaux aménagements. Il s'agit de renforcer "l'épine dorsale" Genève-Lausanne-Berne-Zurich-St-Gall.
Les quais seront prolongés à Genève, Lausanne, Berne et Winterthour pour permettre à des trains à deux niveaux de 400 mètres d'y circuler. Des aménagements de moindre ampleur seront réalisés notamment en Suisse romande afin de permettre une cadence au quart d'heure ou semi horaire sur les lignes Vevey-Glonay et Zermatt-Fiesch.
Le trafic marchandises doit également être renforcé sur la ligne Gléresse-Douanne. Ces nouveaux aménagements viennent compléter les travaux en cours pour le développement de l'infrastructure ferroviaire "ZEB", dotés de 5,4 milliards de francs.
Dans le cadre de "ZEB", les travaux sur le noeud de Lausanne seront avancés car il revêt une importance centrale pour l'axe ouest-est. En outre, de nouvelles étapes d'aménagement doivent être soumises au Parlement tous les quatre à huit ans.
Réactions contrastées
Les CFF saluent le projet de fonds d'infrastructure ferroviaire du Conseil fédéral. Le nouveau système doit garantir à long terme la couverture financière de l'exploitation et de l'entretien, ainsi que le développement de l'infrastructure ferroviaire.
D'ici 2030, l'entreprise doit investir près de 20 milliards de francs dans du nouveau matériel roulant pour le trafic voyageurs. D'ici 2017, près de 100 nouveaux trains à deux niveaux seront introduits dans le trafic régional et grandes lignes, afin de densifier encore l'horaire et d'augmenter de 40% le nombre de places assises.
Le projet de fonds d'infrastructure ferroviaire du Conseil fédéral provoque en revanche les protestations des cantons. Ils ne veulent pas débourser 300 millions de francs par année pour une tâche dévolue à la Confédération.
Sur 20 ans, cela représente 6 milliards de francs, soit exactement le montant versé aux villes et aux cantons pour les projets d'agglomération, ont-il constaté. Conclusion: "la Confédération reprend ainsi d'une main ce qu'elle donne de l'autre", a dénoncé jeudi la Conférence des directeurs cantonaux des transports publics (CTP).
"C'est une attaque inacceptable contre les automobilistes", a de son côté dénoncé l'Union démocratique du centre (UDC) en réaction à la hausse de la vignette autoroutière.
Avec les transporteurs routiers de l'ASTAG, elle s'oppose à une hausse égale à deux fois et demi cette redevance et stigmatise "la majorité de centre-gauche (qui) continue joyeusement de plumer les automobilistes.