Sous pression, la Suisse doit revoir son imposition des entreprises d'ici 2018. Un premier rapport sur la 3e révision des entreprises propose de miser sur de nouveaux outils spéciaux acceptés internationalement et une large baisse de l'imposition cantonale des bénéfices. Résultat: des pertes estimées entre 1 et 3 milliards. Confédération et cantons devront encore se pencher sur le détail de cette réforme.
"Il y a urgence", a souligné devant la presse la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf, qui a brandi le risque de voir fuir les sociétés étrangères concernées, ainsi que les emplois qui leur sont liés.
La Suisse joue gros
Car la Suisse joue gros: elle risque des mesures de rétorsion, comme figurer sur une liste noire ou perdre les avantages contenus dans les conventions de double imposition. Berne doit trouver une entente avec Bruxelles. En juin, l'Union européenne, qui ne veut plus que les cantons imposent différemment les revenus des sociétés helvétiques et étrangères, fera le point. (Lire: L'Union européenne va négocier avec la Suisse sur la fiscalité)
Eveline Widmer-Schlumpf a précisé qu'il faudra au moins cinq ans pour changer de système. L'UE a toujours été avertie de ce délai et ne l'a pas remis en question jusqu'ici, selon elle. Avec la 3e réforme, il ne s'agit pas de réduire les impôts mais d'assurer l'acceptation du système fiscal helvétique, a martelé la conseillère fédérale.
Des milliards en jeu
Reste que les statuts privilégiés, qu'il faudrait abandonner, sont actuellement une poule aux oeufs d'or: 3,8 milliards sur les 7,8 milliards de recettes des impôts sur le bénéfice pour la Confédération et 1,5 milliard sur 8,5 milliards au niveau des cantons et des communes.
Certains cantons en dépendent fortement. Pour éviter de se retrouver sans le sou, le rapport propose de combiner deux séries de mesures: d'un côté de nouvelles réglementations spéciales, et de l'autre une baisse de l'imposition cantonale des entreprises.
Le projet définitif devrait être remis l'année prochaine au Parlement. D'ici là, les cantons et la Confédération devront poursuivre ensemble les travaux.
ats/asch
Légère augmentation des forfaits fiscaux
L'an dernier, 5634 étrangers bénéficiaient de forfaits fiscaux en Suisse. Ils ont rapporté 695 millions de francs aux cantons, aux communes et à la Confédération. Leur nombre a légèrement progressé depuis la dernière enquête auprès des cantons réalisée en 2010 (5445), mais la hausse a ralenti.
Le revenu moyen des étrangers assujettis aux forfaits fiscaux s'est monté à 123'358 francs l'an dernier, contre 122'681 en 2010. Dans les cantons romands, Vaud compte 1396 contribuables imposés d'après la dépense (2010: 1397), le Valais 1300 (1162), Genève 710 (690), Neuchâtel 39 (28) et le Jura 22 (14).
Lors de son assemblée plénière, la CDF a adopté son mot d'ordre sur l'initiative populaire pour l'abolition des forfaits fiscaux lancée par le parti "La Gauche". Comme le Conseil fédéral, les cantons appellent les citoyens à rejeter cette idée.
26 cantons, 26 situations différentes
La Conférence des directeurs cantonaux des finances (CDF), qui voit dans le rapport une "base solide", souligne toutefois qu'il faudra entendre les positions des cantons.
Il y a en effet 26 cantons avec 26 situations différentes. Parmi ceux qui profitent beaucoup des statuts privilégiés à abolir figurent Zoug, Bâle-Ville, Vaud et Genève.
Tous les cantons n'avancent pas non plus avec les mêmes cartes concernant la baisse de l'imposition des bénéfices des entreprises. Avec environ 15%, Zoug applique déjà un taux proche des 12% jugés internationalement compétitifs. Genève, Vaud et Bâle-Ville naviguent en revanche aujourd'hui entre 22 et 24%.
Le canton de Genève est "satisfait"
La position du Conseil fédéral sur la réforme de l'imposition des entreprises satisfait le canton de Genève. "Nous avons été entendus", a déclaré vendredi le responsable du département genevois des finances David Hiler.
Genève est l'un des cantons qui a le plus à perdre dans la réforme, lui qui abrite de nombreuses sociétés au bénéfice d'un statut spécial. Le départ de ces entreprises sous d'autres cieux plus cléments du point de vue de la fiscalité coûterait à Genève, au bas mot, quelque 1 milliard de francs, a averti David Hiler. Le canton voit d'un très bon oeil l'idée que la Confédération paie une partie de la facture.