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Réactions prudentes après l'intervention de la BNS

La BNS est entrée en jeu mercredi pour tenter de soulager le franc suisse. [Ennio Leanza]
La BNS est entrée en jeu mercredi pour tenter de soulager le franc suisse. - [Ennio Leanza]
Restée longtemps en position d'attente malgré la revalorisation inquiétante du franc, la Banque nationale suisse a décidé mercredi d'intervenir pour stopper l'envolée de la monnaie nationale. L'initiative est saluée, mais certains partis et économistes doutent de sa véritable portée.

Fin juillet dernier, le Conseil fédéral et la Banque nationale suisse (BNS), qui suivent étroitement l'évolution de la situation, avaient encore décidé qu'aucune mesure d'urgence ne s'imposait. Mais les choses se sont encore compliquées depuis.

D'une part, les perspectives de l'économie mondiale se sont assombries, et d'autre part le franc suisse s'est encore considérablement renforcé ces dernières semaines par rapport notamment à l'euro et au dollar. Les perspectives pour l'économie suisse s'en trouvent "sensiblement détériorées".

Le franc suisse est "extrêmement surévalué"

Selon la BNS, le franc est "extrêmement surévalué" et constitue une menace pour l'économie helvétique, qui gagne un franc sur deux à l'étranger. Il existe également un risque de dégradation de la stabilité des prix en Suisse.

La BNS a donc rétréci, avec effet immédiat, la marge de fluctuation du Libor à trois mois dans une fourchette aussi proche que possible de zéro. Sa marge passe ainsi de 0%-0,75% à 0%-0,25%, précise-t-elle mercredi dans son communiqué. Il devrait en résulter une baisse des taux hypothécaires.

La BNS a maintenu son taux directeur au plus bas. [Peter Klaunzer - Keystone]
La BNS a maintenu son taux directeur au plus bas. [Peter Klaunzer - Keystone]

La Banque cantonale de Lucerne a donné le coup d'envoi en réduisant le matin déjà les hypothèques à taux fixes. Celles à deux ans passent par exemple de 1,58% à 1,57%, celles à dix ans de 2,93% à 2,91%. La Banque cantonale de St-Gall a fait de même et d'autres banques devraient suivre le mouvement. La Banque centrale va également augmenter substantiellement ces prochains jours les liquidités sur le marché monétaire en francs.

Toujours sous pression

Les avoirs que les banques détiennent en comptes de virement à la BNS passeront ainsi d'environ 30 à 80 milliards de francs. Par ailleurs, la BNS renonce à reconduire ses opérations de résorption de liquidités.

Elle rachètera l'encours de ses Bons jusqu'à ce que les avoirs détenus par les banques en comptes de virement aient atteint le niveau visé.

L'institut d'émission suit très attentivement l'évolution du marché des changes et se promet de prendre d'autres mesures contre la fermeté du franc si la situation l'exige.

Suite aux mesures annoncées, le franc a légèrement reculé face aux autres monnaies (jusqu'à 1,11 pour un euro), avant de regrimper à nouveau. Vers 15h30, l'euro était déjà passé sous les 1,09. L'annonce de la BNS a également profité un instant à la Bourse suisse, mais le SMI  a finalement clôturé dans le rouge (lire ci-contre).


REACTIONS CONTRASTEES

Economistes, milieux économiques, syndicats et partis saluent l'intervention de la BNS pour lutter contre le franc fort. Tous demeurent prudents néanmoins quant aux effets escomptés. La plupart réclament des mesures supplémentaires, notamment de la part du Conseil fédéral.

L'Union syndicale suisse (USS), qui se réjouit de voir que la BNS "renonce enfin à sa politique du laisser-faire" au vu des milliers d'emplois en jeu, souhaite des mesures plus poussées. Economiesuisse exige des dispositions en faveur des entreprises. L'Union suisse des arts et métiers (USAM) appelle, de son côté, le Conseil fédéral "à entamer une déréglementation offensive ainsi qu'une réduction des dispositions législatives".

Les Etats, à l'image d'Alain Berset, ont dit oui à la loi sur les banques "too big to fail". [Lukas Lehmann - Keystone]
Les Etats, à l'image d'Alain Berset, ont dit oui à la loi sur les banques "too big to fail". [Lukas Lehmann - Keystone]

Le Parti socialiste juge les mesures insuffisantes et exhorte le ministre de l'économie Johann Schneider-Ammann à "se réveiller enfin". Le PS suggère par exemple de définir un cours fixe du franc par le biais de la BNS, d'examiner la possibilité d'arrimer le franc suisse à l'euro et d'introduire des intérêts négatifs. La gauche craint que la crise monétaire ne débouche sur des licenciements et des délocalisations.

Les Verts sollicitent aussi des intérêts négatifs, mais également une taxe sur les transactions financières (taxe Tobin) afin de mettre fin à la spéculation, ainsi que la tenue d'un "sommet de crise" des autorités fédérales et de la BNS.

Aux yeux du PDC et du PLR, d'autres possibilités d'intervention doivent être gardées ouvertes.

Quant à l'UDC, elle exige du Conseil fédéral un "programme de revitalisation" constitué de réductions d'impôts et autres taxes, un arrêt du renchérissement des prix des transports et de l'énergie ou encore la mise en place de solutions flexibles sur le marché de l'emploi pour les entreprises.

Malgré les appels incessants de toutes parts, le Conseil fédéral n'a pris jusqu'ici aucune mesure urgente. Le gouvernement, qui salue les mesures de la BNS, affirme toutefois prendre au sérieux les charges croissantes qui pèsent sur l'industrie d'exportation, le commerce de détail et le tourisme.

agences/hof

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Bourse et franc toujours à la peine

L'impact des mesures annoncées mercredi par la Banque nationale suisse (BNS) pour contrer la valorisation continue du franc s'est atténué au fil de l'après-midi. La Bourse suisse est repassée dans le rouge vers 15h30 et l'euro sous 1,10 franc, après les modestes rebonds de la matinée.

Dans des marchés toujours volatiles, l'indice des valeurs vedettes de la Bourse suisse, le Swiss Market Index (SMI), a clôturé à 5483,15 points (-1,15%) , un plus bas niveau depuis plus de deux ans, après avoir pris plus de 1% à la mi-journée, non sans avoir ouvert dans le rouge.

Le franc peinait pour sa part à confirmer le léger affaiblissement constaté en matinée, après les nouveaux records inscrits face à l'euro et au franc. La monnaie unique européenne est ainsi repassé sous 1,10 francs vers 16h00, pour valoir 1,0936 franc vers 16h15, après être remonté à 1,1149 franc plus tôt. Peu avant 9h00, l'euro avait atteint un plus bas historique à 1,0795 franc.

Constat identique pour le dollar, qui a reculé à 76,29 centimes au même moment, avant de "grimper" à 77,88 centimes, puis de retomber vers 16h15 à 76,51 centimes.