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Des banques suisses continuent à livrer des noms d'employés à la justice américaine

Lex USA: des banquiers se retrouvent sans protection
Lex USA: des banquiers se retrouvent sans protection / 19h30 / 2 min. / le 20 juin 2013
L'avocat genevois d'anciens employés de Credit Suisse a reçu un courrier selon lequel de nouvelles informations concernant ses clients seront envoyées au Département de justice américain lundi, a appris la RTS.

Après l’enterrement de la lex USA par le Parlement mercredi, des milliers d’employés de banques craignent que leurs données continuent à être massivement transmises à la justice américaine. Credit Suisse n’avait pas interrompu ses livraisons d’informations, a appris la RTS jeudi. Deux anciens employés ont ainsi reçu, via leur avocat genevois Alec Reymond, un courrier daté du 18 juin 2013 - et que la RTS a pu consulter - qui leur annonce que de nouvelles informations les concernant seront transmises lundi 24 juin.

De fait, les intéressés ont un délai minimum pour faire recours. "Comme vous pouvez l’imaginer, dans les trois jours ouvrables qu'il reste, il est rigoureusement impossible d’être efficace sur le plan judiciaire", explique Me Reymond.

Sommation

En août 2012, Hanspeter Thür, le préposé fédéral à la protection des données, avait sommé les banques – Credit Suisse, HSBC, Julius Baer - qui s'étaient livrées à des remises sauvages de listes de leurs employés, de respecter certaines règles. Il rappelait que les établissements devaient avertir leur personnel avant tout transfert, et que les intéressés devaient avoir le droit de s’y opposer.

Interrogé par la RTS, Credit Suisse estime avoir respecté ces deux conditions. Dans un mail, le service de presse de la banque explique que "la transmission aux autorités américaines de documents commerciaux internes en relation avec les affaires transfrontières américaines de Credit Suisse AG est effectuée dans le cadre de l'autorisation accordée par le Conseil fédéral en avril 2012 conformément à l'art. 271 du code pénal (CP) et dans le respect des recommandations du préposé fédéral à la protection des données (PFPD).

"Il ajoute que "la livraison actuellement débattue est en préparation depuis des mois et les collaborateurs concernés en ont été informés mi-mai 2013 déjà. A cette occasion, ces derniers ont eu la possibilité de prendre connaissance des documents." La banque ajoute que "depuis que nous avons commencé à livrer des informations et à collaborer avec les autorités américaines, il n'y a eu aucune inculpation parmi nos employés et ex-employés".

"Chair à canon"

Alec Reymond, lui, ne décolère pas, estimant que le délai laissé à ses clients pour organiser leur défense est manifestement insuffisant. Il pose la question de l’impunité des dirigeants des banques, membres de la direction ou du conseil d’administration qui ont pourtant mis en place les politiques de démarchage des clients aux Etats-Unis. "Les dirigeants ne sont pas touchés car pour l’instant, on a livré le nom de subalternes un peu comme de la chair à canon. Les banques ont cédé à ce chantage américain qui consistait à dire: aussi longtemps que vous balancez, nous ne prendrons pas de mesures trop énergiques vis-à-vis de vos établissements et de vos responsables."

Avec le rejet de la lex USA, cette situation pourrait rapidement évoluer.

Agathe Duparc

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Employés et justice en 3 chiffres

- Toutes banques confondues, quelque 10'000 noms ont été livrés à la justice américaine
- Une quarantaine d'employés ont été inculpés
- Une dizaine d'employés ont été effectivement arrêtés