Au sein de ces établissements, dont les noms n'ont pas été divulgués, des "manquements graves" aux règles de surveillance ont été constatés pour des comptes liés à ces anciens dirigeants politiques, a indiqué l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). Et dans deux de ces banques, des clients identifiés comme présentant des risques semblent ne pas avoir été traités en tant que tels de manière intentionnelle, a-t-elle précisé dans un communiqué.
Procédure administrative en cours
La FINMA a annoncé avoir engagé une procédure administrative contraignante à l'encontre des quatre établissements bancaires. Dans ce cadre, des sanctions pourraient tomber. Celles-ci vont du blâme au retrait de l'autorisation d'exploitation, en passant par des mesures spécifiques afin de rétablir l'ordre légal.
Au printemps dernier, en raison des révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye, le Conseil fédéral avait ordonné le blocage de 830 millions de francs de fonds liés aux potentats déchus, ou en voie d'être destitués, de ces pays. De ce fait, la FINMA a examiné le comportement de vingt banques suisses en relation avec ces personnalités politiques problématiques.
Dans ses conclusions, la FINMA indique en outre que dans quelques établissements bancaires "de petits manquements", tel qu'un manque de documentation dans la relation d'affaires, ont été mis en évidence. L'Autorité de surveillance va désormais accompagner les mesures initiées par ces banques, tout en approfondissant sa surveillance globale en matière de blanchiment d'argent.
En général, la loi est bien respectée
La FINMA souligne cependant que "la majorité des banques examinées connaissent leurs obligations" dans la lutte contre le blanchiment "et y répondent de façon correcte et efficace". Ces établissements ont pu identifier les personnalités politiques posant problème et ont pris les mesures prévues par la réglementation bancaire dans ces cas de figure.
Ainsi, l'Autorité de surveillance estime qu'une intervention au niveau des dispositions légales en Suisse pour lutter contre le blanchiment d'argent n'est "pas nécessaire", puisque ces règles sont selon elle conformes aux recommandations internationales et "vont même au-delà". Sur ce point, la FINMA rappelle que selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2009, seuls 16% de 124 pays évalués respectent les standards internationaux et que la Suisse fait partie de ce faible pourcentage.
ats/hof
L'enquête jugée lacunaire par des ONG
Une coalition de sept ONG suisses a jugé jeudi que l'enquête de la FINMA sur les avoirs de potentats d'Afrique du Nord dans les banques suisses comportait des "lacunes importantes". Elle demande que le dispositif de lutte contre le blanchiment d'argent soit renforcé.
La FINMA "s'est limitée à examiner le comportement des banques qui ont elles-mêmes gelé et signalé les fonds suspects après l'ordonnance de blocage du Conseil fédéral", dénoncent les ONG. Or, "il aurait été tout aussi fondamental de contrôler les autres établissements bancaires et d'y rechercher l'argent sale. Ce n'est que de cette manière que des violations du devoir de surveillance auraient pu être découvertes", ont-elles souligné.
Le rapport de la FINMA n'a, de plus, pris en considération "que les avoirs de personnes qui figurent sur les listes publiées par le Conseil fédéral", déplorent les ONG. Ainsi, l'Autorité de surveillance "n'a pas cherché à savoir si d'autres fonds placés par des hommes de paille ou par des sociétés offshore auprès des banques suisses avaient été passées sous silence".
En outre, les ONG critiquent le fait que l'enquête n'indique pas quelles sont les relations d'affaire qui ont été examinées et lesquelles sont problématiques. Des informations selon elles "nécessaires pour savoir si les banques ont effectivement sérieusement essayé de refuser l'argent de la corruption".
La coalition, qui regroupe Action place financière suisse, Alliance sud, Pain pour le prochain, la Déclaration de Berne, Action de Carême, Plate-forme Haïti de Suisse et Transparency International, demande par ailleurs que les dispositions légales contre le blanchiment d'argent soient renforcées.
"Si les dispositions de la loi sur le blanchiment d'argent relatives aux avoirs illicites de personnes politiquement exposées étaient réellement destinées à empêcher l'afflux en Suisse d'argent provenant de la corruption et volé aux populations d'origine, alors les banques concernées auraient dû annoncer et bloquer l'argent des potentats bien avant", a-t-elle soutenu.