Le sommet de dimanche, à Bruxelles, a apparemment permis de rapprocher un peu le couple franco-allemand, qui affichait jusqu'ici de fortes divergences sur la manière de renforcer la force de frappe du Fonds de soutien de la zone euro (FESF), un instrument financier indispensable pour enrayer la contagion de la crise de la dette.
Un "assez large accord" se dessine sur ce point, a assuré le président français Nicolas Sarkozy, alors que ce sujet empoisonnait les relations entre Paris et Berlin depuis plusieurs jours. "Les discussions progressent bien, il n'y a pas de blocage", a-t-il dit. Prudent, le président français a toutefois averti qu'il faudrait "encore de longues heures de discussions" pour parvenir à une solution définitive mercredi, au cours d'un nouveau sommet européen qui se veut cette fois décisif.
Sans la Banque centrale européenne
A l'issue d'un bras de fer, Paris a été contraint d'abandonner son idée d'impliquer la Banque centrale européenne (BCE) dans le renforcement du pare-feu de la zone euro. La chancelière allemande Angela Merkel s'y opposait catégoriquement, au motif que cela aurait violé l'interdiction juridique faite à la Banque centrale européenne (BCE) d'aider budgétairement les gouvernements.
Désormais, deux scénarios, mais assortis de multiples variantes, sont encore à l'étude pour donner au FESF une puissance de feu d'au moins 1000 milliards d'euros, selon les chiffres qui circulent. L'un propose qu'il agisse comme un système d'assurance partielle de la dette publique de pays en difficulté, l'autre envisage la création d'une sorte de fonds spécial destiné à accueillir des contributions d'investisseurs tiers, et qui pourrait être adossé au Fonds monétaire international.
La Grèce, première visée
En plus du FESF, la réponse à la crise consiste à stabiliser la Grèce surendettée, imposer aux banques créancières du pays des pertes importantes, les recapitaliser pour qu'elles encaissent le choc et donc armer davantage le FESF. Sur ce point, la zone euro est "relativement proche" d'un accord avec les créanciers privés de la Grèce sur les pertes qu'ils devront subir, selon le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn.
Selon une source diplomatique européenne, le lobby bancaire qui négocie avec les Etats a porté son offre de "décote" volontaire, ou de dépréciation de la valeur des créances grecques, à 40%.
La Grèce est actuellement asphyxiée par une dette colossale de quelque 350 milliards d'euros. Des négociations sont en cours avec le secteur financier. Concernant la recapitalisation des banques, le montant envisagé est d'environ 108 milliards d'euros, selon une source européenne. Les Européens doivent encore définir les modalités de ce plan.
L'Italie sous pression
Inquiets d'un risque de contagion de la crise, les dirigeants européens se sont par ailleurs montrés sévères dimanche envers l'Italie qui croule sous une dette de 1900 milliards d'euros. Rome est accusé de ne pas tenir ses engagements de rigueur budgétaire et de ne pas assez réformer son économie.
"Nous avons dit clairement à Silvio Berlusconi que l'Italie doit tout faire pour être à la hauteur de ses responsabilités", a déclaré la chancelière allemande. "Il n'est pas question de faire appel à la solidarité des partenaires si on ne fait pas les efforts nécessaires", a averti pour sa part Nicolas Sarkozy.
Des solutions de financement à l'étude
Ces avertissements sévères semblent avoir été entendus par le chef du gouvernement italien: ce dernier a annoncé son intention de convoquer un conseil des ministres extraordinaire lundi pour réformer le système des retraites. Rome suscite l'irritation de ses partenaires qui redoutent une crise de grande ampleur dans la zone euro si ses comptes publics ne sont pas fermement tenus.
Les pays de la zone euro étudieraient par ailleurs l'utilisation d'un nouvel outil FESF afin de soutenir l'Italie pour qu'elle puisse se financer à des conditions raisonnables, a indiqué lundi une source diplomatique, confirmant une information du quotidien français Le Monde.
Dernier chantier: la réforme de la gouvernance de la zone euro. Les dirigeants européens ont nommé Herman Van Rompuy à la tête des réunions des sommets de la zone euro, en plus de sa casquette de patron de l'UE.
agences/eai/pima
Les marchés réagissent positivement
Les bourses européennes ont salué lundi matin les négociations des dirigeants européens de ce week-end à Bruxelles. A l'ouverture, la Bourse de Paris affichait un gain de 0,61%, Londres de 0,42%, Francfort de 0,73%. Les autres places financières mondiales étaient aussi orientées à la hausse: Tokyo a fini sur une progression de 1,90% tandis que Hong Hong et Shanghai évoluaient en territoire positif.
Le ministre français de l'Economie, François Baroin, s'est dit "convaincu" lundi matin que les dirigeants européens parviendraient, lors du sommet de mercredi, à un accord global pour régler la crise de la dette à laquelle est confrontée la zone euro.
"Il y a eu beaucoup de progrès sur certains chantiers importants comme la recapitalisation des banques et les moyens pour augmenter la puissance de feu du Fonds européen de stabilité financière (FESF)", a estimé pour sa part un analyste parisien sous couvert d'anonymat. "Cela va porter le marché jusqu'à mercredi", date où des mesures précises devraient être annoncées", a-t-il ajouté.
Mécontentement des Etats de l'UE qui n'ont pas adopté l'euro
La grogne est montée dimanche parmi les dix Etats de l'UE non membres de la zone euro, Grande-Bretagne en tête. Ils se plaignent de la propension des Etats de la zone euro à vouloir se réunir entre eux, à renforcer le pilotage en commun de leurs économies et décider sans les pays qui ne partagent pas la monnaie.
Ainsi, le sommet européen de dimanche sur la crise de la dette devait être suivi par un autre, mercredi, uniquement avec les dirigeants de la zone euro. Le Premier ministre britannique David Cameron, qui a été contraint de reporter les visites officielles en Nouvelle-Zélande et au Japon pour participer au sommet de mercredi à obtenu qu'un autre sommet réunissant tous les pays de l'UE soit aussi convoqué mercredi à Bruxelles, une heure avant celui de la zone euro.
Selon le "Daily Telegraph" et "The Guardian", citant des sources diplomatiques, le président français Nicolas Sarkozy s'en serait pris à David Cameron. "Nous en avons assez de vous entendre nous critiquer et nous dire ce que nous avons à faire", aurait dit le président français au Premier ministre britannique.