Un courrier de la banque Lloyds, que la RTS s'est procuré, a été envoyé aux clients qui ont un compte en Suisse et qui seraient inscrits sur ce qu'on appelle la "liste des sanctions". Cette liste contient des individus liés au terrorisme ou au blanchiment d'argent et évolue avec l'actualité.
Le courrier de la banque Lloyds explique à ces clients que la vérification des payements reçus ou envoyés via Swift ne se fera plus en Suisse, mais en Grande-Bretagne, où "nous avons délégué une équipe." En d'autres termes, les données bancaires d'un individu seront directement transmises au siège de la banque, qui se constitue une base de données gigantesque et détaillée.
On ne sait pas comment les données transférées seront utilisées
Rien n'est dit de l'usage de ces données à l'avenir. Or, elles sont protégées par la Constitution et les lois suisses, notamment la loi sur la protection des données. Selon la FINMA, il ne s'agit pourtant pas d'une violation de la loi. Il s'agit d'"outsourcing", soit d'externalisation d'activités. L'outsourcing est autorisé par la FINMA depuis le 1er janvier 2009 et concerne toutes les banques étrangères sur territoire suisse.
La nouveauté, c'est que la banque Lloyds pratique l'outsourcing depuis seulement quelques semaines. Il aura donc fallu à la banque plus de trois ans pour mettre en place le "centre d'excellence" mentionné dans son courrier et qui n'est autre qu'une entreprise délégataire.
Ces données pourraient faire le bonheur des fiscs étrangers
A priori, l'identité du client devrait être préservée comme l'exige la FINMA. Mais a priori seulement, puisque Lloyds se réserve le droit de demander plus d'informations dans le cas où les doutes sur des clients se font plus insistants. Cela constitue une nouvelle brèche dans le secret bancaire.
Les avocats spécialisés en droit bancaire rappellent en effet qu'une fois que les informations sont sorties de Suisse, c'est-à-dire de notre juridiction, les clients ne sont plus protégés par le secret bancaire suisse.
Sur ce point et sur les autres, la RTS a contacté la Banque Lloyds, qui ne tient pas à s'épancher plus sur ces questions. La FINMA reconnaît qu'elle a bel et bien été mise au courant des pratiques de Lloyds, mais elle se refuse à aller plus loin dans ses explications. Elle ne nous dit notamment pas si elle garde un oeil sur toutes les données transférées à l'étranger.
Alexandra Cohen/amah
De nombreux clients ne sont pas au courant
Il faut savoir que de nombreux clients n'ont pas de contact régulier avec leur banque en Suisse: toutes les communications qu'ils reçoivent sont conservées en poste restante et ne sont consultées qu'une fois par an par exemple.
Nombreux sont donc les clients qui ignorent ce nouvel épisode. Cette nouvelle affaire pose donc plusieurs questions quant à l'utilité de placer son argent dans une banque étrangère en Suisse.