Au terme de huit heures et demie de réunion à Bruxelles, aux allures de sommet de crise, les ministres des Finances de la zone euro ont publié une déclaration censée rassurer les marchés sur leur riposte, après des semaines d'atermoiements et de divisions.
Ils ont d'abord "réaffirmé leur volonté absolue de préserver la stabilité financière dans la zone euro" et assuré vouloir "améliorer la capacité" de l'Union monétaire "à résister à un risque de contagion".
Face à la peur d'une contagion de la crise grecque, les bourses européennes ont dégringolé lundi (lire ci-contre). Les déclarations des ministres des Finances de la zone euro lundi soir n'ont pas rassuré les marchés. A 9h55, l'euro a atteint un nouveau plus bas historique de 1,1579 franc (suivre l'évolution du cours sur le site de la BNS). Il baissait également par rapport au dollar, à 1,3837 contre 1,40 dollar la veille.
Augmenter le Fonds d'aide
Concrètement, les ministres des Finances de la zone euro envisagent d'augmenter la capacité de prêts de leur Fonds de secours, mis sur pied l'an dernier après la crise grecque. Appelé "Facilité européenne de stabilité financière", il est aujourd'hui doté d'un capacité effective de prêts de 440 milliards d'euros.
Mais de nombreux économistes estiment que ce filet de sécurité, tel quel, ne pourrait permettre à la zone euro de faire face à des crises de la dette dans des pays aussi importants que l'Italie et l'Espagne. Les ministres envisagent aussi à l'avenir un "allongement des maturités des prêts" consentis par l'Europe aux pays en difficulté, autrement dit leur donner plus de temps pour rembourser, ainsi qu'une baisse des taux d'intérêt pratiqués.
La Grèce toujours menacée
Cela vaudra en particulier pour le deuxième plan d'aide promis à la Grèce, en plus du premier de 110 milliards d'euros de prêts décidé l'an dernier et qui ne suffit déjà plus pour éviter la banqueroute au pays. De quoi soulager Athènes toujours au bord de l'asphyxie.
Des mesures sont aussi à l'étude pour "améliorer la soutenabilité de la dette publique grecque", indique le communiqué, ce qui pourrait renvoyer à un soutien à la Grèce pour lui permettre de racheter une partie de sa propre dette, afin d'en réduire le poids total.
La décision a été prise alors qu'à Athènes, le premier ministre Georges Papandréou commence à perdre patience. "Il n'y a pas de place pour l'indécision et les erreurs", a-t-il averti dans un courrier au chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, où il déplore que les dirigeants européens se laissent aller à la "cacophonie".
Contribution des banques
Jean-Claude Juncker a réaffirmé la volonté des pays de la zone euro de faire contribuer les créanciers privés du pays - banques, compagnies d'assurance et fonds de pension - au plan d'aide à la Grèce en dépit des conflits que cela suscite entre Européens. Certains pays l'exigent, comme condition à tous nouveaux prêts pour la Grèce, d'autres redoutent que cela ne renforce l'inquiétude des marchés financiers et n'aggrave la crise.
Autre mesure significative envisagée par la zone euro lundi soir: de nouveaux outils pour le Fonds de secours, comme l'éventualité qu'il puisse acquérir des titres obligataires d'un pays en difficulté sur le marché dit "secondaire", celui où les investisseurs s'échangent les titres de dette souveraine une fois qu'ils ont été acquis lors de leur émission. Les mesures restent toutefois encore floues à ce stade et il n'est pas certain qu'elles suffisent à rassurer des marchés survoltés.
Italie et Espagne fragilisées
L'Italie se retrouve à son tour dans le collimateur en raison de son importante dette de près de 1900 milliards d'euros. L'Italie pèse économiquement à elle seule plus de deux fois plus que les trois pays réunis qui ont été sauvés à ce jour de la banqueroute: Grèce, Irlande et Portugal. Si elle cédait, c'est toute la zone euro qui serait menacée.
Le gouvernement italien a adopté le 30 juin un plan de rigueur de 40 milliards d'euros afin de rassurer les marchés alors que le pays croule sous une dette atteignant 120% de son PIB, a une croissance faible (0,1% au premier trimestre) et est sous la menace d'une dégradation de sa notation par Moody's et Standard and Poor's.
Dans le même temps, les taux espagnols et italiens sur le marché de la dette ont atteint leurs plus hauts niveaux historiques depuis la création de la zone euro. Cela signifie que le coût d'emprunt de Rome et de Madrid pour financer leurs déficits s'alourdit. Et l'écart des taux français avec l'Allemagne, référence absolue, s'est élargi à un niveau jamais vu dans l'Union monétaire.
agences/sbo
Les bourses continuent de chuter
La Bourse suisse a continué sur la lancée de son plongeon de la veille, sur fond de craintes liées à l'Italie et à la zone euro. Peu après l'ouverture de la séance, l'indice SMI de ses 20 valeurs vedettes lâchait près de 1,6%.
L'indice vedette de la Bourse de Milan, le FTSE Mib, creusait ses pertes mardi en début de séance et lâchait 4,10% à 17'544 points, après sa chute de 3,96% lundi. Les banques s'effondraient, UniCredit cédant 7,11% à 1,072 euro et Intesa Sanpaolo 6,62% à 1,425 euro.
A la Bourse de Madrid, l'Ibex-35 perdait 2,71% à 9408,9 points, les valeurs bancaires enregistrant comme lundi les plus lourds replis. La première banque, Santander, reculait de 4,16% à 7,02 euros et le numéro deux BBVA -3,28% à 6,978 euros.
La Bourse de Paris perdait 2,31% dans la matinée de mardi. Les titres des principales banques françaises creusaient encore leurs pertes. Crédit Agricole perdait 5,72% à 8,25 euros, BNP Paribas cédait 5,20% à 44,04 euros et Société Générale 4,28% à 34,72 euros.
L'indice vedette Dax de la Bourse de Francfort a ouvert mardi en forte baisse, de 1,63% à 7112,19 points, contre 7230,25 points la veille à la clôture.
La Bourse de Londres a ouvert en baisse mardi, l'indice Footsie-100 des principales valeurs perdant 60,01 points lors des premiers échanges, soit 1,01% par rapport à la clôture de lundi, à 5869,15 points.
L'UE veut sévir contre les agences de notation
Le commissaire européen chargé des marchés financiers, Michel Barnier, a proposé lundi de sévir à l'encontre des agences de notation, en leur interdisant d'évaluer un pays faisant l'objet d'un plan d'aide internationale et en autorisant des poursuites à leur encontre.
L'Europe a été ulcérée la semaine dernière par la décision de l'agence Moody's de dégrader de façon spectaculaire la note du Portugal, pays objet depuis peu d'un plan de prêts internationaux de l'UE et du Fonds monétaire international (FMI).
"Il faut étudier la possibilité de briser l'oligolopole des agences de notation", a insisté lundi à Bruxelles le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.
Michel Barnier a émis sur ce point l'idée de "mettre en réseau plusieurs agences de taille petite ou moyenne" pour faire contrepoids aux agences ayant pignon sur rue aujourd'hui.