L'option d'une telle réunion ce vendredi pour frapper fort et apaiser les marchés financiers, alors que l'Union monétaire vacille sur ses fondements douze ans après sa création, avait filtré mardi. Mais il est apparu mercredi qu'elle ne faisait pas encore l'unanimité parmi les capitales, l'Europe replongeant dans la cacophonie et l'indécision sur le sujet.
Berlin peu enthousiaste
Le gouvernement allemand a assuré ne rien savoir d'une telle initiative. Il n'y a pas "de projet concret de sommet" extraordinaire, a assuré une porte-parole à Berlin, laissant transparaître le peu d'enthousiasme de l'Allemagne.
Au même moment, la Commission européenne a pourtant confirmé des discussions sur le sujet. "Cela fait partie des choses dont le président (José Manuel Barroso) discute avec Herman Van Rompuy", le président de l'UE, à qui revient la décision finale, a déclaré sa porte-parole.
Et à Paris, la France s'est dite aussi favorable sur le principe à "l'organisation de réunions de l'Eurogroupe en cas de besoin". Pris au centre des turbulences du couple franco-allemand, Herman Van Rompuy se retrouve dans l'embarras. Il a fait savoir que si le sommet n'est "pas exclu", la réunion "n'est pas encore décidée" et qu'une décision sera prise "en temps voulu".
"Véritable désastre"
"Le spectacle que donnent les Européens face à la crise grecque est un véritable désastre", a déploré Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, dans une lettre ouverte. Pour lui "l'Europe danse au bord du gouffre" à cause de ses tergiversations.
Selon une source diplomatique, "l'incertitude est liée au fait que les dirigeants européens veulent être sûrs d'en sortir avec quelque chose de consistant". Or, l'Allemagne juge à ce stade qu'il trop tôt pour parvenir à un accord global.
Les pays européens peinent toujours à surmonter leurs clivages sur le problème à l'origine de la récente poussée de fièvre dans la zone euro: la finalisation d'un deuxième programme de prêts promis à Athènes pour mettre le pays à l'abri jusqu'à mi-2014, au moins.
Contribution des banques
Le Fonds monétaire international (FMI) a chiffré mercredi la contribution des pays européens à 71 milliards d'euros et celle des créanciers privés à 33 milliards d'euros. L'Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande notamment exigent qu'on fasse contribuer cette fois ces banques créancières de la Grèce, condition nécessaire à leurs yeux pour que leurs opinions publiques nationales acceptent de nouveaux prêts.
La Banque centrale européenne (BCE), la France ainsi que tous les pays en difficulté de la zone euro redoutent que cela n'alimente la contagion. Les partisans de la manière forte sur la contribution des banques, quitte à ce que cela déclenche un défaut de paiement partiel de la Grèce, sont de plus en plus nombreux.
Mais le sujet ne fait pas encore l'unanimité, car un tel défaut fragiliserait le système bancaire européen et la BCE, qui détiennent des dizaines de milliards d'euros de dette publique grecque.
Le temps presse
Seule avancée notable: un consensus se dessine sur l'idée de donner à la Grèce les moyens de racheter sa propre dette pour soulager ses finances publiques.
L'Allemagne a accepté de briser ce qui était longtemps un tabou pour elle. Le temps presse. L'agence de notation Moody's a enfoncé le clou mardi soir en abaissant d'un cran la note de la dette de l'Irlande. Une décision qualifiée d'"incompréhensible" par Bruxelles.
Et l'Italie, menacée d'être emportée à son tour, a l'intention de renforcer son plan d'austérité par des privatisations, pour rassurer les marchés.
Très alarmiste encore, la nouvelle ministre finlandaise des Finances Jutta Urpilainen a appelé à la mobilisation générale car à ses yeux "il y a un réel danger que cette crise se propage comme une déferlante".
agences/cmen
Fitch dégrade brutalement la Grèce
L'agence de notation financière Fitch a annoncé mercredi avoir dégradé de trois crans la note souveraine de la Grèce, à CCC, contre B+ auparavant, en l'absence d'un nouveau plan d'aide "crédible et financé" de l'UE et du FMI à ce pays en proie à de graves difficultés.
L'agence relègue ainsi la Grèce à trois crans de la note DDD, réservée aux émetteurs de dette en défaut de paiement, c'est-à-dire qui ne sont pas en mesure de rembourser leur dette. A l'appui de sa décision mercredi, l'agence souligne "l'absence d'un nouveau plan d'aide, intégralement financé et crédible" de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI).
A cela s'ajoutent de "fortes incertitudes entourant le rôle des créanciers privés" dans le plan et les perspectives macroéconomiques du pays. Fitch fait valoir que la Grèce a besoin d'argent pour éviter de se retrouver en faillite en 2012 et que cette urgence aurait justifié que l'UE et le FMI, ainsi que les créanciers privés, se mettent d'accord sur un nouveau plan au début du mois de juillet.
Fitch avait déjà abaissé la note de dette de la Grèce de trois crans le 20 avril, une sanction qu'Athènes avait rejetée comme ne prenant pas en compte ses engagements à intensifier les efforts de redressement économique du pays.
"L'Europe a lourdement échoué"
L'ancien président de la Commission européenne (de 1999 à 2004) et ancien Premier ministre italien (de 1996 à 1998), Romano Prodi, accuse l'Europe d'avoir "lourdement échoué" à surmonter la crise de la dette, dans un entretien au journal allemand Die Welt à paraître jeudi.
"La seule stratégie logique de l'Europe ces derniers 15-16 mois, a été de repousser les décisions. Les petits problèmes sont devenus de grands problèmes", constate l'ancien patron de l'exécutif européen.
Il appelle l'Allemagne à endosser un rôle clé dans la résolution de la crise de la dette. "Nous avons besoin de l'Allemagne. Une Allemagne qui prenne ses responsabilités et assume un rôle de direction."