Pour la BCE, qui conduisait pour la première fois une telle opération, c'est un succès. Un total de 523 banques de la zone euro se sont pressées pour obtenir un montant historique de 489 milliards d'euros (596 milliards de francs) de prêts. Les économistes tablaient sur une demande entre 100 et 500 milliards d'euros, pour cette opération au montant illimité, les banques pouvant demander et obtenir autant d'argent qu'elles avaient de garanties à fournir en échange à la BCE.
Bouffée d’oxygène
L'injection nette dans le système bancaire européen après cette opération est de moins de 200 milliards d'euros, le reste correspondant à des prêts sur une semaine, trois mois ou un an, que les banques n'ont pas renouvelés ces derniers jours en vue de cette opération spéciale. Ces liquidités sont bienvenues pour les banques de la zone euro, qui auront de gros besoins de refinancement l'année prochaine, et peinent à trouver des fonds alors que les investisseurs ne leur font plus confiance. Plus de 600 milliards de dette bancaire arrivent à maturité en 2012 dont 230 milliards rien qu'au premier trimestre.
"Avec une aide aussi généreuse, le spectre de faillites d'institutions financières à cause de problèmes de liquidités devrait s'éloigner, faisant disparaître l'un des risques qui pourraient entraîner une détérioration de la crise de la dette", notait Christian Schulz, de la banque Berenberg. La Banque centrale espère surtout que les banques utiliseront cet argent pour prêter aux ménages et entreprises de la zone euro et éviter un effondrement du crédit, dévastateur.
Il semble cependant improbable que la cagnotte distribuée serve à soulager les Etats fragiles de la zone euro, comme l'espéraient certains dans la zone euro, le président français Nicolas Sarkozy notamment. Sur le papier, les liquidités amassées par les banques à faible coût peuvent être lucrativement réinvesties dans des obligations d'Etat, certaines très rémunératrices. "L'allocation d'aujourd'hui équivaut à une fois et demi les émissions de dette combinées de l'Espagne et de l'Italie pour l'an prochain. Cependant, nous doutons que l'argent soit utilisé principalement pour racheter de la dette périphérique", estimait Martin van Vlie, d'ING.
Autres priorités
La plupart des grandes banques ont d'autres priorités, avant tout honorer leurs propres échéances financières, et rechignent à acquérir ces actifs risqués, qui pourraient leur valoir une dégradation de leur note financière, selon Christian Schulz. Premier signe encourageant toutefois, l'Espagne a profité dès mardi de la détente sur les marchés pour emprunter davantage que prévu (5,64 milliards d'euros en bons à trois et six mois), à un taux en forte baisse.
Les banques italiennes et espagnoles ont acheté ces derniers jours des obligations souveraines, pour les placer comme garanties lors de l'opération de mercredi, selon les économistes. Au final, l'opération à trois ans "ne va pas sauver la zone euro", tranchait Jonathan Loynes, de Capital Economics. "Les montants en jeu ne se substituent pas aux achats bien plus importants, ou aux garanties, que les marchés attendent de la BCE elle-même", ajoutait-il.
ats/bkel
L'Espagne accuse le coup
L'avertissement de l'agence de notation Moody's sur la pérennité du sacro-saint "triple A" britannique était considéré mercredi à Londres comme un sérieux coup de semonce pour le gouvernement, à la merci de la crise de la zone euro malgré ses tentatives pour s'en tenir à l'écart.
Embarras supplémentaire pour le Premier ministre conservateur David Cameron et son ministre des Finances George Osborne, cette mise en garde est intervenue dans la foulée d'une vive polémique avec la France, qui s'étonnait de se trouver dans le viseur des agences de notation alors que son voisin était épargné.
Dans rapport publié mardi soir, Moody's a pris soin de rappeler que le Royaume-Uni disposait encore à ses yeux de sérieux atouts, rendant la menace d'un abaissement de la note maximale accordée à sa dette nettement moins pressante que celle pesant sur la France.
Mais les médias britanniques ont estimé que son opinion avait fragilisé le gouvernement. The Times (conservateur) évoquait en première page un "gros revers" pour George Osborne qui, selon la BBC, a été "secoué par l'avertissement".