"Les plus grands groupes délocalisent", a ainsi estimé lundi à Zurich Rolf Schönauer, expert financier du cabinet de conseil Deloitte, lors de la présentation de l'étude trimestrielle "The Deloitte CFO Survey". Quand les revenus en dollars et en euros baissent alors que les charges sont toujours exprimées en francs, les firmes actives à l'international veulent repositionner leurs collaborateurs ailleurs.
"Une unité de recherche et développement en Inde livrera les mêmes résultats qu'une autre localisée en Suisse, à un coût nettement inférieur", a indiqué à l'ats Rolf Schönauer. Le manque de main-d'oeuvre qualifiée en Suisse rend le problème encore plus aigu.
Les acquisitions à l'étranger constituent aussi un autre thème d'actualité pour les entreprises helvétiques qui en ont les moyens financiers. Et Rolf Schönauer de citer l'exemple du fournisseur bâlois de composants pour les sciences de la vie Lonza, lequel a acquis la société américaine Arch Chemicals pour 1,25 milliard de francs et pourra ainsi réduire l'impact de l'appréciation du franc sur ses comptes.
Inquiétudes
Reste qu'au regard de la précédente enquête de Deloitte, menée durant le premier trimestre, l'inquiétude gagne les responsables d'entreprises. Sur les 73 chefs des finances de grandes sociétés interrogés, 27% se montrent actuellement plus pessimistes quant aux perspectives pour leur entreprise. Ils étaient seulement 8% il y a trois mois.
Outre l'appréciation du franc, l'éventualité d'un fléchissement de la demande à l'étranger vient alimenter les craintes. L'étude trimestrielle du cabinet de conseils indique que la crise de l'endettement dans plusieurs pays européens, notamment, représente un problème pour 88% des chefs des finances interrogés. Ils sont même 45% à juger qu'elle constitue un grand risque.
Responsable de la recherche chez Deloitte, Michael Grampp, observe pour sa part que les responsables financiers se montrent aussi plus pessimistes quant à l'évolution de la conjoncture par rapport au trimestre précédent. A l'issue des trois premiers mois de l'année, 81% d'entre eux se montraient optimistes à ce sujet, contre seulement 58% à fin juin.
"Jusqu'à présent, les chefs des finances suisses se distinguaient de leurs collègues par leur optimisme", a ajouté Michael Grampp. Mais il est vrai que très peu pensaient que l'euro puisse plonger à un cours de 1,15 franc. "Cela commence à faire mal", a-t-il poursuivi.
Rééchelonner la dette
Il n'en demeure pas moins que la vive demande pour les produits spéciaux des fabricants suisses a permis aux grandes entreprises d'au moins compenser les conséquences de l'appréciation du franc. Les clients sont toujours prêts à payer plus pour des produits de très bonne facture.
Quant aux remèdes à cette crise, les chefs des finances partagent à 60% le point de vue qu'il faut rééchelonner la dette des pays de la zone euro en proie à un surendettement, comme la Grèce. Même si les créanciers devront renoncer à une partie de leurs prétentions.
Un peu plus de la moitié (54%) des responsables financiers préconisent également des hausses des rentrées fiscales et des économies budgétaires pour les pays concernés. Un cinquième (19%) jugent préférable une faillite de ces Etats. Ils ne sont que très peu à envisager des aides supplémentaires comme solution à la crise.
ats/cmen/olhor
Les détaillants réclament sans succès des efforts aux fournisseurs
La force du franc pousse les Suisses à faire des achats hors des frontières et les détaillants indigènes à mettre la pression sur leurs fournisseurs étrangers pour qu'ils revoient leurs prix. Coop et Migros, notamment, ont entrepris des démarches, mais sans grand écho, excepté des refus.
Migros comme Coop ont envoyé des circulaires à leurs fournisseurs, les enjoignant de répercuter les gains de change extraordinaires réalisés depuis le début de l'année sur leurs produits afin de pouvoir en faire bénéficier leurs clients. Un processus qui ferait sensiblement baisser les prix, a relevé le porte-parole de Migros, Urs Peter Naef, confirmant lundi à l'ats une information du "SonntagsBlick".
"Nous avons écrit à tous les fournisseurs concernés et leur avons demandé de reporter leurs gains de change sur leurs produits", a pour sa part dit la porte-parole de Coop, Denise Stadler. Jusqu'ici, ces revendications se heurtent à des murs. "Les négociations seront difficiles", reconnaît Denise Stadler. "Tous les fournisseurs ont une raison quelconque pour ne pas entrer en matière sur notre requête", déplore son confrère de Migros.
Selon Denise Stadler, l'attitude des fournisseurs s'explique par leur position de force. "Pour eux, les ventes en Suisse ne représentent qu'une faible part en termes de chiffre d'affaires", rappelle-t-elle.