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La France refuse un accord fiscal avec la Suisse

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Contrairement à l'Allemagne et la Grande-Bretagne, la France rejette un accord sur la double imposition. - [MARTIN RUETSCHI]
La France a définitivement fermé la porte jeudi à la négociation d'un accord fiscal avec la Suisse censé faire entrer de l'argent dans les caisses, mais dénoncé par des spécialistes comme une entorse à la lutte contre les paradis fiscaux et le secret bancaire.

"Je le dis clairement, nous ne souhaitons pas nous engager dans le dispositif proposé par l'association des banques suisses, parce que cela nous conduirait à accepter de transiger avec nos principes", a déclaré la ministre du Budget Valérie Pécresse jeudi lors d'une conférence de presse.

Pour Valérie Pécresse, les principes français "n'interdisent pas" d'étudier le modèle suisse. [Bertrand Guay]
Pour Valérie Pécresse, les principes français "n'interdisent pas" d'étudier le modèle suisse. [Bertrand Guay]

"Avec ce dispositif, les contribuables ne seraient même plus tenus de déclarer les comptes qu'ils détiennent en Suisse" et la fiscalité française sur le patrimoine, "qu'il s'agisse de l'impôt de solidarité sur la fortune ou des droits de succession, ne pourrait plus s'appliquer", a-t-elle fait valoir.

Réaction de Calmy-Rey à Paris

Le gouvernement français, qui n'avait pas exclu dans un premier temps de conclure un accord de ce type avec la Suisse, comme l'ont fait l'Allemagne et le Royaume-Uni, s'est ravisé. Ces traités, dits "Rubik", prévoient que les personnes domiciliées dans ces deux pays peuvent régulariser leurs relations bancaires en Suisse, tout en préservant leur anonymat. En contrepartie, l'administration suisse leur prélèvera un impôt et le reversera au fisc du pays d'origine.

Micheline Calmy-Rey et Eveline Widmer-Schlumpf parlent d'une seule voix sur les bonus.
Micheline Calmy-Rey et Eveline Widmer-Schlumpf parlent d'une seule voix sur les bonus.

Un tel choix "appartient à la France", a réagi à Paris la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey, selon l'AFP. La cheffe de la diplomatie a abordé la décision de la France avec le Premier ministre français François Fillon, a-t-elle indiqué à la presse à la sortie d'un entretien d'une heure à Matignon.

"J'ai expliqué un peu la manière dont ça fonctionne. J'ai dit que la Suisse avait une politique de l'argent taxée et qu'il n'était pas question de servir de place de contournement pour des contribuables qui voulaient échapper au fisc de leur pays d'origine", a-t-elle déclaré à la TSR.

Dans cette optique, "nous mettons en place maintenant des conventions de double imposition aux normes de l'OCDE avec toute une série de pays", a répété la présidente de la Confédération, selon l'AFP. "Nous avons eu un échange très constructif", a ajouté Micheline Calmy-Rey à la TSR.

Au contraire, la France veut encore renforcer ses mesures contre la fraude fiscale, notamment en portant de 3 à 10 ans le délai de prescription sur les avoirs non déclarés détenus à l'étranger, a annoncé la ministre du Budget Valérie Pécresse.

Se voulant "diplomate", elle s'est refusée à communiquer la liste des pays dans le collimateur des autorités françaises. Indiquant qu'au cours des huit premiers mois de l'année 2011, "plus de 230 requêtes ont été formulées par la France à 18 Etats Andorre, Suisse, Liechtenstein, Malte, Jersey, etc.", la ministre a précisé que le taux de réponse était de seulement 30%, parfois simplement pour confirmer des informations connues. Selon Philippe Parini, directeur général des finances publiques françaises, la Suisse n'a apporté que 20% de réponses aux 80 demandes adressées par la France au cours de cette période.

Irritation suisse

Au sommet du G20 à Cannes début novembre, Nicolas Sarkozy avait dénoncé des "déficiences" dans les efforts de la Confédération, qui ne figure plus sur la liste des paradis fiscaux. Les autorités helvétiques avaient vivement réagi aux critiques du président français. La ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf avait "exprimé son étonnement" au sujet de ces critiques. Et la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey avait affirmé à la TSR que "Nicolas Sarkozy a probablement un problème avec nous, je ne sais pas lequel". Elle avait indiqué avoir convoqué l'ambassadeur de France à Berne, pour lui signifier le "mécontentement" de la Suisse sur "cette manière de faire" (Lire: Différend Paris-Berne).

En France, l'intensification des contrôles devrait se poursuivre, a promis Valérie Pécresse, grâce à la montée à la montée en charge du fichier EVAFISC, créé il y a moins d'un ans pour identifier les contribuables français détenant des comptes bancaires à l'étranger. Et les inspecteurs des impôts feront davantage usage d'un droit de communication auprès de 450 banques établies en France pour connaître l'identité des résidents français ayant procédé à des virements dans des pays considérés comme paradis fiscaux. Depuis 2007, selon Valérie Pécresse, la lutte contre la fraude fiscale a permis à l'Etat français de récupérer 50 milliards d'euros de droits et de pénalités dont 16 milliards l'an dernier.

afp/olhor

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Des accords fiscaux très critiqués

Les traités, dits "Rubik", prévoient que les personnes domiciliées dans ces deux pays peuvent régulariser leurs relations bancaires en Suisse, tout en préservant leur anonymat.

"L'avantage, c'est que cela doit permettre de faire entrer du cash dans les caisses allemandes et britanniques, ce qui est alléchant en ces temps de disette budgétaire", reconnaît un bon connaisseur du dossier, sous couvert de l'anonymat.

Plusieurs pays en difficulté financière négocient d'ailleurs un accord similaire avec Berne ou s'apprêtent à le faire, comme l'Italie et la Grèce, selon des sources concordantes.

Mais les accords "Rubik" ont surtout des inconvénients, dénoncent en choeur plusieurs responsables et ONG.

"Moralement, ces accords sont difficilement acceptables car ils préservent l'anonymat des titulaires des comptes", renchérit le délégué général du gouvernement français à la lutte contre les paradis fiscaux, François d'Aubert.

Pour la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, qui regroupe plusieurs ONG, "ce système est de nature à favoriser la fraude et l'évasion fiscale en créant de facto une amnistie permanente" et "sonne le glas du combat fondateur du G20 contre les paradis fiscaux".

Surtout, prévient Gabriel Zucman, spécialiste du patrimoine à l'Ecole d'économie de Paris, les accords en question pourraient passer à côté de leur objectif prioritaire: permettre aux Etats de récupérer l'argent de l'évasion fiscale. "Ceux qui signent ces traités s'en remettent totalement au bon vouloir des banquiers suisses", déplore-t-il.