La France a durci le ton contre ses exilés fiscaux en Suisse, avec une nouvelle instruction publiée le lendemain de Noël, qui pourrait avoir de lourdes conséquences pour ces Français installés dans la Confédération, révèle samedi le journal Le Temps.
Selon ce texte, publié le 26 décembre au Bulletin officiel des finances publiques (Bofi), la France n'accordera plus le bénéfice de la convention de double-imposition pour les Français installés en Suisse et payant un forfait fiscal "majoré".
La Suisse n'a pas été avertie officiellement, a précisé Roland Meier, porte-parole du Département fédéral des finances (DFF). "Nous l'avons appris par des tiers", a-t-il ajouté.
Cette pratique existait pourtant depuis 40 ans, écrit Le Temps, "en vertu d'un accord entre la France et la Suisse". Concrètement, cette tolérance, instaurée en 1972, a été supprimée à partir du 1er janvier 2013.
Expatriés fiscaux touchés
La mesure touche les expatriés fiscaux qui continuent à avoir une activité professionnelle en France ou à y toucher des dividendes, mais qui n'y payaient pas d'impôts, car ils étaient considérés comme domiciliés fiscalement en Suisse.
Pour avoir droit à cette faveur, ils acceptaient de payer leurs impôts en Suisse, payés sous forme d'un forfait fiscal, avec une majoration de 30%. En échange de quoi, l'administration fiscale suisse leur délivrait une attestation de domicile fiscal, leur permettant de bénéficier de la convention de double imposition franco-suisse signée en 1966.
Avec ce document, ces Français étaient considérés comme domiciliés en Suisse et payaient donc moins d'impôts en France. Ainsi, il ne payaient que 15% d'impôts à la source en France sur leurs dividendes, au lieu de 30%, quand on ne bénéficie pas de la convention de double-imposition.
"Une déclaration de guerre"
Réagissant sur les ondes de la RTS, le conseiller d'Etat vaudois Pascal Broulis (PLR) s'est dit "surpris" et "choqué". Paris "dénonce des conventions, mais une convention, c'est un partenariat. Si c'est unilatéral, c'est une déclaration de guerre, une de plus de la part de la France", a-t-il affirmé. Son interview est à écouter ci-contre.
"Il y un risque d'une montée de tension entre deux pays amis, ce n'est pas très sain", a-t-il estimé. "La France est un partenaire important. Beaucoup de frontaliers travaillent en Suisse, et 5 à 7 milliards de francs de salaire quittent la Suisse pour la France", a-t-il encore rappelé.
"Nous allons continuer de délivrer cette attestation", a précisé Pascal Broulis. Mais la décision de Paris "crée une insécurité", y compris pour "des Suisses qui résident en France et sont également au bénéfice de la convention, et des Français ayant des intérêts en Suisse".
afp/ats/aduc
Les exilés fiscaux vont "se mettre à l'abri"
Pour l'avocat fiscaliste suisse Philippe Kenel, interrogé par Le Temps, si la France décide véritablement d'exclure tous les exilés fiscaux français en Suisse du bénéfice de la convention, "le résultat sera l'exact inverse de ce qu'espèrent les Français", les exilés fiscaux "vont couper tous leurs liens avec l'Hexagone pour se mettre à l'abri".
2'000 Français concernés
Fin 2010, la Suisse comptait 5445 résidents étrangers multimillionnaires bénéficiant du forfait fiscal et rapportaient 668 millions de recettes fiscales aux trois niveaux de l'Etat (Confédération, cantons, communes). Sur ce nombre, 2000 étaient français.
Vivement critiquée par les pays voisins pour ce système, la Suisse a décidé l'année dernière de durcir les conditions de ce forfait, en augmentant le montant de l'impôt.